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Fespaco 2015 : Sous le signe du numérique !

Publié le dimanche 1er février 2015 à 06h57min

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Fespaco 2015 : Sous le signe du numérique !

Le Festival panafricain du cinéma et de la télévision aura bel et bien lieu aux dates prévues. Ainsi en a décidé le gouvernement burkinabè au grand bonheur des professionnels africains, de la diaspora et des cinéphiles

Le doute a longtemps plané sur la tenue de la 24ème édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadadougou (Fespaco), prévue du 28 février au 7 mars 2015. La crainte d’une propagation sur le territoire national du virus à maladie Ebola, qui sévissait dans certains pays d’Afrique de l’Ouest, dont le Mali voisin, avait conduit les autorités à annuler plusieurs manifestations. Le sommet extraordinaire de l’Union africaine sur « l’Emploi, l’éradication de la pauvreté et le développement inclusif », qui devait se tenir début septembre, puis le Salon international du tourisme et de l’hôtellerie (Sitho) programmé du 2 au 5 octobre, et le Tour cycliste du Faso (fin octobre) avaient purement et simplement été annulés. Quant au Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (Siao) qui devait se tenir du 31 octobre au 9 novembre 2014, l’événement avait été reporté mais pas annulé, et les organisateurs espéraient un nouveau rendez- vous au plus tard en mai 2015.

A la tête d’une délégation venue animer à Paris le 15 janvier la conférence de presse de lancement du Fespaco, le ministre de la Culture et du tourisme, Jean-Claude Dioma a révélé que le 14e SIAO a été finalement annulée. Dans ce naufrage des manifestations culturelles, seul le Fespaco aura survécu. De justesse. Il a fallu l’implication directe et personnelle du président de la Transition, Michel Kafando pour que la 24ème édition soit non seulement maintenue, mais aux dates prévues. « Le fait du prince », pour reprendre son expression, a donc été entériné en conseil des ministres le 7 janvier, assorti d’instructions données aux ministres concernés « à prendre les dispositions idoines, notamment le renforcement de la campagne de prévention contre la maladie à virus Ebola, en vue de réussir l’organisation du Fespaco qui honore notre pays ».

C’est dans la foulée que la campagne de communication internationale a été lancée avec l’organisation de deux conférences de presse, une à Paris le 15 janvier dans les locaux de la cinémathèque française, et l’autre à Bruxelles, à la maison des ACP. Ceci explique sans doute pourquoi l’étape de Paris n’a pas connu la grande affluence habituelle, les invitations ayant été envoyées tardivement.
A Paris, le ministre de la Culture et du tourisme, Jean-Claude Dioma et le nouveau délégué général du Fespaco, Ardiouma Soma, respectivement nommé le 9 et 10 décembre 2014, ont rassuré le public quant à la bonne organisation de ce rendez-vous culturel post-insurrection. Sur le virus Ebola et sur la sécurité des festivaliers, le ministre a déclaré : « Il n’y a aucun cas d’Ebola signalé au Burkina et en concertation avec le ministère de la Santé, un dispositif sera mis en place dans tous les lieux de rassemblement pour éviter tout risque de contamination. Quant à la sécurité, il y a bien entendu les forces de sécurité qui sont visibles, mais il y a aussi celles qui ne sont pas visibles et qui veillent jour et nuit pour que tout se passe bien ». (Voir video en bas). Comme pour lever définitivement le doute dans l’esprit d’éventuels sceptiques, l’ambassadeur du Burkina en France, Eric Tiaré, insiste : « Si les plus hautes autorités ont maintenu l’organisation du Fespaco aux dates prévues, c’est qu’elles ont pris toutes les mesures nécessaires pour assurer le bon déroulement du Festival ; donc, n’ayez aucune crainte ».

A quatre semaines de l’ouverture du Fespaco, les nouvelles sont plutôt rassurantes dans la lutte contre Ebola. L’Onu a annoncé cette semaine une baisse continue du nombre de nouveaux cas de contamination. Pour la première fois depuis l’apparition de l’épidémie en septembre 2013, le nombre de nouveaux cas par semaine est passé sous la barre de 100 et dans les trois pays les plus touchés (Guinée, Liberia, Sierra Leone), on constate un réel ralentissement. Au Libéria, seulement quatre cas ont été rapportés dans la dernière semaine de janvier contre huit la semaine précédente, 65 nouveaux cas contre 117 en Sierra Leone et une stabilité en Guinée avec 30 nouveaux cas contre 20 durant la même période. Quant au voisin malien, le représentant de l’Onu au Mali dans la lutte contre Ebola, Ibrahim Soccé Fall a annoncé le 26 janvier la fin de la mise sous surveillance des dernières personnes à avoir été en contact avec des malades infectés par le virus Ebola. Il a donc déclaré qu’officiellement, « il n’y a plus de cas de maladie à virus Ebola au Mali ». L’Onu reste toutefois prudente et rappelle que « l’épidémie n’est pas encore endiguée ». La grande fête du cinéma africain devrait donc tenir toutes ses promesses d’autant plus qu’elle suscite toujours un engouement auprès des cinéastes. Pour preuve, 720 films ont été réceptionnés par le comité de sélection et seulement 134 ont retenus (voir liste en bas) dont 20 longs métrages venant de 17 pays, en lice pour l’Etalon d’or de Yennenga.

Placé sous le thème : « Cinéma africain, production et diffusion à l’ère du numérique », le délégué général, Ardiouma Soma a expliqué que les innovations décidées à l’occasion de cette édition tiennent compte de l’évolution technologique et des préoccupations des professionnels du 7e art. Ainsi, les films numériques sont désormais admis dans la compétition officielle, de même que les œuvres de la diaspora- jusque exclues là-, pourront prétendre à l’Etalon du Yennenga, ainsi qu’aux prix dans les catégories court métrage, documentaire et séries télévisuelles. « Ce qui va changer avec l’acceptation du numérique, c’est que les cinéastes ne seront plus obligés de convertir leur film en 35mm pour être acceptés en compétition ; ça occasionnait des frais supplémentaires inutiles surtout qu’ils le faisaient juste pour le Fespaco », explique Toussaint Tiendrebéogo, spécialiste de programme et chargé des politiques et industries culturelles à l’Organisation internationale de la francophonie. S’il salue l’avènement du numérique, il met toutefois en garde contre le risque de tomber dans la facilité qui se traduirait par une baisse de la qualité des œuvres.

C’est le réalisateur ghanéen Kwaw Ansah, lauréat du grand prix du Fespaco en 1989, qui présidera le jury de la prestigieuse catégorie long métrage, pendant que le réalisateur sénégalais Ousmane William Mbaye, présidera celui de la compétition documentaire et la comédienne martiniquaise Firmin Richard, le jury du court métrage. Ardiouma Soma a aussi annoncé que le MICA sera délocalisé sur le site du Siao, dans le Pavillon Jaune, que les festivaliers pourront rallier à bord de navettes qui seront mises à leur disposition. C’est la compagnie marocaine, Royal air Maroc (RAM) avec laquelle le Fespaco a signé un contrat de partenariat jusqu’en 2019, qui assurera officiellement le transport des festivaliers.

Première édition de l’après Blaise Compaoré, « va-t-on enfin cesser de censurer des films qui ne plaisent pas », demande le cinéaste tunisien Mohamed Challou, regrettant que son film sur Thomas Sankara ait été censuré dans le passé. Une accusation rejetée par le délégué général Ardiouma Soma : « Le Fespaco n’a jamais fait de censure et cette année par exemple, le ministre de la Culture a reçu la sélection des films juste le matin de la conférence de presse. Tous les gouvernements du Burkina ont laissé la main libre à la direction du festival ». Et le ministre de rappeler que même en 1989, à peine deux ans après l’assassinat de Thomas Sankara et la prise du pouvoir par Blaise, il n’a jamais été question de censurer un film. Condition première de la création artistique, on en reparlera certainement de la liberté d’expression lors du colloque prévu sur la production et la diffusion à l’ère du numérique.

Côté pratique du Fespaco, le ministre Jean-Claude Dioma et le délégué général Ardiouma Soma se sont voulus également rassurants. Malgré l’insurrection populaire de fin octobre 2014 et les dégâts qu’elle a causés, 2015 ne sera pas une édition au rabais. L’essentiel des préparatifs avait déjà été fait par celui qui était encore en place, Michel Ouédraogo, débarqué de manière quelque peu cavalière à deux mois de l’événement.

Le grand absent de ce 24e Fespaco sera sans doute l’hôtel Azalaï. Situé en plein cœur de Ouagadougou, « l’Indé », comme on l’appelait avant, est le grand compagnon du Festival depuis des décennies, l’hôtel préféré des cinéastes, comédiens, journalistes et autres invités VIP ; l’endroit par excellence où il faut être vu, le lieu de rendez-vous des stars et des branchés.
Le 30 octobre 2014, peu après avoir incendié l’Assemblée nationale, des manifestants se sont invités dans cet établissement de luxe, qu’ils ont saccagé, pillé et incendié. « C’est ici que les députés qui devaient voter la loi modifiant l’article 37 de la constitution ont dormi ; donc l’hôtel est complice de ce qu’ils voulaient faire », avait justifié, point levé, un manifestant. D’après la direction, la réouverture de l’hôtel n’aura pas lieux avant deux ans. Rendez-vous peut-être au Fespaco 2017 !

Joachim Vokouma ; Lefaso.net (France)
https://www.youtube.com/watch?v=VxmWBrsZpI0&list=UUt3TN7B3wM3hhwAlSg1fn0g)

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