Fallait-il être grand clerc pour savoir que le fils Eyadéma opposerait une fin de non recevoir aux "moralisateurs" de la CEDEAO venus lui porter la "bonne parole" ? Mieux ou pire, Faure Eyadéma, a proprement tourné en ridicule Obasanjo et compagnie, en se rendant dans son fief de Lama-kara, manquant du même coup, son rendez-vous de Lomé. Outre, Obasanjo a du coup "détourné le Sommet (?)" vers Cotonou, où force "incantations" ont été adressées aux nouvelles autorités togolaises. Loin de s’en émouvoir celles-ci ont plutôt réprimé dans le sang, la manifestation que l’opposition togolaise avait organisée pour protester contre le coup d’Etat constitutionnel.

Partis du quartier de Gbè, foyer de la contestation loméenne, les manifestants ont rencontré la mitraille avec au final, trois morts selon les chiffres officiels.

Et pour qui connaît la "méthode Eyadéma", les morts vont se multiplier avec les nuits des longs couteaux que vont vivre certains quartiers de Lomé.

Eyadéma était un adepte du "nettoyage systématique" et les premiers pas de Faure montrent qu’il sera digne du "Timonier".

Comme nous le déclarait l’un de ses conseillers à Niamey lors du Sommet extraordinaire de la CEDEAO, "nous n’avons rien à f......... des sanctions de la CEDEAO".

Puis d’ajouter que le Togo a vécu plus d’une décennie sousembargo de l’Union européenne sans "connaître le pire".

Et puis terminera-t-il, "combien de fois a-t-on tordu le cou à des constitutions en Afrique sans que personne ne lève le petit doigt ?".

Faure comme Eyadéma

En fait, si Faure Gnassingbé fait son "petit malin-là", c’est qu’il dispose dans sa manche, de trois atouts non négligeables. Premier de ses atouts, le soutien de la France qui s’est manifesté dès l’annonce de la mort de son père. "La France a perdu un ami" a aussitôt déclaré Jacques Chirac. Un "message de condoléances" en direction du fils pour lui signifier que Paris s’accommoderait de lui, s’il donnait à son tour, des "gages d’amitié". La démocratie repassera, et pour ceux qui l’auraient oublié, c’est ce même Chirac qui avait déclaré que celle-ci était un "luxe" (sic) pour l’Afrique. Politicien de la vieille génération (il fut ministre dès 1968), Chirac a grandi à l’ombre de Foccart et de ses réseaux parallèles qui faisaient vivre "l’Afrique à papa". Nostalgique de cette Afrique-là, il se retrouve aujourd’hui face à des "jeuneots" qui ont une autre idée de la "Françafrique" et ne rêvent que d’Amérique. Un conflit de générations qui, ajouté à la mondialisation est en train de consacrer le recul de la France en Afrique. En tant que premier partenaire commercial, et du fait de l’histoire, Paris demeure toujours le "gendarme" de l’Ouest-africain.

Deuxième atout d’Eyadéma-fils, le soutien non équivoque de dirigeants africains.

Laurent Gbagbo d’abord pour des raisons évidentes, Eyadéma-père ayant toujours été "aligné" derrière Abidjan depuis le 19 septembre 2002.

Khadafi lui, s’il est un adepte du "pouvoir du peuple", n’en pense pas moins qu’il faut à celui-ci un "guide" éclairé. Et puis, la tradition politique arabe s’accommode bien de ces "monarchies constitutionnelles".

Quant à John Kufuor, il entendait certainement par son soutien, donner des gages de neutralité à Lomé, lui dont le pays hébergeait l’opposant togolais numéro un, Gilchrist Olympio. Le ver de la discorde était donc dans le "fruit-CEDEAO" à Niamey où les partisans du respect de la légalité républicaine au Togo, ont dû batailler ferme pour s’imposer. Pour des prunes pourrait-on dire, Faure Eyadéma évitant jusqu’à présent tout contact. Maître chez lui, il entend le rester, persuadé de compter son troisième atout, la pusillanimité du peuple togolais. Longtemps maintenus sous la feuille sanglante d’Eyadéma-père, "anesthésiés" politiquement par le fait d’une opposition qui a préféré "monter à la soupe" (à l’exception de Gilchrist Olympio absent sur le terrain cependant), noyés dans l’obscurantisme pour cause de fuite effrénée de cerveaux, les Togolais semblent ne plus avoir de "moelle" pour combattre la dictature. Après la "révolte de Gbè I" en 1991 qui avait drainé un grand monde, celle de Gbè II, le week-end écoulé n’a pas connu la même ampleur même si on a senti que les Togolais en avaient "marre". Il faut dire que les milliers de morts de 1991 sont frais dans les mémoires. Et comme l’ordre martial règne toujours à Lomé malgré la mort du vieux dictateur, "qui est fou" ? Il faudra pourtant qu’il y ait des "fous" aussi bien au Togo qu’en Afrique et ailleurs dans le monde pour arrêter cette autre folie destructrice et meurtrière.

A moins que toutes ces crises résultant de processus démocratiques hybrides ou mal gérés, ne soient savamment orchestrées pour mieux reconquérir le continent quand il sera à genoux. Plus que jamais, les Africains sont interpellés.

Boubacar SY
Sidwaya