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Assassinat de Sapouy : "Borry bana" ou le destin fatal de Norbert Zongo

Publié le mercredi 3 décembre 2003 à 12h09min

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Le samedi 29 novembre 2003, au Centre national de presse Norbert Zongo, a eu lieu une projection de film documentaire sur le parcours de ce journaliste hors pair. Il a été réalisé par deux Burkinabè, MM. Luc Damiba et Abdoulaye Diallo.

"Mon fils, je suis venue te dire une chose : de nombreuses personnes sont venues me dire que tu écris encore des choses sur le président. Elles m’ont dit que ta vie est en danger parce que le président qui est au pouvoir ne se contentera pas de t’emprisonner comme l’autre avant, mais celui-là va te tuer. Si ce qu’on dit est vrai, je viens te supplier de ne plus écrire. Si tu meurs...". C’est par ces propos prémonitoires de la mère de Norbert Zongo que le documentaire "Bory Bana", qui signifie en langue bambara "la fuite est terminée", commence.

Ce documentaire restitue les cinq années d’aventure d’un peuple, d’une justice qui cherche ses propres traces, d’un président empêtré dans une crise. Aventure d’hommes et de femmes politiques, du pouvoir et de l’opposition, de la société civile, des étudiants et des élèves dans la gestion de la crise. C’est la première fois que l’affaire Norbert Zongo est racontée en images, avec des témoignages surprenants et des images d’archives inédites. Tous ceux qui l’ont côtoyé ont été passés au peigne fin : ses parents, ses amis intimes, ses collègues de travail, les membres de la société civile après le tragique événement.

Le mouvement de la caméra évolue d’une façon chronologique dans l’explication de ce qu’il a été convenu d’appeler le destin fatal de Norbert : du Burkina Faso au Cameroun, en passant par le Togo où il a eu maille à partir avec les services de sécurité de ce pays, son retour au Burkina Faso, son nomadisme circonstanciel dans le domaine professionnel, la création de l’Indépendant, les dossiers qui dérangent, sa mort et la foule, prise de crise d’hystérie lors de son enterrement.

Un parcours du combattant

"Bory Bana" a été l’œuvre de deux Burkinabè et de deux Néerlandais : Luc Damiba, Abdoulaye Diallo, Jaap Van Heusden le cameraman et le monteur Gidéon Vuk. Réaliser un documentaire de reconstitution de ce genre a dû être un véritable parcours du combattant, à entendre M. Damiba : "Nous avons passé près de 3 ans à préparer ce film. Nous avons accumulé 50 heures d’images que nous étions obligés de synthétiser en 57 mn. Nous avons rassemblé des archives, 30 personnes ont accepté d’être interviewées...".

Selon M. Abdoulaye Diallo, des personnalités du pouvoir ont été approchées, mais c’était le motus et bouche cousue. Et ce n’était pas seulement du côté des autorités, beaucoup de gens ne voulaient pas s’exprimer. Il y a eu également des difficultés d’autres natures pour rencontrer certaines personnes. "Il nous a fallu 3 mois pour avoir Alpha Blondy", renchérira Luc Damiba. L’autre difficulté majeure a été pour les réalisateurs d’avoir les cassettes d’archives et "Il a fallu passer par des complicités".

Le documentaire est disponible en deux versions : une version de 57 mn et un montage alternatif plus court mais plus engagé de 27 minutes. La cassette coûte 6 000 FCFA. L’Association Semfilms, créée à cet effet, souhaite utiliser tous les bénéfices issus des ventes pour la réédition du chef-d’œuvre de Norbert Zongo, le célèbre "Parachutage". Un roman introuvable depuis plusieurs années, mais toujours d’actualité : "Il n’y a pas un jour qui passe sans qu’on ne vienne réclamer ce roman", révélera M. Diallo.

Le mérite des réalisateurs, à notre sens, c’est d’avoir eu l’initiative de ce documentaire au lieu d’attendre que la chose vienne d’ailleurs et surtout d’avoir pu faire sortir la mère de Norbert Zongo de son silence. Le silence le plus "assourdissant" est par contre celui de la veuve.

On imagine sans doute que lorsqu’on suit ce genre de documentaires, l’humeur des spectateurs est généralement à la tristesse. Heureusement, certains passages tempèrent l’atmosphère, notamment les sorties verbales imagées et caustiques de Joseph Ki-Zerbo et le chassé-croisé à la limite du comique, digne des films de série B, entre l’indomptable Robert Ménard de Reporters sans Frontière et le superflic Djibril Bassolet.


Les réalisateurs

Luc Damiba : il est le coordonnateur d’une organisation qui lutte contre la corruption au Burkina Faso (Ren Lac). Luc a fait ses études en communication pour le développement à l’université de Ouagadougou. Il est coréalisateur d’un documentaire artistique sur l’art plastique au Burkina intitulé "Sans titre, l’art de l’ordinaire".
Abdoulaye Ménès Diallo : il est un historien diplômé en Histoire de l’art et de l’archéologie. Il a travaillé pendant plusieurs années comme producteur pour la radio et comme animateur culturel. Depuis 1998, M. Diallo est le gestionnaire du Centre national de presse, devenu depuis janvier 1999, Centre national de presse Norbert Zongo (CNP-NZ), suite à son assassinat.

I.K.B.

L’Observateur

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