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Ginette Nzau-Muteta, représentante-résidente de la BAD au Burkina : « L’Afrique détient le record mondial de la médiocrité du système d’enseignement »

Publié le vendredi 17 octobre 2014 à 22h37min

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 Ginette Nzau-Muteta, représentante-résidente  de la BAD au Burkina : « L’Afrique détient le record mondial de la médiocrité du système d’enseignement »

La concertation régionale sur l’avenir de l’Enseignement supérieur dans les pays de l’espace UEMOA, ouverte le 14 octobre dernier à Ouagadougou, a pris fin ce jeudi, 16 octobre 2014 avec la rencontre des ministres en charge de l’enseignement supérieur et de recherche de l’espace communautaire. Les réflexions ont été sanctionnées par une déclaration dite « Déclaration de Ouagadougou sur l’enseignement supérieur et la recherche dans les pays membres de l’UEMOA » avec en sus, des recommandations.

Cette concertation régionale visait à définir les pistes de l’enseignement supérieur au cours des dix prochaines années via une feuille de route régionale susceptible d’apporter les réponses pertinentes aux défis liés au secteur. Pendant deux jours, les 14 et 15 octobre, les experts venus d’horizons divers ont ausculté la synthèse des diagnostics faits par chaque pays lors des assises nationales et proposé des solutions notamment sur les aspects liés à l’équité, au financement, à la qualité, à la pertinence, à la gouvernance, aux politiques de recherche et à l’approche régionale d’intervention dans l’enseignement supérieur.

« Plusieurs perspectives s’ouvrent à l’Afrique en termes de croissance et de prospérité économique. Le dynamisme du continent est largement reconnu à cet égard alors que la communauté internationale, en particulier les puissances émergentes du Sud, manifestent un intérêt croissant pour l’Afrique, dont le paysage économique connaît une rapide évolution, gage d’un avenir radieux », a campé la représentante-résidente de la Banque africaine de développement (BAD) au Burkina, Ginette Nzau-Muteta.

90 millions de jeunes se disputent des emplois mal rémunérés

« Cependant, s’indigne-t-elle, l’Afrique vit une situation paradoxale, caractérisée par une croissance économique rapide dans une société pauvre et inégalitaire dont souffrent, au premier chef, les jeunes et les femmes. La désorganisation du marché du travail, marquée par l’inadéquation accrue des compétences, la faible productivité du secteur informel, le chômage et le sous-emploi, face à la croissance démographique des jeunes qui devraient atteindre plus du milliard d’ici à 2050, traduisent les risques auxquels cette génération est exposée ». Elle poursuit en dévoilant que « L’Afrique détient le record mondial de la médiocrité du système d’enseignement et de la faiblesse des taux de scolarité, si bien que plus de 90 millions d’adolescents se disputent des emplois mal rémunérés dans le secteur informel. Le chômage et le sous-emploi des jeunes et des femmes menacent la cohésion sociale et le développement inclusif ».
Ces problèmes, indique Mme Nzau-Muteta, ajoutés aux effets conjugués de l’accès limité à une éducation de qualité, à la santé, la nutrition, la technologie et l’innovation, sont autant de signaux d’alerte pour nous inciter à soutenir la croissance de l’Afrique et son entrée dans des domaines de production et de concurrence à plus forte valeur ajoutée.

Travailler à redonner espoir à la jeunesse

Faute d’action résolue pour surmonter ces énormes obstacles, affirme Mme Nzau-Muteta, toute une génération ne pourra saisir les opportunités de développer son potentiel, d’échapper à la pauvreté et d’accompagner le continent sur la voie de la croissance inclusive et de la transformation économique.
Les contraintes liées à l’enseignement supérieur et à la recherche sont essentiellement liées à la massification et au financement. Pour les ministres de l’espace communautaire, la concertation régionale a eu pour mérite de savoir que les problèmes identifiés sont partagés par tous les pays membres de l’espace et le même diagnostic est fait partout lors des assises nationales. Et pour Ginette Nzau-Muteta, c’est fort de tout ce constat que son institution propose un nouveau modèle éducatif pour l’Afrique. Celui-ci vise à s’attaquer au problème de l’inadéquation entre le marché du travail et les compétences, à adapter l’application des TIC ainsi qu’à appuyer la recherche et l’intégration régionale par la création des centres d’excellence régionaux. « Nous osons espérer que les résultats atteints seront judicieusement utilisés par les différents acteurs. Cela nécessite, avant tout, non pas des moyens financiers mais d’abord, un changement de mentalités, de vision, de perception, de pratiques, de gouvernance, et que chacun de nous accepte de se remettre en question pour le bénéfice de l’amélioration de l’enseignement supérieur dans la zone UEMOA et en Afrique pour la transformation du continent que nous appelons tous de nos vœux », a invité la représentante-résidente de la BAD au Burkina.

Faire de l’enseignement supérieur un pilier du développement

Selon Essowè Barcola, président de la Commission de l’UEMOA par intérim, les pères fondateurs de l’UEMOA ont pris l’engagement, à la création de l’institution, de faire de l’enseignement supérieur, une des priorités. « C’est la raison pour laquelle, avec notre partenaire, la BAD, nous avons encouragé et assuré le financement des concertations nationales sur l’avenir de l’enseignement supérieur dans l’ensemble des huit Etats membres », a indiqué Essowè Barcola pour qui, l’ambition à travers ce processus participatif était de s’engager à aller de l’avant afin de faire de l’enseignement supérieur, le pilier du développement.

« Au cours de ces dernières années, les universités, en dépit des crises, ont beaucoup changé. Des efforts de réformes y sont entrepris, la gouvernance universitaire y devient une préoccupation partagée et des institutions de qualité se mettent en place. Certaines d’entre elles réussissent, avec peu de moyens, à se positionner dans des classements régionaux. Ces points forts, nous devrons les capitaliser. Relever ce défi, c’est aussi et surtout de redonner de l’espoir à notre jeunesse qui, pour une trop grande majorité encore, continue de se croire abandonnée et se laisse tenter par les pires dérives », a relevé le président de la Commission de l’UEMOA par intérim, appelant à une implication de tous les acteurs à tous les niveaux.

Oumar L. OUEDRAOGO
Lefaso.net

La déclaration de Ouagadougou

La concertation régionale a donné lieu à une déclaration intitulée « Déclaration de Ouagadougou sur l’enseignement supérieur et la recherche dans les pays membres de l’UEMOA » avec les recommandations ci-après :

-  que les plus hautes autorités nationales et sous régionales mettent l’enseignement supérieur, la recherche et la formation professionnelle au cœur de leurs priorités nationales en les inscrivant dans les documents cadres des stratégies de développement économique et social
Qu’à cet effet, elles accordent une attention particulière à la mise en place d’un mécanisme de construction et de gestion prévisionnelle des infrastructures universitaires, fondé sur les impératifs de pertinence, de qualité et de massification des effectifs universitaires ;

-  que les acteurs et partenaires nationaux, régionaux et internationaux veillent à l’inscription dans les cadres budgétaires à moyen terme des Etats et des organisations économiques sous régionales, les engagements pris lors des concertations nationales pour la mobilisation de ressources exceptionnelles en faveur de l’enseignement supérieur et la recherche ;

-  que les plus hautes autorités des Etats et des organisations sous régionales veillent à la création et/ou la consolidation de mécanismes de prévention et de gestion des conflits dans le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche à travers la création de structures de dialogue social ;

-  que les plus hautes autorités régionales veillent à la qualité et à la pertinence de l’enseignement supérieur et la recherche, en s’assurant de la création et de la capacitation de mécanismes nationaux et régionaux d’assurance qualité de l’enseignement supérieur, de centres d’excellence régionaux dédiés à la formation initiale et continue des enseignants chercheurs, des concepteurs de curricula et des gestionnaires des institutions d’enseignement supérieur ;

-  que les plus hautes autorités régionales et nationales veillent à la mise en place de programmes régionaux de formation de niveau Master et Doctorat fondés sur la base de la mutualisation des ressources des facultés ;

-  que les Etats, les partenaires techniques et financiers et les organisations sous régionales veillent à la mise en place de fonds compétitifs sous régionaux d’appui à la recherche sur des thèmes fédérateurs porteurs pour l’Union ;

-  que les plus hautes autorités définissent et mettent en œuvre un calendrier de concertation périodique avec les acteurs les plus représentatifs pour examiner toutes les questions liées à l’enseignement supérieur et la recherche qui ont fait l’objet d’engagements nationaux et sous régionaux lors des concertations nationales et régionales sur l’avenir de l’enseignement supérieur ;

-  que les partenaires techniques et financiers et les investisseurs s’engagent à inscrire l’éligibilité des projets d’infrastructures et d’amélioration de l’utilisation des TIC dans l’enseignement supérieur et la recherche dans leurs priorités d’intervention en Afrique ;

-  que les plus hautes autorités des Etats et des organisations sous-régionales et internationales facilitent aux institutions privées d’enseignement supérieur et de recherche, l’accès aux crédits à des taux concessionnels ;

-  pérenniser le bon fonctionnement des institutions d’enseignement supérieur et de recherche, les Etats avec l’appui des partenaires techniques et financiers et des organisations sous régionales et internationales développent un nouveau modèle social de l’enseignement supérieur et de la recherche ;

-  enfin, que les plus hautes autorités régionales, les partenaires techniques et financiers et les organisations internationales renforcent les appuis spécifiques à la Guinée-Bissau en vue d’une meilleure intégration de son système d’enseignement supérieur dans l’espace UEMOA.

Recueillies par Oumar L. OUEDRAOGO
Lefaso.net

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