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Insurrection populaire : 5 heures chrono pour sauter Blaise Compaoré

Publié le mardi 25 novembre 2014 à 10h29min

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Insurrection populaire : 5 heures chrono pour sauter Blaise Compaoré

Dans la soirée du 30 octobre, Blaise Compaoré croyait qu’il pouvait encore continuer à diriger le pays après la glorieuse insurrection qui a balayé les symboles de son régime. La dissolution du gouvernement et l’annonce de l’état de siège devraient lui permettre de reprendre la main. Mais ces mesures ont agi comme de l’huile sur du feu, déclenchant une course contre la montre avant que le bouillonnement populaire ne déferle sur Kosyam.

Très tôt le matin du 31 octobre, les Burkinabè ont commencé à prendre d’assaut la Place de la Révolution. D’autres sont massés devant la porte de l’état-major de l’armée. C’est aux alentours de 8h que les choses vont s’accélérer. A l’appel du Balai Citoyen, des milliers de personnes encerclent l’état-major où se tient une réunion de tous les chefs de corps de l’armée. Le mot d’ordre est : « personne ne sort s’ils ne nous annoncent pas la démission pure et simple de Blaise Compaoré ». Certains manifestants laissent entendre que si la revendication n’est pas satisfaite dans l’heure qui suit, ils vont défoncer la porte pour s’emparer des armes et se diriger à Kosyam. On pouvait entendre « Blaise dégage, sinon on vient te déloger ».

C’est dans cette ambiance que le général à la retraite, Kwamé Lougué, fait une brève apparition à la Place de la Révolution puis devant l’état-major. Il s’engouffre dans le bâtiment où l’attendaient d’autres officiers pour une réunion. Dehors, c’est la liesse populaire. « Lougué président » est scandé partout. Des minutes s’égrènent mais aucune information ne filtre des échanges entre les chefs militaires. La foule manifeste de plus en plus son impatience. Il n’y a aucun dirigeant de l’opposition pour la calmer. Le risque est grand que la situation ne dégénère. Les jeunes soldats postés devant la porte ne sont pas sereins. Pour ramener le calme, il a fallu l’intervention des leaders du Balai Citoyen. Ils prennent la parole pour s’adresser à la foule. Ils disent qu’ils vont entrer sommer le chef d’état-major général de l’armée de prendre ses responsabilités, sinon à leur sortie, c’est pour prendre la direction de Kosyam pour « l’assaut final ». Ce discours a le don de calmer momentanément la foule.

Avant d’aller à la rencontre du général Honoré Traoré, les dirigeants du Balai Citoyen appellent d’autres responsables de mouvements citoyens qui sont comme lui à la pointe du combat depuis 2013 contre la révision de l’article 37 de la constitution pour les associer à leur démarche. Il s’agit des Professeurs Augustin Loada et Luc Marius Ibriga du Front de résistance citoyenne, de Hervé Ouattara du Collectif Anti-Référendum (CAR) et Casimir Sawadogo du RAD.

Le légalisme désuet des chefs militaires

C’est le porte-parole du Balai citoyen, Me Guy Hervé Kam, qui conduit la délégation à l’intérieur des locaux de l’état-major. Il est environ 9h30 quand un colonel les reçoit. Il explique que les chefs sont toujours en réunion. Mais devant l’insistance de Me Kam, il est obligé de prévenir le général Traoré qu’il est « activement demandé ». Celui-ci les fait entrer dans la salle. Tous les chefs des corps d’armée sont présents selon le chef d’état-major. Le porte-parole du Balai Citoyen prend la parole et réitère l’exigence populaire, à savoir la démission du président Compaoré. « Vous avez deux choix à faire : soit vous prenez vos responsabilités en le démettant, soit vous refusez et nous irons avec la foule à Kosyam pour le déloger avec le risque d’avoir des milliers de morts. », prévient le porte-parole du Balai Citoyen. Il ajoute que les officiers doivent décider rapidement parce que « le peuple attend la démission de Blaise avant midi ». Cette phrase va davantage tendre l’atmosphère.

En réponse, le général Honoré Traoré dit avoir pris bonne note, mais précise qu’il ne sera pas facile d’obtenir la démission du président parce que selon lui, ce dernier a la légalité avec lui. D’autres chefs militaires prennent également la parole. La majorité s’aligne derrière la position du chef d’état-major. Parmi les interventions, une sera tranchante et déterminante. Il s’agit de celle d’un certain lieutenant-colonel Zida. Pour lui, le débat n’est plus de savoir qui possède la légalité ou pas, mais de faire face à une situation qui est là. Il finit par dire que l’armée doit effectivement prendre ses responsabilités pour éviter le carnage. Encore quelques minutes d’échanges et les responsables des mouvements citoyens sont priés de se retirer.

L’armée cède à la pression populaire

Après quelques minutes de concertations, les militaires demandent au porte-parole du Balai citoyen et ses compagnons d’aller dire aux manifestants que l’armée va prendre ses responsabilités. Mais Me Kam et les autres ne veulent pas jouer au porte-parole de l’armée. C’est à elle de venir s’adresser au peuple. Le général Traoré demande néanmoins qu’ils accompagnent les porte-parole de l’armée pour annoncer leur décision. Il craint l’hostilité de la foule si les responsables du Balai citoyen ne se mettent pas devant. C’est Zida qui est désigné comme le porte-parole. Il est assisté par un autre colonel. Dehors, les deux officiers sont avec les leaders du Balai Citoyen (Smockey, Samsk le Jah et Me Kam) qui essaient de leur frayer un passage.

Dans un premier temps, le message est livré devant l’état-major, puis direction la Place de la Révolution où attendent depuis des heures des dizaines de milliers de personnes. Il est environ 10h45. C’est aux côtés des leaders de l’opposition que le message est délivré à la foule, dans une atmosphère surchauffée. Zida est raccompagné jusqu’à la porte de l’état-major par les responsables du Balai citoyen. Après plus d’une heure d’attente, la foule recommence à s’agiter. Elle veut voir la lettre de démission de Blaise Compaoré. Son ultimatum expire dans 30 minutes. Il est 11h30. Me Kam et ses camarades vont aux nouvelles. On leur fait savoir que des émissaires ont été envoyés à Kosyam pour ramener la démission du président.

Pour calmer la colère de la foule, Smockey et Samsk montent sur un véhicule militaire devant l’état-major pour annoncer que l’attente ne va plus durer longtemps. Ils font des signes de victoire. Une partie de la foule explose de joie croyant que c’est fini, Blaise a démissionné.

A 12h, la presse est convoquée dans la salle de réunion de l’état-major pour une « importante déclaration » du chef d’état-major général. L’attente va durer plus d’une heure. Mais à cet instant précis, l’information sur la démission de Blaise Compaoré commence à circuler. Les émissaires envoyés à Kosyam sont de retour avec la démission. Blaise n’a pas beaucoup résisté. Il n’avait pas beaucoup de choix. Il a choisi l’issue la moins catastrophique pour lui. A 13h, la nouvelle est portée à la connaissance des manifestants par le colonel Zida, le porte-parole des militaires. Elle se répand dans toute la ville à travers les réseaux sociaux et les téléphones portables. On entend des klaxons partout.

Devant l’état-major et à la Place de la Révolution, l’ambiance est indescriptible. C’est la liesse populaire. Après avoir livré le message de la démission de Blaise Compaoré, le lieutenant-colonel Zida ne retourne pas à l’état-major. Il se dirige au camp Guillaume. C’est là-bas qu’il apprend sur une chaîne internationale que le général Traoré a fait une déclaration dans laquelle il dit assumer désormais les charges de chef d’Etat. Cette déclaration aurait été faite sans concertation préalable entre chefs militaires. Il n’est pas d’accord avec la démarche du général. Dans l’après- midi, vers 16h, il fait une autre déclaration. Blaise parti, ses officiers se chamaillent, mais pour la majorité des gens, l’objectif est atteint : Kosyam est libéré de Blaise et de sa famille.

Abdoulaye Ly
MUTATIONS N° 64 du 1er novembre 2014. Bimensuel burkinabé paraissant le 1er et le 15 du mois (contact :mutations.bf@gmail.com . site web : www.mutationsbf.net)

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Vos commentaires

  • Le 25 novembre 2014 à 11:42, par Conscience du Faso En réponse à : Insurrection populaire : 5 heures chrono pour sauter Blaise Compaoré

    Vraiment, le Général Honoré Nabéré Traoré a deconné ; il refuse de prendre ses responsabilités pour dire que c’est fini pour Blaise Compaoré. Le Lieutenant-colonel prends ses responsabilités pour le faire et c’est lui Traoré après qui s’auto-proclame Président du Faso. C’est malin ça. Il a vraiment la chance ; si c’était sous le Front Populaire de Blaise Compaoré, il sait là où il devrait se trouver maintenant (2 mètres sous terre). Un Général qui mouille on dirait une femelle en chaleur et quand l’essentiel est fait il vient jouer au Rambo. On aurait dû le mettre au gnouffe pour quelques jours. Le militaire burkinabé n’est pas un mouillard, surtout un Général, à moins que ce ne soit ces galons de général des salons climatisés. Bravo au Lieutenant-colonel Zida et autres dans l’armée qui ont oeuvré pour le départ de Blaise Compaoré.

  • Le 25 novembre 2014 à 13:01, par ElMagnifico En réponse à : Insurrection populaire : 5 heures chrono pour sauter Blaise Compaoré

    Le Président des USA John Kennedy disait : "Quand c’est dur d’avancer, ce sont les durs qui avancent". Eh bien Zida est un dur et en dur il a avancé et il a eu l’onction populaire !
    Remarquez ceci : "...Parmi les interventions, une sera tranchante et déterminante. Il s’agit de celle d’un certain lieutenant-colonel Zida. Pour lui, le débat n’est plus de savoir qui possède la légalité ou pas, mais de faire face à une situation qui est là..."

    Le destin : c’est la résultante de nos actes !

    Vive la Transition !
    Vive le vaillant peuple du Burkina Faso !

  • Le 25 novembre 2014 à 13:12, par segoumousso En réponse à : Insurrection populaire : 5 heures chrono pour sauter Blaise Compaoré

    Vaillants jeunes du Burkina, vous avez sonner le depart de tous les dictateurs sanguinaires de l’Afrique. La democratie ou la mort.

  • Le 25 novembre 2014 à 13:19 En réponse à : Insurrection populaire : 5 heures chrono pour sauter Blaise Compaoré

    C’est pourquoi ils ne t’ont pas choisi president ; Tu es trop informé :)
    epuis, qui allait nous ecrire ceci si Tu etais presi ?

  • Le 25 novembre 2014 à 14:22 En réponse à : Insurrection populaire : 5 heures chrono pour sauter Blaise Compaoré

    Qu’on donne le pouvoir au balai citoyen qui a tout fait tout seul depuis 2013 pour chasser Blaise compaoré du pouvoir le 31 Oct on va enfin respirer.
    L’opposition n’a rien fait du tout, personne n’a fait quoi que ce soit, c’est vous le balai citoyen qui avez tout fait. C’est apparemment la musique qu’on nous joue depuis le 31 octobre. Comme vous l’écriviez et ou le chantiez vous même et les gens vous traitent de vantards, vous passez maintenant par presse interposée. Quelle belle analyse objective mutation a faite là !!! C’est très beau tout ça. On y voit clairement le discours rapporté.
    L’essentiel pour moi c’est que Blaise soit parti mais ne voilà-t-il pas que les militaires sont toujours accrochés ??? Entre nous, Zida est-il l’homme qu’il faut maintenant à la primature de transition ??? La défense oui mais le reste....

  • Le 25 novembre 2014 à 14:25, par morgane En réponse à : Insurrection populaire : 5 heures chrono pour sauter Blaise Compaoré

    article en retard
    mais merci pour certains détails

  • Le 25 novembre 2014 à 15:05, par jonassan En réponse à : Insurrection populaire : 5 heures chrono pour sauter Blaise Compaoré

    On s’en fout de ce qui s’est passe a l’etat major. Ceux qui travestissent l’histoire sont de retour. Bientot ils erigeront une statue sur la place de la nation a l’effigie de Zida.
    - 5 heures n’auraient nullement suffit a deboulonner Blaise si des annees au paravant des hommes ne s’etaient pas imoles en sacrifice sur l’autel de l’integrite.
    - 5 heures n’auraient jamais suffit si des milliers de citoyens, de jeunes et de vieux a travers le burkina ne s’etaient pas lever comme un seul homme auparavant.
    CHANGEZ DE COMPORTEMENT SINON VOUS PERIREZ TOUS.

  • Le 25 novembre 2014 à 17:19 En réponse à : Insurrection populaire : 5 heures chrono pour sauter Blaise Compaoré

    si j’étais femme j’allais draguer ZIDIA.Walaï !

  • Le 25 novembre 2014 à 18:27, par BADSON En réponse à : Insurrection populaire : 5 heures chrono pour sauter Blaise Compaoré

    Trop d’opportunisme et de récupération dans cette lutte du peuple Burkinabè. Les militaires s’ils sont vraiment sincères devaient se mettre à coté pour assurer la sécurité du pays pour une bonne conduite de la transition. Mais hélas, ils ont rapidement troquer leur tenue qui est respectée contre des vestes cousues je ne sais quand elles ont été cousues pour garder toujours la main sur la transition. Comme s’ils mourraient d’envie de ça depuis fort longtemps mais comme le roi lion n’était pas encore mort, personne n’osait lever le petit doigt. Le président KAFANDO ne pourra rien contre la volonté de ces militaires. Mais je les rappelle des cas plus récents au Mali de Amadou Aya SANOGO et en Guinée de Dadis CAMARA . Mes chers frères si vous êtes vraiment des militaires intègres mettez-vous à côté et laisser les civils gérer la transition. C’est le seul conseil que je peux vous donner en tant que petit frère. A bon entendeur salut.

  • Le 26 novembre 2014 à 00:42, par Mos En réponse à : Insurrection populaire : 5 heures chrono pour sauter Blaise Compaoré

    Et pourtant le récit est fidèle à la réalité des faits. j’étais présent avec beaucoup d’autres personnes,massé devant l’Etat major. Laissons tomber nos aigreurs, il n y a rien de mal à reconnaître le mérite de certains acteurs de notre révolution.

  • Le 26 novembre 2014 à 01:29, par lefils En réponse à : Insurrection populaire : 5 heures chrono pour sauter Blaise Compaoré

    Blaise sera et restera le meilleur president que le Burkina faso n’est connu. Ceux qui ont manifeste ne represente qu’une infine partie de la population. Blaise est toujours aime et il restera dans le coeur de tous les Burkinabe.

  • Le 26 novembre 2014 à 09:05 En réponse à : Insurrection populaire : 5 heures chrono pour sauter Blaise Compaoré

    Cette histoire ne sera jamais totalement connue tant la falsification est en cours. On nous présentera des héros fabriqués dans des officines douteuses. Mais le peuple saura faire la part des choses. Des héros, il y en a sûrement eu : ce sont des hommes et des femmes qui étaient à la place de la Révolution, dans d’autres villes du grand nouveau Faso, certains étaient simplement scotchés à leur téléphone ou à leurs claviers, d’autres étaient en communion avec les différents Dieux par la prière, les plus âgés participaient moralement en regrettant le poids de l’âge et certains préparaient héroïquement leur fuite. La simple jubilation ne faisait elle pas de moi un héros ? Ainsi donc, nous sommes presque tous des héros discrets ou sonores, d’une certaine façon. Héros, ce titre change quoi à ma vie ? Ma seule satisfaction est de savoir que je suis débarrassé de ce régime avec l’espoir que vraiment plus rien ne sera comme avant..

  • Le 26 novembre 2014 à 10:29, par La Douce En réponse à : Insurrection populaire : 5 heures chrono pour sauter Blaise Compaoré

    Merci pour cet article. Voici que tout deviant plus Claire a present.

  • Le 26 novembre 2014 à 14:53, par gonbonbyl En réponse à : Insurrection populaire : 5 heures chrono pour sauter Blaise Compaoré

    en fait ce que les gens ne savent pas c’est que avant que le balai citoyen n’aille voir les chefs militaires,Blaise par la force des choses avait été contraints de demissionner et seul Zida et Diendiere etait au courant.les autres chefs n’avaient pas cette information,donc dire que Zida est un brave c’est pas vrai il a juste profiter d’une sitution....

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