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Edgar Moné, comédien et monteur de cinéma : « Le milieu du 7e art est très fermé... »

Publié le mercredi 23 février 2005 à 07h46min

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« Mounia et Rama » tel est le titre du film d’Apolline Traoré dans lequel il avait incarné de la plus belle manière le personnage de Chérif et que beaucoup de téléspectateurs burkinabè ont adoré. Edgar Moné, puisqu’il s’agit de lui, se voit aujourd’hui plus dans son costume de monteur de cinéma qu’il affectionne tant que dans le rôle de comédien qui l’a révélé au public.« Le milieu du 7e art est très fermé... »

Quand nous l’avons rencontré le lundi 7 février 2005 à Média 2000, l’homme, qui est aussi le gendre de la richissime Alizèta Ouédraogo dit Alizèt Gando, nous a laissé entendre qu’il nourrit de nobles projets, à savoir donner la chance à de nouveaux talents d’entrer dans le monde du cinéma par la grande porte.

Que fait Edgar Moné outre le fait que les cinéphiles l’ont découvert dans le film "Mounia et Rama" d’Apolline Traoré ?

• C’est bien vrai que le public m’a découvert dans le film d’Apolline Traoré qu’a produit le cinéaste Idrissa Ouédraogo ; mais exception faite de ma casquette de comédien, je suis avant tout informaticien de formation. Aujourd’hui je suis plus technicien de cinéma qu’acteur.

Comment as-tu pu te retrouver interprétant le rôle de Chérif dans "Mounia et Rama" ?

• Je vais tout de suite dire que le milieu du cinéma est très fermé pour la simple raison que pour réaliser un film au Burkina Faso, le plus souvent les acteurs se contactent par coups de fil. Il n’y a véritablement pas de casting qui est organisé pour retenir les meilleurs comédiens ou ceux qui répondent au profil d’un rôle donné.

Me concernant, j’ai eu cette chance d’avoir une amie assez proche d’Apolline Traoré qui lui a proposé mon nom lorsqu’elle dépouillait son scénario car elle était convaincue que le rôle de Chérif me convenait. La réalisatrice m’a donc contacté et je n’ai pas trouvé d’inconvénients. J’ai été retenu à l’issue d’une audition.

Tu as tenu en haleine le public, avec tantôt une présence au côté de Mounia, tantôt avec Rama ; comment te sentais-tu dans ce rôle ?

• Je voudrais profiter de l’occasion pour apprécier autrement le rôle de Chérif. Effectivement, les gens l’ont aperçu comme un homme méchant ; pourtant pour moi c’est le personnage le plus généreux de cette série.

Lorsque j’ai reçu le scénario, je n’ai pas vu le rôle de Chérif comme un rôle dégradant : en visionnant encore ce film on se rend compte, lorsque Chérif est mort qu’il a légué ses biens aussi bien à Rama qu’à Mounia. Pourquoi avoir aimé deux amies ? Eh bien, c’est une histoire d’amour tout simplement.

Avec Apolline Traoré, nous avons tourné aisément ce film car nous ne nous sommes pas conformés à la logique du par cœur. Nous avons, en effet, joué avec nos propres mots. Ces données ont beaucoup influé dans la compréhension et dans l’appréciation du film par le public.

Après ce film, quel genre de rapport as-tu gardé avec "tes femmes Mounia et Rama" ?

• Avant ce film, nous étions très amis. Nous ne nous sommes pas découverts sur le plateau de cette série. "Mounia" a longtemps travaillé avec moi à Radio Energie. Quant à Rama, on se connaissait sans une grande familiarité. C’est donc à la faveur du film qu’on s’est plus rapproché l’un de l’autre. Après la série, nous sommes restés de très bons amis et lorsqu’il y a des projets en vue on se téléphone souvent.

Peut-on affirmer aujourd’hui que c’est à travers "Mounia et Rama" qu’Edgar Moné a appris à aimer le cinéma ?

• Bien plus que ça ; c’est la série qui m’a fait découvrir d’ailleurs le monde du cinéma. Et de fil en aiguille, je suis aujourd’hui technicien de cinéma puisque je vous disais tantôt que j’étais informaticien de formation. De nos jours, je fais du montage vidéo.

Comment est donc venu ton amour pour le montage ?

• J’ai commencé à faire mes premiers pas dans le montage sur "Mounia et Rama". A l’issue du tournage, j’ai été assistant monteur et j’ai donc aimé. Pour que la flamme ne s’éteigne pas je suis allé à Paris, dans un centre de montage plus précisément le CICAP, où j’ai bénéficié d’un stage de perfectionnement en montage vidéo numérique et en création d’effets. Après le stage qui a duré deux mois, à mon retour j’ai continué à travailler avec MDK Production d’Idrissa Ouédraogo qui a beaucoup œuvré pour que je fasse le stage. Par la suite, j’ai créé ma petite entreprise de production appelée "Monécom".

J’ai donc acquis du matériel de montage que j’ai installé chez moi où je travaille tranquillement. Je fais également de l’assistance pour certaines personnes ou structures comme "Média 2000" où j’ai en charge le montage d’une émission appelée "Promo vision". J’ai également monté "La cité pourrie", un film produit par Savane communication de même que l’habillage télé (djinguel, charte graphique) pour la télévision Canal 3.

Le plus souvent on passe toute la journée sur l’ordinateur sans se rendre compte ; ta profession de monteur ne trouble-t-elle pas l’équilibre de ton foyer ?

• Là, c’est une guerre permanente. Ma femme, dans ses railleries, me dit toujours que c’est l’ordinateur qui est devenu sa rivale. Le montage est très passionnant et prend énormément de temps. Fort heureusement mon épouse est très compréhensive.

On sait que tu as pour belle-mère une richissime du mon d’Alizet Gando. En tant qu’homme, est-ce une position aisée pour toi ?

• Je n’ai pas de problèmes avec mes beaux-parents, notamment avec ma belle-mère dont vous faites allusion. Elle n’est pas toujours fourrée chez moi et elle me comprend. Je ne me positionne pas, par rapport à elle, en termes de relation de gendre à belle-mère mais plutôt dans la position de fils à maman et de maman à fils.

Les choses se passent comme si j’étais dans ma propre famille. Je n’ai pas de traitement de faveur vu de précautions assez particulières à prendre vis-à-vis d’elle.

Quelquefois le rôle du comédien dans un film peut ne pas être compris par son partenaire. Est-ce que ton rôle de Chérif dans "Mounia et Rama" n’a pas à un moment donné aiguisé la jalousie de ton épouse ?

• Pas du tout ! Mon épouse sait que mon rôle d’acteur est purement artistique. Avant qu’on ne se rencontre, elle avait aussi joué un rôle d’hôtesse dans un film. C’est donc un milieu qu’elle maîtrise. Certes, lorsqu’elle rencontre Mounia et Rama, elles se taquinent un peu mais c’est de simples plaisanteries.

Nos monteurs ne sont pas assez connus du public, et dans la plupart des productions des cinéastes africains ; on ne voit que des monteurs européens ; comment justifies-tu cela ?

• Le montage est un métier d’avenir même si, dans la profession, de nombreuses personnes font leurs armes sur le tas. Malgré tout, nous avons des hommes qui peuvent faire l’affaire des réalisateurs africains ; seulement un problème est là : nos réalisateurs pour la plupart cherchent le financement de leurs films en Europe ; donc en retour il y a des conditions draconiennes qui leur sont imposées. On leur donne 10 000 FCFA de la droite et on récupère 5 000 FCFA de la main gauche en leur recommandant un directeur de photographie ou un monteur français ou européen.

Dans "Mounia et Rama", tu as rencontré de sérieuses difficultés dans le choix de ta compagne. Aujourd’hui avec le recul, qui d’entre Mounia et Rama bénéficiera du choix de Chérif ?

• Je choisirai les deux (rires)... Rama, celle que j’ai plus aimée et Mounia, celle qui m’a fait un enfant.

Outre ton métier de monteur, serais-tu prêt à d’autres aventures dans le cinéma ?

• Sans problème ! La preuve, en dehors de "Mounia et Rama" j’ai joué dans un court métrage avec le "Gandaogo national", Georges Ouédraogo intitulé "Warba Dance". C’est un film de Tahirou Ouédraogo. J’ai également des apparitions dans une série appelée "Les aventures de Wambi" et sur des spots de sensibilisation sur le Sida à savoir "Cent jours pour convaincre" réalisés par Idrissa Ouédraogo. J’ai joué aussi dans un téléfilm appelé "Inna" qui va sortir bientôt. Seulement je ne voudrai pas être un acteur bouche- trous, passe partout.

Il suffit de jeter un regard sur nos productions cinématographiques ; à 75% on retrouve les mêmes acteurs. Je suis en train de mettre en place un fichier pour pouvoir recruter de nouveaux acteurs pour les lancer. Il y a plein de gens qui regorgent de talents mais malheureusement ils ne connaissent pas un cousin, un ami ou un frère évoluant dans le domaine du cinéma. C’est pourquoi il faut recourir à un casting lorsqu’on a un projet de film.

Comment Edgar Moné voit-il l’avenir du cinéma africain ?

• C’est une question à laquelle nos aînés sauraient vraiment répondre. Pour ma part le cinéma africain, pendant une période relativement longue, a été plus ou moins un cinéma culturel basé sur nos us et coutumes.

Aujourd’hui on voit maintenant des films policiers réalisés notamment par Boubacar Diallo, "Mounia et Rama" qui sortent du cadre culturel. De plus en plus on essaie de réaliser des films commerciaux et plaisants qui ne nous ramènent pas tout le temps au village. Une anecdote : on a tellement montré nos villages que le petit Blanc pense qu’on vit dans les arbres.

Le métier de monteur est-il bien payé ?

• Bien payé ? Il faut relativiser les choses. Personnellement c’est un métier qui me permet de vivre tranquillement et de m’occuper de ma famille.

Quelle adresse de Moné au public à quelques semaines du FESPACO ?

• C’est l’inviter à aller voir ce que nous faisons. Durant toute l’année on ne voit pas assez nos films alors si on a une occasion de s’offrir, tous les deux ans, une dizaine de jours de cinéma, il ne faut pas s’en priver. A tous ceux qui s’intéressent au cinéma pour en faire une carrière, je leur recommande d’approcher ceux qui évoluent dans ce milieu même s’il est fermé comme je le disais tantôt. Il faut donc oser pour que des portes puissent s’ouvrir devant soi.

Entretien réalisé par Cyr Payim Ouédraogo
L’Observateur

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