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Crises sociales en Afrique : Les démocrates au ventre vide

Publié le jeudi 17 mars 2005 à 08h34min

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Les uns mangent, les autres regardent et ainsi naissent les révolutions. Cette caricature de Feu Thomas Sankara, président du Faso, pour dépeindre l’écart entre les riches et les pauvres est plus que jamais d’actualité en Afrique.

Dans un premier temps, c’est le continent noir, abandonné sur le quai par le train du développement, qui assiste impuissant au festin des grands. Par moments, des miettes sont jetées aux Africains et comme une meute de canidés derrière un os, ils courent dans tous les sens, s’entredéchirent pour atteindre l’objet de la convoitise et surtout de la division.

Dans un deuxième temps, les Africains eux-mêmes contribuent à creuser le fossé entre riches et pauvres qui devient un gouffre sans fond. Pire, les gouvernants se préoccupent peu ou pas du tout du sort de leurs populations. Celles-ci essaient de survivre dans une misère endémique où s’offrir l’un des trois repas quotidiens devient un exploit, quand cela ne relève pas du miracle.

Pendant ce temps, les dirigeants mangent et boivent à satiété en oubliant les nécessiteux. Si ces inégalités sociales ne provoquent pas tout le temps des révolutions, quand elles sont savamment entretenues sur la longue durée, elles font naître des frustrations de toutes sortes. Le citoyen lambda, l’estomac au talon, ne sait plus à quel saint se vouer et comme on le dit, "ventre affamé n’a point d’oreille". C’est ainsi qu’à travers les syndicats et autres mouvements de lutte, les travailleurs refusent de serrer tout le temps la ceinture pour que d’autres puissent desserrer leurs bretelles. Les marches, les meetings, les sit-in et toutes sortes de grèves sont mis à profit pour montrer le mécontentement généralisé.

Le mercure monte et le climat social se détériore sans répit. La rue devient la seule arène où les manifestants affrontent les forces de l’ ordre qui ont pour mission de les réprimer par tous les moyens car il faut protéger la république. Grenades lacrymogènes, gourdins et parfois des balles réelles sont quelques-uns des arguments forts déployés par les hommes de tenue pour " casser les mouvements".

Comme une terre maudite, l’Afrique assiste parfois impuissante à travers ces affrontements, à la mort de ses fils. Ce mauvais vent de revendications sociales fait une fois de plus la une de l’actualité. Le Niger est secoué par une houle de citoyens mécontents qui manifestent contre la cherté de la vie. Tout augmente sauf les salaires. Au Sénégal, au Cameroun, tout comme au Bénin, c’est le secteur de l’éducation qui est fortement ébranlé par des grèves des enseignants ou des étudiants et élèves.

Au Mali, ce sont les cheminots qui débrayent au risque de faire dérailler ou bloquer le train. Au Togo, en Côte d’Ivoire et ailleurs, c’est la même ritournelle des revendications sociales. Au Burkina Faso, après avoir battu le pavé à plusieurs reprises sous la bannière de leurs centrales syndicales et syndicats autonomes, les travailleurs déplorent la fuite en avant du gouvernement, car leur plate-forme revendicative reste sans réponse satisfaisante.

Tout se règle finalement dans la rue qui devient un autre cadre de dialogue social. C’est, quoi qu’on dise la démocratie et c’est dommage qu’elle ne soit pas accompagnée du pain pour le peuple. Perçue comme de la subverstion et de la manipulation politique, ces manifestations des populations pour réclamer le minimum vital contrastent curieusement avec le train de vie presque orgiaque des gouvernants. L’argent existe donc bel et bien et ce sont les richesses qui sont inéquitablement réparties. Le drame est que ce ne sont pas toujours ceux qui travaillent le plus qui sont les mieux nantis.

Parfois, les gouvernants africains n’ont pas le choix face aux frondes sociales. La plupart des pays, pour ne pas dire la totalité, sont liés par des accords-pièges signés avec les Institutions de Bretton Woods dont les syndicats connaissent assez bien les mesures anti-sociales. Mises à l’écart lors de la signature de ces pactes qui scellent, paradoxalement, leur destin, les populations n’ont d’autre choix que de contester éternellement.

Finalement, que nous a apporté la démocratie sinon la liberté de marcher le ventre vide contre des inégalités sociales légitimées par des principes démocratiques ? L’Afrique des crises et des maux les plus indescriptibles continue cependant de vivoter et peut-être qu’un jour un changement notoire rétablira l’équilibre du balancier entre le Nord et le Sud, entre les puissants et les faibles. Ainsi la fracture sociale entre riches et pauvres pourra être ramenée à des proportions plus décentes.

Le pays

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