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Africa Water Forum réfléchit au financement pérenne de l’assainissement en Afrique

Publié le lundi 14 juillet 2014 à 23h05min

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Africa Water Forum réfléchit au financement pérenne de l’assainissement en Afrique

Réunis à Ouagadougou, dans le cadre du forum Africa Water, des experts et autorités publiques africains et occidentaux ont examinés les pistes pour financer et promouvoir de façon pérenne l’assainissement. Dans un contexte international marqué par la réduction progressive et inéluctable de l’aide publique au développement, la mobilisation des ressources endogènes et la stimulation des investissements locaux sont ressorties comme une condition essentielle pour des services pérennes.

La session initiée par Eau Vive a été co-animée par M. Juste Hermann Nansi d’IRC et Dr. Lakdhar Boukerrou de USAID-WAWASH. Elle a mobilisé une quarantaine d’experts et responsables africains et occidentaux qui ont échangé leurs expériences et surtout proposer des axes stratégiques pour améliorer les interventions en matière d’hygiène et d’assainissement au cours de la période 2016 à 2030 qui succèdera à l’ère des Objectifs du Millénaire pour le Développement.

En rappel, l’assainissement demeure un vaste chantier au Burkina Faso et dans la majorité des pays d’Afrique subsaharienne. Selon les statistiques officielles, seulement 6% des ruraux contre 29,1% des populations urbaines avaient un accès adéquat à des services d’assainissement en 2013. Si ces chiffres paraissent faibles, le pays est pourtant en net progrès. Le taux d’accès à l’assainissement était de 3,1% en milieu urbain et de 0,8% en zone rurale, en 2009. Les participants ont échangé autour de l’engagement et de la volonté politique, des solutions innovantes de financement, de l’implication du secteur privé et de la contribution de l’aide extérieure au financement du secteur.

L’engagement et la volonté politique sont à renforcer aux niveaux national et local

L’absence de politiques et de programmes nationaux d’assainissement longtemps pointée du doigt comme l’une des causes de la situation préoccupante de l’assainissement en Afrique n’est plus vraiment d’actualité. Dans le sillage des OMD, la plupart des pays se sont dotés d’un programme d’accès à l’assainissement. L’environnement institutionnel connaît aussi une évolution. Au Burkina Faso, le gouvernement a procédé à la création de la Direction Générale de l’Assainissement, des Eaux Usées et Excreta (DGAEUE) chargée de développer des services d’assainissement en milieu rural. L’Etat a adopté en 2009, une politique « d’opérationnalisation de la stratégie de mise en œuvre de la composante infrastructures d’assainissement en milieu rural » (OSA). Depuis 2011, le pays alloue annuellement une enveloppe d’1,3 milliards de francs CFA (environ 2 millions d’Euro) pour soutenir la construction de latrines familiales en milieu rural, doublant ainsi sa contribution au financement du secteur. L’engagement politique s’est traduit, au-delà des vastes programmes, dans l’accompagnement des communes, maîtres d’ouvrages et unanimement reconnues comme les plus à même de développer localement des services d’assainissement. Pour ce faire, il est prévu au Burkina Faso un transfert direct de fonds aux communes pour la mise en œuvre d’activités d’assainissement dès 2015. En attendant ce transfert, certaines communes soutenues par des partenaires (ONG, association, coopération décentralisée) s’exercent à assumer leurs rôles de maître d’ouvrage dans l’assainissement. C’est le cas de la commune de Houndé qui a mis en place un service technique chargé des questions d’hygiène et d’assainissement. La commune s’est dotée d’un certain nombre d’outils de gestion dont notamment un plan stratégique d’assainissement et une stratégie communale pour le changement de comportement en hygiène et assainissement.

Elle suit également des opérations de construction de latrines et des hygiénistes chargées de la promotion de bons comportements auprès des ménages. La commune de Houndé a créé une ligne budgétaire de près de 2,8 millions de franc CFA (4200 euros) pour les questions d’hygiène et d’assainissement. Elle organise également depuis deux ans chaque 14 octobre, une journée communale de la promotion du lavage des mains.

Ces expériences autant au niveau national qu’au niveau local témoignent de la volonté et de l’engagement des autorités publiques qui devraient être renforcés pour faire face aux défis des années à venir. En effet, les communes rurales outillées comme Houndé restent encore des exceptions et les moyens mobilisés par l’Etat demeurent dérisoires par rapport à l’immensité des besoins.

Des solutions innovantes de financement à promouvoir

Afin de soutenir les efforts du gouvernement et des communes, des organisations de développement ont mis en place des mécanismes locaux de mobilisation de ressources pour le financement des activités d’assainissement. Au Burkina Faso, l’approche ATPL (Assainissement Total Porté par les Leaders) promue par WaterAid et adoptée par l’Etat Burkinabè a permis au secteur de mobiliser en 2 soirées de gala, dénommées Sanithon, une enveloppe de 186 millions de francs CFA. L’approche consiste à stimuler la solidarité régionale et nationale des élites du pays (dénommés leaders) pour financer la construction de latrines familiales en milieu rural et sensibiliser les populations rurales à l’hygiène. Lancé au niveau national en juillet 2012, le Sanithon a fait ses preuves en récoltant 92 millions pour la construction de 1285 latrines au profit de 22 819 personnes. Il a été décliné au niveau régional en mai 2014 avec un résultat tout aussi satisfaisant. La région des Hauts-Bassins, dans l’ouest du pays a mobilisé 94 millions. Selon M. Gilles Djagoun de WaterAid, le potentiel de ce mécanisme de financement au Burkina Faso s’élève à au moins un milliard de francs (1,53 millions d’Euro) par an.

Au Niger on mise également sur la solidarité à travers des mutuelles villageoises pour l’assainissement. « Il s’agit de crédits permettant aux plus démunis d’avoir accès à des latrines familiales, par des prêts dont le remboursement sera étalé dans le temps avec des échéances de paiement compatibles avec le pouvoir d’achat du bénéficiaire », témoigne M. Souley Soumana de l’ONG Rail Niger. Le prêt consiste à faire supporter tous les coûts des ouvrages par les populations bénéficiaires. Ces derniers sont organisés en groupes solidaires identifiés dans des zones géographiques données. Les bénéficiaires apportent les matériaux locaux et s’occupent de la fouille. Le pole technique de gestion du système octroie le prêt nécessaire pour l’achat des matériaux. La mairie accepte de mettre à contribution son camion pour le transport des matériaux. L’initiative a été développée par l’ONG RAIL avec l’appui de la commune française d’Orsay. Elle est expérimentée dans deux régions du Niger dans 5 communes.

Il importe que ces solutions innovantes et éprouvées de financement de la promotion de l’hygiène et de l’assainissement soient inscrites dans les stratégies sectorielles post 2015 afin d’être mise en œuvre à l’échelle et de contribuer de façon plus significative aux immenses besoins du secteur.

Stimuler l’implication et l’investissement des opérateurs privés

Le développement du marché de l’assainissement doit mettre l’accent sur « ce qui est important aux yeux » des consommateurs afin de leur proposer des services et des technologies qui leur seront utiles, à des coûts accessibles tout en respectant les normes en vigueur. Cette vision est pour l’instant absente au Burkina où le secteur privé peine à développer des offres attractives. Les latrines coûtent toujours chères et l’innovation quant au choix de la technologie est quasi absente. Pourtant, pour Laurent Stravato, Directeur pays d’IDE au Burkina Faso, « la clé d’un bon marché de l’assainissement se résume en un bon produit et à un bon markéting ». Selon M. Stravato, les opérateurs privés doivent travailler à développer des technologies d’assainissement efficaces et à coûts accessibles aux usagers, ce qui est encore loin d’être le cas dans plusieurs pays comme le Burkina Faso. IDE s’engage à travailler sur le développement du marché de l’assainissement au cours des années à venir au Burkina Faso en s’inspirant du large succès de cette approche dans plusieurs pays d’Afrique et d’Asie.

Penser davantage à développer une filière complète d’assainissement

Grâce aux efforts consentis au cours des 5 dernières années, le taux de latrinisation est en constante hausse. Mais cela n’est guère suffisant car l’assainissement ne se limite pas aux latrines. La mobilisation des ressources doit également s’accompagner d’un développement d’une chaîne complète de services. La filière d’assainissement est une chaîne avec trois principaux maillons tous aussi importants les uns que les autres : la collecte et le stockage (systèmes de confinement des déchets à la source de production, donc au niveau des ménages), l’évacuation (systèmes de transport des déchets des lieux de collecte et stockage vers les lieux de traitement) et le traitement (qui permet soit la réutilisation ou le rejet de déchets assainis dans l’environnement naturel). Selon M. Christophe Le Jallé de pS-Eau, il faudra davantage soutenir l’investissement des ménages pour la collecte et le stockage. Il est également important d’accompagner le développement des opérateurs privés pour l’évacuation adéquate des boues de vidange et il faut enfin développer les compétences des collectivités territoriales à prendre en charge le traitement. L’expérience de l’ONEE au Maroc présentée par M. Mohammed Nabil Boutahar témoigne de l’efficacité de cette vision globale et complète de l’assainissement et illustre également l’importance des besoins d’investissement du secteur généralement sous-estimés. Tout plan ou programme d’assainissement doit tenir compte de ces différents maillons de la chaîne afin de garantir des services pérennes aux usagers et de protéger l’environnement.

L’aide extérieure devrait être mieux utilisée pour soutenir l’autonomie et la pérennité

M. Le Jallé a également proposé quelques recommandations pour une meilleure utilisation de l’aide publique au développement et des ressources de la solidarité internationale au profit de l’hygiène et de l’assainissement dans les pays en développement. A l’issue des analyses de l’expert, les financements extérieurs devraient être investis davantage dans les études et pour stimuler des investissements locaux afin de développer l’accès des ménages aux infrastructures et la prise en charge de l’évacuation par les opérateurs privés. M. Le Jallé préconise également qu’on soutienne davantage les études et les travaux pour le traitement des déchets. Incidemment, les autres postes de dépenses (travaux dans les ménages, équipements pour l’évacuation et tous les coûts d’exploitation et de gestion des services à tous les niveaux devraient être couverts par les ressources locales ou nationales, qu’elles soient publiques ou privées (ménages ou entreprises). Ces nouvelles orientations stratégiques sont importantes à considérer pour développer des services qui doivent être pérennes au-delà de la période de disponibilité de l’aide extérieure qui va inexorablement et significativement se réduire au cours des années à venir.

Juste Hermann Nansi et Nourou-Dhine Salouka

IRC Burkina

Les présentations des différents intervenants de la session sont disponibles ici : fr.ircwash.org

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