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L’armature institutionnelle et juridique de la IVème République

Publié le mardi 15 mars 2005 à 16h58min

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Adoptée par le référendum du 2 juin 1991, révisée par les lois numéros 002/97/ADP du 27 janvier 1997 et 003/2000/AN du 11 avril 2000, la constitution de la IVème République a plus d’une décennie d’âge.

Une décennie, période insuffisante sous d’autres cieux pour que l’on s’en gargarise (pour mémoire la constitution américaine date du 18ème siècle) mais notable chez nous pour être souligné, car aucun de nos textes fondamentaux antérieurs n’a battu un tel record.

La constitution du 2 juin 1991, si elle n’a pas été enfantée aux forceps, aura néanmoins connu une gestation douloureuse. Ses géniteurs s’entendaiennt mal sur certains de ses passages, ou la déclaraient même « inopportune ». Une situation qui tire sa source du fait que le « vent démocratique » charrié par le discours prononcé par l’ancien président français, François Mitterrand lors du sommet France-Afrique de la Baule, ne soufflait pas encore très fort sur le continent.

Et aussi du fait que dans le cas du Burkina Faso, le pays sortait d’une longue période d’Etats d’exception, dont l’avant-dernier, le Conseil national de la révolution (CNR) avait contribué à exacerber les antagonismes en divisant les politiques en deux camps : les ennemis du peuple d’un côté, et les révolutionnaires, ceux qui défendent les intérêts du peuple, d’un autre côté.

Légataire de cette vision manichéenne de la politique, le Front populaire dont par ailleurs les principaux dirigeants étaient des dignitaires du régime déchu, ne pouvait que rencontrer que la méfiance, voire de la suspicion de la part des ses « ennemis » d’hier qui avaient été conviés à la « table d’accouchement » de notre loi fondamentale.

La Cour suprême a été éclatée en 4 juridictions

On se souvient encore des joutes homériques ayant opposé les deux camps sur la nature de l’Etat de droit en construction : alors que les uns voulaient lui conférer une « étiquette » révolutionnaire, les autres ne voulaient point entendre parler de cela. Le dialogue ne tenait plus qu’à un fil, et Blaise Compaoré, qui dès son premier discours suite à sa prise de pouvoir en 1987, avait perçu la nécessité d’aller résolument vers un système démocratique, a du prendre sur lui pour mettre fin à cette querelle chimérique. Il fut aidé en cela par les « colombes » de son camp et certains leaders de l’opposition. Bon gré, mal gré, un texte fondamental sera mis sur pied, puis soumis au référendum du 2 juin 1991 et promulgué le 11 juin de la même année.

Composée d’un préambule qui réaffirme les responsabilités et les devoirs des constituants devant l’histoire et leur désir de promouvoir la paix, la coopération internationale et le règlement pacifique des différends entre les Etats, cette constitution de type semi-présidentiel s’articule autour de 173 articles. Elle consacre l’unicité et la laïcité de l’Etat de même que l’égalité de traitement des citoyens devant la loi.

Un partage équilibré des pouvoirs

Du fait de sa nature semi-présidentielle, le chef de l’Etat, souvent qualifié de « détenteur du pouvoir suprême », personnifie et représente l’Etat. En vertu de l’article 36, « il veille au respect de la constitution, fixe les grandes orientations de la politique de l’Etat et assure l’unité nationale.

Le président du Faso est élu pour un mandat de 5 renouvelable une fois

Eligible pour un mandat de 5 ans renouvelable une fois (à l’origine, le mandat était de 7 ans renouvelable une fois, avant la révision constitutionnelle d’avril 2000), le Président du Faso est aidé dans sa tâche par le chef du gouvernement qui « conduit la politique de la Nation » et est obligatoirement saisi des projets d’accords internationaux, des projets et propositions de lois et des projets et textes réglementaires.

Autre pôle du pouvoir, le parlement devant lequel « le gouvernement est responsable dans les conditions et suivant les procédures prévues par la présente constitution » (article 62).

Jadis bicaméral, ce parlement a vu sa chambre haute (la Chambre des représentants) supprimée à l’occasion de la révision constitutionnelle d’avril 2000. Il ne reste plus que l’Assemblée nationale dont les membres sont élus au suffrage universel direct, égal, secret et exercent le pouvoir législatif.

Une constitution libérale

Quant au pouvoir judiciaire, « il est le gardien des libertés individuelles et collectives » (article 125) et son indépendance est affirmée (article 129). Jadis juridiction suprême, la Cour suprême s’est vue « éclatée » en quatre juridictions de haut niveau, à savoir la Cour de cassation, la Cour des comptes, le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel, avec pour objectif, l’avènement d’une justice de proximité, fluide et rapide.

Le président du Faso est le garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire.

L’organisation du territoire emprunte, quant à elle, au modèle des collectivités territoriales et l’unité africaine n’est pas occultée, puisque l’article 146 autorise le pays à conclure avec tout Etat africain des accords d’association ou de communauté impliquant un abandon total ou partiel de sa souveraineté.

Le contrôle de la constitutionnalité des lois appartient au Conseil constitutionnel et l’initiative de la révision appartient concurremment au président du Faso, aux membres de l’Assemblée nationale à la majorité des deux tiers et au peuple lorsqu’une fraction d’au moins trente 30 000 personnes ayant le droit de vote introduit devant l’Assemblée nationale par une pétition constituant une proposition rédigée et signée.

L’article 166 stipule que « la trahison de la patrie et l’atteinte à la constitution, constituent les crimes les plus graves commis à l’encontre du peuple ».

Le premier ministre fait l’état de la nation devant l’A.N

Un texte donc, qui, tout en consacrant la prééminence du dialogue entre le chef de l’Etat et le peuple (en rappel, le chef de l’Etat est le garant de l’unité nationale) sur celui entre le gouvernement et le parlement et en optant pour une séparation stricte des pouvoirs, n’en permet pas moins au législatif de contrôler l’action du gouvernement.

En somme, c’est la priorité de la sauvegarde des équilibres institutionnels et la prise en considération de la majorité législative (qui peut ne pas coïncider avec celle présidentielle) qui ont entre autres guidé les constituants burkinabè, faisant chorus avec Thomas Hobbès qui disait que « le pouvoir rend fou et le pouvoir absolu, absolument fou ».

En érigeant des garde-fous et en délimitant strictement les champs d’intervention des différents pouvoirs, la constitution fait barrage à ces dérives. Nonobstant les correctifs à y apporter, il y a donc lieu de veiller à sa préservation, si tant est que l’on est attaché à l’esprit de son préambule qui réaffirme son attachement (celui de la constitution) au caractère démocratique du pouvoir.

B. SY


Le code électoral « toiletté »

Promulguée par décret n°98-203/PRES, la loi portant code électoral a pour objet principal de « s’appliquer aux opérations électorales relatives au référendum, aux élections du président du Faso, des députés à l’Assemblée nationale, des conseillers provinciaux et des conseillers municipaux » (article 1). Tout comme la loi fondamentale, il a été relu dans le souci de répondre aux préoccupations de la quasi-totalité de la classe politique qui le trouvait « inadapté » si elle n’y voyait pas, pour certains, un « instrument » qui favorise la fraude lors des joutes électorales.

Qu’en est-il des nouvelles dispositions relatives aux scrutins et aux listes électorales ? Qu’en est-il de la récente révision du mode de scrutin pour l’élection des conseillers municipaux ?

Une partie substantielle de la loi portant code électoral, édicte les dispositions relatives aux différents scrutins que connaît notre système démocratique. Ces scrutins qui vont de l’élection du premier magistrat à celle des conseillers municipaux obéissent à des conditions qui vont de l’éligibilité au scrutin proprement dit en passant par les incompatibilités, la déclaration de candidature et la campagne électorale. Chacun de ces modes de scrutin obéit à des règles strictes dont l’observation est un impératif pour tout impétrant à ces fonctions.

Du président du Faso

C’est ainsi que pour ce qui concerne l’élection du Président du Faso, tout candidat doit être Burkinabè de naissance, né de parents eux-mêmes Burkinabè et âgé de 35 ans révolus à la date de dépôt de la candidature. Celle-ci peut être individuelle ou présentée par un parti politique ou regroupement de partis. Elle obéit à des conditions de forme (filiation, titre de la candidature, pièces d’Etat civil) et de fond (dépôt au greffe du Conseil constitutionnel, 45 jours avant le premier tour du scrutin d’une caution de 5.000.000 F cfa, remboursable quand le candidat obtient 10% des suffrages exprimés).

Le Conseil constitutionnel arrête et publie la liste des candidats 42 jours avant le premier tour du scrutin. Les élections se déroulent au scrutin majoritaire à deux tours, mais le candidat qui obtient la majorité des suffrages exprimés au premier tour est déclaré élu. Lorsqu’un second tour est nécessaire, les retraits éventuels sont portés à la connaissance du Conseil constitutionnel par les candidats 72 heures après la proclamation des résultats du scrutin.

Le second tour se déroule 15 jours après la date de proclamation des résultats du premier tour. Le dépouillement a lieu immédiatement après la clôture du scrutin. Tout candidat au scrutin peut contester la régularité des opérations électorales sous la forme d’une requête adressée au président du Conseil constitutionnel dans les 48 heures suivant la publication provisoire des résultats du scrutin.

La requête doit préciser les faits et moyens allégués et doit être communiquée aux autres candidats intéressés qui disposent un délai de 24 heures pour déposer un mémoire. Si le Conseil constitutionnel constate des irrégularités graves de nature à entacher la sincérité du scrutin et à affecter le résultat d’ensemble de celui-ci, il prononce l’annulation de l’élection. Le gouvernement fixe alors par décret pris en conseil des ministres, la date du nouveau scrutin qui a lieu au plus tard dans le mois suivant de la décision du Conseil constitutionnel.

De l’élection des députés

Le nouveau fait majeur introduit par la révision est l’élection de certains députés (21 au total) sur une liste nationale, tandis que les autres (90) le sont sur une liste régionale.

Les partis politiques peuvent présenter des listes communes de candidatures dans des circonscriptions de leur choix. Au cas où un parti ne présente pas de candidat dans une circonscription, son symbole ne figurera pas sur le bulletin de vote mis à la disposition des électeurs de cette circonscription.

Les députés sont élus au suffrage universel direct, égal et secret, à la représentation proportionnelle avec répartition complémentaire suivant du plus fort reste. En cas d’égalité parfaite, le siège est attribué à la liste ayant présenté le candidat le plus âgé.

Sept jours après la proclamation des résultats par le Conseil constitutionnel, la nouvelle Assemblée se réunit pour se prononcer sur la validation du mandat de ses membres et pour élire son président et son bureau.
Des élections partielles peuvent être organisées en cas de besoin, sauf dans le dernier tiers de la législature.

Tout citoyen burkinabè âgé de 21 ans révolus et qui n’a pas refusé, au cas où il a été requis de satisfaire à ses obligations militaires, peut-être élu à l’Assemblée nationale. Sont inéligibles les individus condamnés, les individus privés par décision judiciaire de leur droit d’éligibilité et les personnes pourvues d’un conseil judiciaire.

Le mandat est incompatible avec l’exercice de toute autre fonction publique, exception faite des cas du personnel enseignant de l’enseignement supérieur et des médecins spécialistes. D’autres incompatibilités (fonctions confiées par un Etat étranger ou une organisation internationale, membres du CSI...) sont prévues. Le député qui accepte une fonction incompatible avec son mandat est déclaré démissionnaire d’office.

C’est la CENI qui valide les candidatures des différents partis politiques. Après la date limite de dépôts des listes aucune modification n’est admise entre cette date et la veille du scrutin à zéro heure sauf en cas de décès ou d’inéligibilité de candidats. Le scrutin est ouvert à six heures et clos à dix huit heures. Le recours contre l’éligibilité d’un candidat ou d’un suppléant peut être formé devant le Conseil constitutionnel dans les 72 heures suivant la clôture du scrutin qui statue dans les huit jours de sa saisine.

En cas d’irrégularités graves, susceptibles d’affecter les résultats du scrutin, le Conseil constitutionnel en prononce l’annulation et un nouveau scrutin a lieu dans les deux mois qui suivent. Les candidats ont 5 jours pour contester les résultats. Quant aux scrutins à caractère plus « sectaire » (conseillers provinciaux et municipaux), on peut analyser par ailleurs leurs régimes juridique à la lumière de la modification récente du code électoral.

Les listes électorales

Dans les processus électoraux africains, l’établissement, la révision et le contrôle des révisons des listes électorales occupent une place prépondérante. "Baromètre" des différentes élections, le fichier électoral burkinabé est en passe d’être informatisé, alors que le bulletin unique, autre "repère" d’une bonne démocratie à "l’africaine" existe déjà au Burkina Faso.

En attendant donc l’informatisation du fichier électoral, le code électoral édicte en son article 45 que « Nul ne peut refuser l’inscription sur les listes électorales à un citoyen burkinabé répondant aux conditions fixées par le présent code électoral ».

Par ailleurs, « Nul ne peut être inscrit sur plusieurs listes électorales, ni être inscrit plusieurs fois sur la même liste ». Chaque village, secteur, commune, département et province à sa propre liste. Pour être électeur, il faut être résident de son département ou de sa commune depuis six mois au moins sans interruption au rôle de la contribution des patentes pour les contributions des patentes pour les non-résidents ou encore y être assujetti à une résidence obligatoire en raison de sa fonction ou de sa profession.

L’article 50 stipule que « les listes électorales sont permanentes et font l’objet d’une révision annuelle par la CENI. Toutefois, avant chaque élection une révision exceptionnelle peut-être décidée par décret. Pour justifier son identité l’électeur produit l’une des pièces suivantes : passeport, CIB, extrait de naissance, livret de famille, carte consulaire. Il reçoit une carte d’électeur qui permet de l’identifier et détermine son bureau de vote.

Quant au contrôle des inscriptions sur les listes électorales, il est précisé à l’article 65, que "le haut-commissaire reçoit délégation du président de la CENI pour tenir un liste provinciale et le président de la CENI tient un fichier électoral national en vue du contrôle des inscriptions sur les listes électorales.

Au cas où un électeur est inscrit sur plusieurs listes, son inscription est maintenue sur la liste de sa dernière inscription ; sa radiation des autres listes a lieu d’office. Sans parler de texte parfait on note que les règles régissant les listes électorales, prennent en compte tous les cas de figure pouvant entacher la fiabilité ou l’authenticité desdites listes.

Sanctions des infractions

Pour tous ceux qui seraient tentés de "contourner" les dispositions pratiques et légales édictées par le code électoral, la législateur a prévu des dispositions pénales. C’est ainsi que « toute personne qui s’inscrit sous un faux nom ou une fausse qualité ou qui en se faisant inscrire aura dissimulé une incapacité visée par la loi ou qui se serait inscrite frauduleusement sur plus d’une liste, sera punie d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de dix mille francs à cent mille francs ou de l’une de ces deux peines seulement ».

Les mêmes peines sont applicables aux complices celui qui, déchu du droit de vote, par suite d’une condamnation judiciaire, soit par suite d’une faillite non suivie de réhabilitation, a voté en vertu d’une inscription sur les listes antérieures à sa déchéance ou d’une inscription postérieure, opérée avec sa complicité. La peine est de 15 à 20 jours d’emprisonnement et une amende de 5 000 à 50 000 francs ou l’une des deux seulement.

D’autres peines sont prévues. Ainsi quiconque participe à une consultation électorale avec une arme apparente sera passible d’une amende de 2 000 à 8 000 F CFA. La peine sera d’un emprisonnement de 3 à 16 mois et d’une amende de 20 000 à 50 000 F si l’arme était cachée. La diffamation, l’injure ou tout acte de provocation, pouvant entacher la moralité et la sérénité de la compagne électorale sont interdits. Cela est valable lors du scrutin et quiconque aura contrevenu à ces dispositions sera passible des deux ou l’ensemble des peines ci-après : un emprisonnement de un mois à un an, une amende de 300 000 à un million de francs, une privation des droits pendant deux ans au moins et cinq ans au plus.

Par ailleurs, l’enlèvement de l’urne contenant les suffrages émis et non encore dépouillés sera puni d’un emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende de 600 000 francs. La violation du scrutin soit par les membres du bureau, soit par les agents de l’autorité préposés à la garde des bulletins non encore dépouillés sera punie d’un emprisonnement de 5 à 10 ans. Autant de dispositions pénales parmi tant d’autres qui doivent décourager tous ceux qui ont des velléités déstabilisatrices d’une jeune démocratie qui se consolide.

La révision du code électoral

Les réformes politiques consensuelles de l’année 2000-2001, avait consacré la proportionnelle au plus fort reste comme mode de scrutin dans l’élection des députés, conseillers provinciaux et municipaux, ce, à l’initiative des députés du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) parti au pouvoir au Burkina Faso.

Désormais, avec la dernière révision opérée le avril 2004 (par 64 voix pour, 11 contre et cinq abstentions), c’est la proportionnelle à la plus forte moyenne qui aura cours et le CDP, pour justifier sa position, avance des raisons juridico-politiques avec la nouvelle loi votée.

On retiendra essentiellement que du fait de "l’émiettement" des voix qu’il favorise, la proportionnelle au plus fort reste n’était pas à même de favoriser la mise en place d’exécutifs locaux homogènes selon le CDP. C’est pour éviter cette "cacophonie" au niveau des conseils municipaux (source inévitable de désagréments pour la démocratie) que le parti au pouvoir, soucieux de son rôle de garant de la paix sociale a pris cette décision. "Faux" ont aussitôt répliqué certains opposants, qui voient dans cette démarche, la volonté du CDP d’avoir une "mainmise" sur tous les maillons de la chaîne politique. Et puis, arguent-ils, ce mode de scrutin n’ayant pas été expérimenté lors des municipales, "il faut lui laisser le temps de faire ses preuves".

Ce débat passionné voire passionnel n’a pas pour autant empêché la loi d’être votée et la question principale à notre sens serait de savoir si cela constitue un "mal" pour la démocratie burkinabé. L’avenir nous instruira davantage sur la question.

B. Sy
Lefaso.net

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