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Togo : Un piège sans fin

Publié le mardi 8 mars 2005 à 19h11min

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En ce dimanche 27 février 2005, c’est un Faure Gnassingbé sanglé dans un costume rayé, qui, après une heure et demie d’audience avec Blaise Compaoré, déclarait sur le perron de la présidence du Faso : "Nous sommes venu lui expliquer le cheminement des événements qui ont conduit à notre retrait de la présidence, afin de préserver l’intérêt de notre nation, et pour nous conformer aux décisions qui ont été prises à Niamey... Il faut arrêter les gesticulations , se préparer aux élections et se soumettre au verdict du peuple".

On l’aura compris, celui à qui l’armée togolaise avait, trois semaines plus tôt, remis le pouvoir dans une ambiance surréaliste (dans le salon d’une villa) venait de rappeler qu’il l’a restitué, comme l’exige la Constitution, au président de l’Assemblée nationale, en l’occurrence à Abass Banfoh, 1er vice-président du Parlement, mis au perchoir pour la cause. Rideau sur le cas Fambaré Natchaba, qui rongeait son frein à l’hôtel Sheraton de Cotonou, en attendant un hypothétique retour. Que pourtant de tractations, de menaces, de sanctions, bref de diplomatie officielle et parallèle pour en arriver à ce retour à l’ordre constitutionnel normal. D’abord ce fut une fuite en avant du président autoproclamé, qui annonçait qu’une élection présidentielle serait organisée dans les 60 jours.

Suivront les sanctions de la Francophonie, les chassés-croisés des chefs d’Etat de la CEDEAO, qui étaient, comme on l’a su, divisés entre les "durs" et les "modérés". Enfin, de retour d’un séjour au Gabon et en Libye, où il a pris des conseils avisés auprès de Bongo Ondimba et de Kadhafi, Faure lâcha la chose que son père avait tenue entre les mains durant 38 ans. Voilà donc la Constitution respectée et surtout voilà les deux articles clefs à savoir les articles 65 et 144 saufs. Le premier stipule "qu’en cas de vacance de la présidence de la République par décès, la fonction présidentielle est exercée provisoirement par le président de l’Assemblée nationale".

Il avait été remplacé par le 65 nouveau qui disait que "le nouveau président de la République exerce ses fonctions jusqu’au terme du mandat de son prédecesseur", dans le cas d’espèce jusqu’en 2008. Quant à l’article 144, il dispose "qu’aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie, en période d’intérim ou de vacance, ou lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire". Faure, qui s’était fait introniser Calife, avait donc bel et bien donné un coup de bistouri à cet article 144.

Vlan ! les Togolais sont retournés donc à la case départ : une constitution de 1992 qu’il faut suivre méticuleusement, une CENI installée, une présidentielle prévue pour le 24 avril (les obsèques du président Gnassingbé Eyadéma devant se dérouler le 13 mars) soit un processus électoral à respecter pour rester dans la légalité. Ce qui signifie campagne électorale, moyens conséquents, candidats crédibles... en un mot une préparation sérieuse pour avoir la faveur des urnes. Du coup ce respect strict de l’ordre constitutionnel s’avère être un piège sans fin (titre du livre éponyme de l’écrivain béninois Olympe Bhely Quenum, devenu un classique des lycées et collèges) et pour l’opposition, et pour la communauté internationale.

En effet, la "constitution ne se négociant pas" comme le scandaient des manifestants de l’opposition le 19 février dernier, il va sans dire qu’il n’ya pas d’exception concernant ce qui est devenu un "cas ", celui de Gilchrist Olympio. On se rappelle que la CEDEAO et l’Union africaine (UA) avaient exigé que le leader de l’Union des forces du changement (UFC) soit retenu pour la course à la magistrature suprême.

L’article 62 de la constitution togolaise est pourtant limpide qui dit "qu’un candidat ne peut pas briguer un mandat présidentiel s’il ne réside sur le territoire national depuis douze mois au moins". Un article en vertu duquel, déjà en 2002, on avait exclu le fils du premier président togolais de la présidentielle. Cette mise à l’écart d’Olympio, les opposants semblent en avoir fait le deuil puisqu’un des leaders des 6 partis de l’opposition, qui forment le camp anti-Gnassingbé, Léopold Gninivi, a dit qu’il est "désolé" pour ce qui arrive à ce dernier. La communauté internationale, après la levée de ses sanctions, a les yeux rivés sur la présidentielle. Autant dire que seul importe le scrutin du 24 avril prochain. L’heure est donc grave pour cette opposition, qui sait qu’elle n’a plus droit à l’erreur. Mais que faire ?

Longtemps muselée par le système "Gnass", minée par les ambitions personnelles des leaders , et partagée sur la façon de prendre le pouvoir d’Etat, cette opposition semble vouloir aujourd’hui parler d’une même voix, après le départ de Faure Gnassingbé. En effet, une chose turlipine ces opposants actuellement : la désignation d’un candidat unique à cette présidentielle du 24 avril. Elle semble donc avoir fait sienne cette sagesse universelle qui dit que "lorsque vous avez un ennemi commun plus grand, mieux vaut associer vos forces pour le combattre et régler vos comptes entre vous après".

A l’heure où nous traçions ces lignes cet oiseau rare n’avait pas encore été trouvé, mais une sorte de short list avait été arrêtée, car il sagit de faire vite. Ainsi, Gilchrist Olympio et Koffi Yangame écartés au regard de l’article 62 de la constitution, il ne reste pas beaucoup de chefs de partis ayant une envergure de dirigeant national. On peut citer parmi ceux qui peuvent être retenus :

Bob Akitani : s’il est investi, il peut menacer le candidat naturel du RPT, car déjà en 2003 face à Eyadema, il avait, sous la bannière de l’UFC, obtenu 34% des suffrages.

Me Yawowi Agboyibo, le leader du CAR : il tient là peut-être une occasion unique de récolter enfin le fruit de plusieurs années de lutte contre le camp Gnassingbé ; à condition qu’il soit retenu par ses pairs, et qu’il bénéficie d’un vote franc et massif des militants des 6 partis.
Léopold Gninivi : sans son radicalisme, il aurait pu faire l’affaire, mais à ce défaut s’ajoute celui de la non-représentativité de son parti, la Convergence démocratique des peuples africains (CDPA). Pour beaucoup d’analystes, il a peu de chance d’être retenu candidat.

Enfin Dahuku Père : celui qui s’apparente au cendrillon de la fable, avec son parti, le Pacte socialiste pour le renouveau (PSR), ancien président de l’Assemblée nationale, est handicapé par son flirt passé avec Eyadéma. En tout cas quel que ce soit le candidat désigné, l’opposition est dans un traquenard sans issue, eu égard au temps imparti, aux moyens dont dispose le RPT. Ne crie-t-elle pas déjà qu’il y a 24% d’électeurs fantômes dans le corps électoral ? Il n’est donc pas superfétatoire d’affirmer que le prochain locataire de Lomé II peut encore s’appeler Faure Gnassingbé, avec cette fois la légalité avec lui. Même s’il faut craindre que le mercure monte après cette présidentielle, mais ça c’est une autre histoire...

Observateur Paalga

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