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Le sous financement des PME par les banques locales

Publié le vendredi 16 janvier 2015 à 12h41min

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Le sous financement des PME par les banques locales

La crise financière de 2008 continue d’avoir des conséquences négatives sur l’économie mondiale. Mais, l’Afrique de par sa faible contribution au commerce mondiale (3 à 4%) a été relativement épargnée comparativement à d’autres continents. En effet, dans bon nombre de pays dont le Burkina Faso, la croissance économique a été relativement peu touchée, mettant en évidence une certaine capacité de résilience. Cette situation s’explique entre autres par le faible niveau de financement des secteurs productifs, voire même le rationnement du crédit bancaire aux Petites et Moyennes Entreprises (PME) qui sont les véritables moteurs de la croissance économique.

En fait, les établissements bancaires au sein des pays africains préfèrent conserver les liquidités souvent très importantes dont elles disposent plutôt que de financer les projets d’investissement des entreprises. Pourquoi donc les banques locales prêtent-elles si peu aux PME et secteurs productifs, et comment améliorer l’accès des entreprises aux crédits bancaires ?

Le rôle premier d’une banque faut-il le rappeler est de collecter l’épargne de clients et de la transformer en capacité de paiement ou de financement. Ce faisant, les banques procèdent généralement à des financements de long terme à partir de ressources de court et/ou moyen terme essentiellement constituées de l’épargne de leurs clients. Une telle activité comporte un risque majeur car la clientèle peut de manière imprévue demander le retrait de sa liquidité. La prudence impose alors aux banques de disposer d’une liquidité suffisante pour faire face à ce risque.

Or, dans le même temps, les entreprises ont besoin d’emprunter à long terme pour aboutir à des projets d’investissement rentables. Cette situation est délicate pour les banques, tiraillées entre la prudence et le développement économique.

Dans l’espace UEMOA, les rapports annuels de la commission bancaire ainsi que ceux de la Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) montrent sans conteste depuis bien longtemps un excès de liquidité du système bancaire dans l’ensemble des pays membres. Ce constat est regrettable car il témoigne clairement du choix opéré par nos banques, c’est-à-dire de conserver la liquidité au delà du minimum vital plutôt que de la prêter aux agents économiques. Le président sénégalais Macky Sall a d’ailleurs fustigé ce comportement lors du symposium du cinquantenaire de la BCEAO en 2012.

Lorsqu’on s’y intéresse de près, les banques elles mêmes reprochent aux entrepreneurs (ou promoteurs) de ne pas toujours mettre toutes les chances de leur côté pour obtenir du crédit, favorisant ainsi la surliquidité bancaire. Les banques sont généralement sensibles à un certain nombre de critères ou conditionnalités officieux ou officiels pas toujours appréhendés à leur juste valeur par les entrepreneurs. On peut citer :

- La moralité du promoteur. Il s’agira pour la banque de savoir si le promoteur est digne de confiance, s’il a les compétences techniques ou dispose d’une expérience confirmée dans son activité, s’il ne fait pas l’objet de poursuites judiciaires ou n’est pas mêlé à des scandales financiers ou encore toute autre affaire qui puisse compromettre la bonne exécution de son projet ou le respect des termes d’un éventuel prêt ;

- La rentabilité et la solvabilité du projet du promoteur. En accordant un prêt à une PME, la banque fait le pari d’un retour sur investissement qui devrait permettre au promoteur de rembourser sa dette. Ainsi, la banque va examiner la disponibilité d’une clientèle ou l’existence d’un marché solvable pour le projet. Les aspects réglementaires relatifs au marché sont également auscultés par la banque, en particulier elle cherche à savoir s’il existe d’énormes barrières à l’entrée, une réglementation trop contraignante, etc.

- Les états financiers certifiés par un expert-comptable. L’existence de tels documents fournis par les PME est importante car ils peuvent servir à assurer le refinancement des banques locales auprès de la BCEAO.

- Le niveau d’endettement antérieur du promoteur. Il est fort probable qu’un promoteur déjà trop endetté dans une banque soit perçu par les autres comme une menace.

- La gouvernance. La forme juridique de l’entreprise est déjà un indicateur de sa capacité financière. Les banques s’y intéressent et souhaitent généralement que le système de gestion d’une entreprise ne repose pas sur un seul individu afin de réduire le risque de faillite. Dans le même sens, une attention est portée à la forme de succession dans l’entreprise pour évaluer sa pérennité en cas d’absence du promoteur. Pour les gros investissements, on se rassure aussi que l’entreprise dispose d’un minimum de compétences humaines.

- La garantie (hypothèque). Ce n’est que lorsque la banque est intéressée par le projet du promoteur, (ou la PME) qu’elle va lui exiger une garantie. La nature et la forme de la garantie varie généralement selon le montant du crédit demandé par le promoteur, le type d’activité à financer et le degré de visibilité que la banque a par rapport aux autres critères énumérés ci dessus.

Cependant, d’autres facteurs peuvent expliquer la surliquidité bancaire. Il s’agit par exemple de la faible concurrence du secteur bancaire qui se traduit par des taux d’intérêts débiteurs élevés, et des conditions drastiques d’accès au crédit bancaire. Aussi, le système judiciaire n’étant pas toujours capable de régler les litiges entre prêteurs et emprunteurs, les banques deviennent frileuses vis-à-vis des PME.

Au regard de la situation de surliquidité du système bancaire ouest africain, quelques mesures de facilitation de l’accès au crédit par les entreprises peuvent être envisagées. Il faudrait bien sûr que l’Etat réduise les risques encourus par les banques en développant davantage les institutions comme les fonds de garantie ou les sociétés de caution mutuelle. Une politique volontariste de modernisation des entreprises s’impose aussi. C’est dans ce sens que les Centres de Gestion Agrées (CGA) déjà effectifs au Burkina Faso sont à promouvoir. L’environnement des affaires doit être amélioré, notamment la lutte contre la corruption, le clientélisme à travers un système judiciaire sain.

Joël Awouhidia KORAHIRE
Attaché de recherche

En savoir plus :
Doumbia, S (2011). Surliquidité bancaire et sous-financement de l’économie – Une analyse du paradoxe de l’UEMOA. Revue Tiers Monde, n° 205, pp. 151-205.

Sombié Issiaka (2013). Approche microéconomique de l’analyse de la performance des systèmes financiers dans les pays en développement : cas du Burkina Faso. Thèse unique de doctorat en sciences économiques, Université d’Orléans.

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Vos commentaires

  • Le 20 janvier 2015 à 16:44, par SAMANDOULOUGOU En réponse à : Le sous financement des PME par les banques locales

    MAGNIFIQUE

  • Le 4 août 2015 à 18:54, par DAOUDA LAWA TAN En réponse à : Le sous financement des PME par les banques locales

    comme autre moyen de favoriser le financement des PME on peut penser a la finance indirecte. en effet courcircuiter le banquier permet a la fois de mobiliser les fonds a moindre cout [cout du capital] et de payer des intérêts débiteurs trop élevé. il est bénéfique pour les empreteurs et les prêteurs

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