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Timbuktu : C’était donc ça !

Publié le vendredi 6 mars 2015 à 16h29min

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Timbuktu : C’était donc ça !

Aux kalachnikovs des djihadistes, Abderrahmane Sissako répond par la force de l’image. A l’obscurantisme religieux, le réalisateur mauritanien, présente un islam humain et ouvert. Timbuktu est un film de refus, une ode à la tolérance qui présente tel un documentaire, ce qu’on a entendu ou vu de ce qui se passait dans la ville aux 333 saints pendant l’occupation djihadiste.

Timbuktu est réduite au silence. Les nouveaux maîtres font régner la terreur. Mariage forcé, imposition de la burka intégrale, transgression des coutumes locales, lapidation à mort, coups de fouets publics, interdiction de jouer de la musique, au ballon. Il n’y a plus de vie à Timbuktu.

L’iman est le symbole de l’islam tolérant dans le film. Le vieil homme s’évertue à sensibiliser les envahisseurs. Il refuse le mariage forcé, « la charia, je la fais sur moi » lance-t-il à la figure des fous de Dieu.

Timbuktu, c’est aussi le symbole de refus d’une population qui refuse d’être asservie sans broncher. Malgré la force de feu des djihadistes, les populations désarmées ne capitulent cependant pas. Cette résistance pacifique est traduite par ces jeunes qui jouent au football sans ballon, cette femme qui préfère donner ses mains à couper plutôt que de vendre du poisson avec des gants, « nos parents nous ont toujours éduqué dans la dignité » clame-t-elle à la barbe des barbus. La résistance, c’est aussi cette folle qui foule aux pieds les nouvelles lois. Elle nargue les occupants, les affronte dans un face-à-face et n’hésite pas à leur lancer « connard ».

Timbuktu, c’est aussi la traduction des difficultés dans le vécu quotidien entre deux communautés. Le pêcheur Amadou qui d’un coup de lance, tue la vache de Kidane, GPS, qu’il affectionnait tant. Parce que l’animal a dérangé les filets du pêcheur dans la rivière. De l’explication qui s’en est suivie, Mamadou, meurt accidentellement.

Kidane passe devant le tribunal islamique qui le condamne à mort. C’est la charia qui doit s’appliquer. Le cinéphile est saisi d’une forte émotion quand le condamné, larmes au coin de l’œil fait savoir au « juge » que la mort ne lui fait pas peur, mais son regret c’est de pas pouvoir regarder sa fille de 12 ans, Toya qu’il aime plus que tout au monde. Dans un calme qui trouble les deux hommes qui scellent son sort, il leur demande s’ils ont des enfants. « Je suis prêt, faites-le », se contente Kidane.

Timbuktu, c’est aussi la dénonciation de la lâcheté des donneurs de leçon. Ce qu’ils imposent aux autres à coup de fouets, de lapidation, et de kalachnikov, ils se cachent pour le faire. Abdelkrim se cache pour fumer, envie la femme de Kidane, Satima à qui il rend visite en l’absence de son mari.

Le cinéphile communie avec Timbuktu. Tantôt dans un fou rire avec l’anglais approximatif du jeune djihadiste (Somebody kill Somebody Here), tantôt dans des sentiments de révolte quand un couple est à moitié enterré et lapidé à mort, ou quand Kidane et sa femme Satima sont abattus.

Côté artistique, Timbuktu est un chef-d’œuvre. L’environnement du tournage se prêtait certainement à de belles prises de vue. Ces dunes de sable, ces mosquées historiques, ces habitations traditionnelles sont autant d’éléments dont la qualité des images fait la force du film.

Le film est tel un documentaire, tellement, la réalité de l’occupation djihadiste est dépeinte sans grand effort. Le scénario ayant été donné par les événements dans la partie septentrionale du Mali. Le film a fait une razzia de prix dans d’autres festivals, l’Etalon de Yennenga est-il déjà dans l’escarcelle de Abdourahme, Sissako ? « (…) Le jury fera son travail, ce qui permettra de mettre en valeur un film. Quel que soit le film qui sera mis en valeur, ce sera une victoire pour l’Afrique », a dit le réalisateur mauritanien à la fin de la projection. La réponse c’est pour ce 7 mars.

Tiga Cheick Sawadogo
Lefaso.net

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