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La France a-t-elle perdu "son" Afrique ?

Publié le lundi 14 février 2005 à 07h42min

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La France a-t-elle perdu "son" Afrique ? Ou est-ce "son" Afrique qui se libère d’un paternalisme couvé dans une culture démocratique dogmatisée avec comme mot d’ordre, un équilibrisme diplomatique symbolisé par cette formule lapidaire du "ni... ni..." ?

La Françafrique a-t-elle vécu ? Que reste-t-il concrètement aujourd’hui de l’influence de la France en Afrique ? La langue de Molière ? Et là encore ! Cette Afrique francophone est en droite ligne dans une phase de mutation irréversible à la "world langage".

Après avoir dompté l’économie, la culture, la globalisation (néo-impérialisme américain) s’efforce avec succès de standardiser une vision hégémonique du monde. Tels des châteaux de cartes, tous les remparts idéologiques et politiques qui donnaient à l’universel sa dose de diversité sont emportés. Hier, la chute du mur de Berlin, le démantèlement du bloc de l’Est, aujourd’hui la "Tempête du désert" qui a balayé l’Irak de Saddam Hussein et s’apprête à souffler violemment sur l’Iran et la Syrie traduisent cette nouvelle réalité. C’est toute la carte géopolitique et stratégique du monde qui se redessine.

Quant à l’Afrique, maillon faible, elle peut attendre. A l’heure voulue, elle se lèvera et se mettra dans les rangs telle une bonne élève. A ce jeu cynique, les tenants de la mondialisation auront été rassurés que les petites puissances qui ont pion sur rue en Afrique (France, Belgique, Grande-Bretagne...) auront perdu la bataille mondiale et certainement, leur positionnement privilégié sur le continent africain.

L’inventaire peut donc se faire. Les faits et les événements confirment cette approche unilatéraliste. Le Zimbabwe s’est rebellé contre la tutelle "british". Le Zaïre ou si vous voulez la RD.Congo est devenu incontrôlable pour la Belgique. Au Tchad, la Libye continue de faire ombrage à la France. Le Rwanda s’est affranchi de l’emprise de Paris. En Côte d’Ivoire, la France est roulée dans la farine. Le Togo donne naissance à la "Eyadémacratie". Et tout cela sous le regard impuissant de Chirac-l’Africain. Auprès des autres Etats francophones (Gabon, Sénégal, Burkina, Mali, Niger, Congo-Brazzaville...), c’est une tenue diplomatiquement correcte qui est observée.

Les relations franco-africaines des dinosaures n’ont pas su préparer les mentalités aux nouveaux défis de ce monde. Si la France s’est toujours souciée de ses intérêts en Afrique "la France n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts", (parole du général Charles de Gaulle) à présent, elle comprend qu’elle peut tout perdre ; l’amitié qu’elle n’a pas cultivée et les intérêts qu’elle n’a pas su préserver. Voilà où conduit la politique du "ni... ni...". Si la France continue d’avancer masquée dans sa politique africaine avec une diplomatie souterraine des réseaux et autres lobbies, elle accentuera la fracture avec les peuples africains.

Pour tenter de redorer son blason, elle se cache derrière un écran institutionnel : l’ONU, l’UA, la CEDEAO, l’OIF..., ces machins qui ne servent qu’à condamner du bout des lèvres et à acquiescer par des clins d’œil intéressés. Ainsi, la France a dilué son autorité et perdu un peu de sa crédibilité. Avec une décolonisation mal engagée (1960), une démocratisation mal pensée (1989 : Discours de La Baule), la déconnexion entre la France et "son" Afrique s’annonce brutale. Tout laisse croire que rien ne peut arrêter ce processus. Mais ce n’est pas pour autant que l’Afrique se serait libérée de toute tutelle ou velléité de recolonisation.

Devant cette inertie de la France et de la communauté internationale, face aux drames africains, espérons que l’Afrique saura prendre son destin en main. Avec les prises de position radicales du président de la Commission de l’UA, Alpha Oumar Konaré et du président en exercice, Olusegun Obasanjo et celle de la CEDEAO, face à la "honte" togolaise, il y a comme un vent nouveau qui souffle sur le continent africain.

Ce souffle est-il vraiment chargé d’espoir ?

Les leaders africains ont bien tiré les leçons de la crise ivoirienne. Sans l’Afrique, la France a perdu son "moteur". Il suffit pour l’Afrique de se donner un véritable habitacle démocratique pour exister par elle-même. Au risque de manquer définitivement de prendre la parole à l’heure de l’histoire et de continuer ainsi à exaspérer tous ceux qui croient en ce continent qui tarde à s’affirmer, l’Afrique doit assumer toutes ses responsabiltés comme le revendique la star mondiale, Bob Geldolf dans ce coup de gueule : "L’Afrique m’ennuie profondément. Le changement est beaucoup trop lent et les Africains ont tendance à fuir leurs responsabilités".

Alors honorables présidents africains, prenez vos responsabilités !

Par Michel OUEDRAOGO
Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 15 février 2005 à 09:54 En réponse à : > La France a-t-elle perdu "son" Afrique ?

    Merci pour cette vision, très éloignée de ce qu’on peut entendre en France, où l’ignorance et le mépris prévalent.

  • Le 15 février 2005 à 16:43 En réponse à : > La France a-t-elle perdu "son" Afrique ?

    Je partage ce que l´auteur dit mais je me demande si l´Afrique libérée est meilleure. Mugabe pille le pays à volonté et les Blancs du Zimbabwe sont inivités par Obasanjo, Musevi et le président de la zambie. En ce qui concerne le désengagmenet francais en Côte d´ivoire, c´est un processus qui a commencé avec la mort du Vieux. Aujourd´hui la France se dirige vers l´Asie et l´Europe. Les échanges économiques entre la France et le nigéria (un pays anglophone !!!) sont plus que ceux avec TOUTE la zone franc. Au lieu de chasser les derniers Francais, il faut redefinir nos relations. Les chinois ou les Américains ne vont pas nous donner des "cadeaux pafumés". En plus, les liens historiques sont forts. Il y a des milliers Portguais qui reviennent dans des pays africains lusophones ! Il y a plus de 40 000 Portugais qui vivenet aujourd´hui en Angola.

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