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Société minière de Taparko : Les populations riveraines déplorent l’absence d’un cadre de concertation

Publié le jeudi 17 juillet 2014 à 01h07min

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Société minière de Taparko : Les populations riveraines déplorent l’absence d’un cadre de concertation

Le secrétariat permanent de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives du Burkina (SP/ITIE-BF) poursuit sa tournée de dissémination de son 3e rapport. L’équipe chargée de ladite tâche était à Yalgo, commune abritant la mine de Taparko, le 14 juillet 2014. Là, membres du conseil municipal, représentants d’organisations de la société civile, et autorités coutumières et religieuses ont pris connaissance du contenu du document. Ils ont également saisi l’occasion pour exprimer leurs préoccupations et surtout déplorer le manque d’un cadre de concertation.

C’est la salle de conférence de la mairie de Yalgo qui a abrité la rencontre. Et les populations ont répondu massivement à l’appel des « ouvriers » de l’ITIE. Cette commune constitue la 6e étape. Mais, c’est la seule qui a mobilisé plus de la quarantaine de participants souhaités. Et les questions étaient pointues et très diversifiées. Les préoccupations de cette localité portent essentiellement sur : le contenu du cahier des charges des sociétés minières, la responsabilité sociale des entreprises, le problème de communication entre SOMITA et populations locales, la taxe superficiaire, les emplois dans les mines, l’usage de l’eau du barrage par la mine, les conséquences des produits utilisés par les sociétés minières, la restauration de l’environnement, la fiabilité même du rapport…

Cette multitude de questions montre à quel point la question minière est préoccupante dans cette localité. Pourtant, Taparko est la première mine industrielle du Burkina à entrer en production en 2007. On note qu’en 2011, elle a versé à l’Etat plus de 16 milliards de francs CFA en termes de taxes et droits de douane. La commune de Yalgo, elle, dit avoir perçu un peu plus de trois millions au titre de la taxe superficiaire pour l’exercice 2013. Un montant dont elle est loin de s’en réjouir. « Par rapport aux taxes superficiaires, les premières années (2009 et 2010), nous avons reçu plus de 20 millions de francs CFA. Mais, nous sommes revenus depuis les deux dernières à 3 millions. Nous ne comprenons pas cela », s’insurge Issiaka Yaméogo, secrétaire général national du REPOCOM-Burkina (Réseau national des populations riveraines du Burkina), par ailleurs conseiller municipal de la commune de Yalgo.

Avis partagé par le secrétaire général de la mairie de Yalgo, Rasmané Ouédraogo, qui lance un cri de cœur. « Je crois qu’on ne devrait pas percevoir le montant qu’on perçoit actuellement. Il faut que les autorités administratives et les comptables publics viennent regarder du côté de Yalgo », déclare-t-il, amer. Autre préoccupation largement partagée, c’est la communication entre les responsables de la mine de Taparko et les populations locales. D’ailleurs, la société n’était pas représentée à la rencontre. Pourtant, elle aurait bel et bien reçu l’invitation, nous a-t-on assuré.

Moussa Diallo

Lefaso.net

Propos recueillis au sortir de la rencontre

Agnès Kaboré, chargé du suivi-évaluation au CGD, membre du comité de pilotage de l’ITIE représentant de la société civile dans l’équipe de dissémination

Je suis contente du niveau de participation parce que toutes les couches de la société à savoir les autorités locales, coutumières et religieuses et les autres catégories sociales (OSC) étaient représentées. Néanmoins, je déplore l’absence des représentants des sociétés minières parce que c’est les acteurs principaux qui sont concernés par l’ITIE.

Cette rencontre était la bienvenue parce que les gens sont vraiment sous-informés. Aussi, ai-je constaté qu’au-delà du travail fait actuellement par l’ITIE, les gens s’intéressent beaucoup plus à l’utilisation des ressources, c’est-à-dire qu’est-ce qui revient à leur commune et pourquoi les recettes tirées des ressources minières ne permettent pas le développement de la commune.

Pour que l’ITIE trouve la meilleure réception par les populations, il faut qu’elle essaie d’élargir son champ d’actions en mettant l’accent sur l’utilisation des ressources, le lien entre le développement minier et le développement des communes qui abritent les sites miniers. C’est ce que je retiens de cette rencontre.

Le débat était d’un niveau acceptable. On sent qu’il y a un besoin de s’informer. Donc, il y avait tellement de questions qu’il a fallu plus de trois heures pour une rencontre qui était prévue pour deux heures. Et, ce ne sont pas les présentations qui ont pris le temps, mais les questions-réponses. C’est dire qu’il y a eu cet engouement de la population. Elle a besoin de s’informer. Et dès lors que l’occasion se présente, chacun essaie de tirer le plus grand profit.

Abbé Bruno Ouédraogo de la paroisse de Yalgo

J’apprécie fortement cette belle rencontre qui nous a ouvert les yeux sur certains points sur lesquels nous avions des doutes et que nous ne connaissions pas. Je dis merci à toute l’équipe qui a bien voulu nous présenter le travail et cela nous a été très bénéfique.

Je pense que les préoccupations que nous avons soulevées sont fondées puisque nous vivons le quotidien d’ici. Je pense par exemple à l’environnement, le cadre de vie où les populations ne sont peut-être pas protégées et que nous risquons un jour d’être victimes de certains produits de la mine. Parlant d’aide, je ne sais pas exactement, depuis que je suis là, combien de fois la société a pu réaliser quelque chose de concret pour cette commune.

Donc, c’est une invite à ces sociétés minières à être encore plus proches de la population. Vous êtes venus trouver une localité et vous voulez l’exploiter, pensez à cette population environnante qui a besoin de votre soutien surtout que vous en avez. Avec ce qu’elles gagnent, elles pourraient aider ces populations à aller au développement et à sortir de leur situation précaire.

Pendant l’exposé, Mme Zouré a bien présenté le rapport en disant qu’il y a un consultant qu’on recrute et qui prend les données pour établir le rapport. Mais, le consultant qui n’est pas du terroir, qui ne vit pas la réalité d’ici, est-ce qu’il y a une certaine fiabilité de son rapport. Bon, ils ont tenté de m’expliquer comment ça se fait, j’accepte mais je reste toujours sur ma soif parce que je me dis qu’il ne manque pas d’experts ici aussi pour accompagner ce travail. Mais si chaque fois, c’est l’étranger qui doit venir évaluer notre travail, en ne connaissant pas exactement les réalités d’ici, c’est surtout à ce niveau-là que j’ai émis un peu d’inquiétude. Je crois que l’inquiétude est fondé, mais ils m’ont donné des explications, je les accepte comme telles.

Aubert Palenfo, gestionnaire de la CEB de Yalgo

La communication est un outil indispensable. Lorsqu’elle n’est pas réalisée dans les normes de l’art, ça pose problème. Il faut reconnaître que la population ignorait beaucoup de choses concernant la gestion des mines d’or. Mais, aujourd’hui, chacun de nous repart outillé par rapport à la question de la gestion minière. Ils étaient nombreux dans la salle ceux qui ne connaissaient pas ce que les uns et les autres avaient comme obligation. Donc, le souhait serait vraiment qu’on puisse établir cette communication. La communication, il faut qu’on le retienne, doit forcément s’établir entre la mine et l’ensemble de la population.

Zissaya Kaboré/Séogo, membre du REPOCOM

Je pense que cette rencontre est la bienvenue. Ça a permis d’apporter une certaine connaissance aux populations. Depuis, il y a eu des rencontres ITIE et ORCADE, mais aujourd’hui, on a eu beaucoup plus d’éclaircissements par rapport à l’ITIE. On a eu pas mal d’information. En ce qui nous concerne Yalgo, par rapport à nos relations avec la société minière de Taparko, je trouve qu’il n’y a pas d’échanges. Je pense que s’il y a un cadre de concertation, on pourra beaucoup plus se comprendre et s’aider. Puisque l’objectif même de l’ITIE c’est d’œuvrer à ce que nous tous nous (sociétés minières, Etat, populations locales) profitions de l’or du Burkina.

Nous avons su comment l’Etat profite avec les taxes et autres mais pour ce qui est de nous commune de la localité même, à part les taxes superficiaires dont nous bénéficions et dont nous ignorons encore le mode de répartition, il n’y a pas de collaboration entre nous et la mine permettant de bénéficier d’autres choses.

A l’issue de cette rencontre, nous estimons qu’il est nécessaire qu’il y ait une communication entre nous et la société minière SOMITA.

Rasmané Ouédraogo, secrétaire général de la mairie de Yalgo

On a su quelles sont les taxes imposables aux exploitants miniers, quelles sont les tâches qu’on ne peut pas engager, quelles sont les procédures pour l’entente des acteurs au niveau mines et au niveau acteurs communautaires. Aussi, j’ai voulu avoir des clarifications sur les taxes superficiaires et les superficies que les mines occupent au niveau de l’espace communautaire de Yalgo. Egalement, nous avons souhaité qu’on trouve des solutions pour dédommager les populations riveraines qui sont proches de la mine afin qu’ils quittent ces lieux car s’il y a des explosions, c’est tout le monde qui perd.

Pour le barrage de Yalgo, nous avons fait des démarches pour l’exploitation d’eau du barrage. Les mines nous ont assuré à un moment donné de nous aider avec des groupes et à chaque saison de venir labourer les abords du barrage pour que les exploitants agricoles puissent exploiter. Mais depuis 2012, cela ne se fait plus. On a tenté de faire des rencontres avec le directeur général de la mine, il y a eu des problèmes et on n’a pas pu se rencontrer pour échanger réellement. Mais, le président de la collectivité promet faire en sorte que nous puissions prendre rendez-vous avec lui pour échanger sur les préoccupations de la population et soumettre nos doléances pour que, selon leur responsabilité sociale, voir ce qu’ils peuvent faire pour la commune.

Ils ont déjà payé une ambulance pour la commune, il y a eu des réfections de salles de classes, des écoles, des centres de santé. Mais, on demande toujours leur appui pour pouvoir propulser le développement de la commune de Yalgo.

En 2009-2010, la commune de Yalgo a eu environ 20,5 millions de franc CFA, au titre des taxes superficiaires transférées à la commune. Mais, depuis 2011 jusqu’à présent, la taxe superficiaire qui tombe au compte du budget communal ne dépasse pas trois millions. Nous avons essayé de comprendre et jusqu’à présent, nous n’y sommes pas parvenus. Avec le représentant de la direction générale des mines et de la géologie (DGMG), on va tisser des liens et voir dans quelle mesure le service cadastral peut attirer l’attention de ceux qui font le partage pour les transferts.

Donc, c’est un cri de cœur que nous lançons pour que les autorités administratives et les comptables publics viennent regarder du côté de Yalgo. Si non, trois millions pour deux sites miniers (Taparko et Guiro), je crois que nous devons avoir plus que ça. Surtout qu’en 2011, SOMITA a payé plus de 16 milliards à l’Etat. Si on doit enlever la taxe superficiaire là-bas, je crois qu’on ne devrait pas percevoir le montant qu’on perçoit actuellement.

Issiaka Yaméogo, secrétaire général national du REPOCOM-Burkina (Réseau national des populations riveraines du Burkina), conseiller municipal de la commune de Yalgo

Cet atelier est la bienvenue. On a eu beaucoup d’information sur l’ITIE. Ce matin, vous avez suivi les échanges avec les populations, les autorités locales et religieuses, les services techniques déconcentrés de l’Etat ; vous voyez qu’on a pas mal de difficultés avec la mine de Taparko. Il y a un problème de dialogue. Pour le bien-fondé de notre cohabitation aujourd’hui, nous demandons qu’il y ait des cellules de communication, des centres d’information.

Nous sommes dans une commune qui vit beaucoup plus d’activités de contre-saison, particulièrement en saison sèche. Si vous prenez le long de notre barrage, c’est des cultures maraîchères en saison pluvieuse comme en saison sèche. Et, aujourd’hui, nous vivons des difficultés parce qu’il y a des moments où le barrage est ensablé, donc il n’y a plus d’eau comme avant. Si la mine pompe l’eau en une semaine, réellement nous vivons des problèmes.

Par rapport aux taxes superficiaires, les premières années, nous avons reçu en 2009 et en 2010, plus de 20 millions de francs CFA. Mais, nous sommes revenus depuis les deux dernières à 3 millions. Nous ne comprenons pas cela parce que si on se réfère au décret régissant le code minier de notre pays, nous voyons que les taxes superficiaires sont payées en hausse même en fonction de la durée de la mine. Mais, chez nous, c’est autre chose. En tant qu’élu local et secrétaire national du réseau des populations riveraines du Burkina, je me soucie pour toutes les communes qui abritent les sites miniers du Burkina afin qu’il y ait une bonne collaboration et que les populations puissent réellement bénéficier des retombées des activités minières. Toute chose qui permettra de contribuer au développement de nos localités respectives.

Propos recueillis par Moussa Diallo

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Vos commentaires

  • Le 16 juillet 2014 à 14:28, par ELHADJVERITE En réponse à : Société minière de Taparko : Les populations riveraines déplorent l’absence d’un cadre de concertation

    Bravo au SP/ITIE, pour ses initiatives louables malheureusement que les dirigeants de la SOMITA n’ont pas jugé utiles de prendre part a cette rencontre. C’est tout dire du peu de considération que ces exploitants miniers ont pour nous et même pour nos institutions. Ma plus grande inquiétude est de savoir comment l’environnement va être réhabilité a la fin de l’exploitation minière ? Il ne faut compter sur aucun fond ni aucun plan de réhabilitation environnemental de la part de ces sociétés . Les populations n’auront que leurs yeux pour pleurer, il y aura des larmes de sang
    La mauvaise volonté de l’état se manifeste par l’accaparement qu’il fait de la taxe superficiaire, 30 à 40% de cette taxe devait rester dans le village d’implantation de la société minière pour des projets de développements, malheureusement pour peu que la compagnie minière ai construit une ou deux salles de classe ou réhabilité un CSPS , à grand renfort de publicité télévisuelle on fait croire à l’humanité que l’exploitant minier est impliqué dans le bien être des populations, malheur !! là n’est pas son rôle et l’état le sait, exactement les populations ont besoin de leur part d’argent liquide pour initier des projets localement et non de 2 ou 3 broutilles de millions rétrocédés par l’état il faut ouvrir l’œil afin que sa change sinon les prochains conflits viendront de là et je préviens ça va être très, très violent

  • Le 17 juillet 2014 à 08:30, par lamda En réponse à : Société minière de Taparko : Les populations riveraines déplorent l’absence d’un cadre de concertation

    Vraiment ce n’est pas simple.notre sous_sol est riche et nous n’en tirons pas profit tout simplema car les taxes ne sont partagées equitablema.Il faut que cela change.on doit se soucier des populations qui habitent les communes abritant ces sites.c’est leur vie qui est en dangé.

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