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IBK va s’habituer à casser le jeûne du Ramadan en buvant le calice jusqu’à la lie (3/5)

Publié le mercredi 9 juillet 2014 à 21h19min

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IBK va s’habituer à casser le jeûne du Ramadan en buvant le calice jusqu’à la lie (3/5)

Le XXIIIè sommet de l’Union africaine s’est achevé le vendredi 27 juin 2014, à Malabo. Le lundi 30 juin 2014, Blaise Compaoré, président du Faso, médiateur désigné par la Cédéao dans « la crise malienne » (et confirmé dans sa fonction lors du sommet du 30 mai 2014 à Accra), arrivait à Bamako avec une flopée de collaborateurs qui n’étaient pas venus pour faire de la figuration.

De parfaits connaisseurs de la question malienne, qui ont vécu jour après jour (pour ne pas dire heure par heure) les événements qui, depuis le 17 janvier 2012, ont changé la physionomie du Mali. Or, du côté de Bamako, les acteurs de ces événements, à commencer par Amadou Toumani Touré et toute la clique des putschistes sans oublier les signataires « gouvernementaux » de l’accord de Ouagadougou, ont disparu de la scène politique. Même chose du côté de la « transition », qui a eu à gérer le pays à compter de la signature à Ouagadougou de « l’accord-cadre » (vendredi 6 avril 2012) jusqu’à la prestation de serment d’Ibrahim Boubacar Keïta (mercredi 4 septembre 2013).

L’opposition qui, au lendemain du second tour de la présidentielle, avait accepté démocratiquement sa défaite, n’est pas mieux lotie question visibilité. Dans un entretien avec François Soudan pour Jeune Afrique (11 mai 2014), IBK a même dénoncé la « comédie », « l’imposture totale », qu’aurait été alors le comportement de son challenger, Soumaïla Cissé, qui, depuis, chercherait à le « déstabiliser ». Dans cet entretien, il n’était pas plus aimable à l’égard de l’ancien président Alpha Oumar Konaré.

Avant de quitter Malabo, Compaoré l’avait dit : « L’événement de Kidal a été un coup dur pour le processus [de réconciliation], mais je crois que pour les parties qui sont conscientes qu’elles doivent vivre ensemble sur le territoire malien, il doit être possible de les rapprocher à nouveau ». Démenti cinglant à tous ceux qui pensaient que Blaise avait passé la main sur le dossier malien. Voilà bien longtemps d’ailleurs qu’il n’avait pas mis les pieds à Bamako.

On se souvient que le jeudi 29 mars 2012, au temps de la junte, une délégation de chefs d’Etat d’Afrique de l’Ouest, conduite par Alassane D. Ouattara, président en exercice de la Cédéao, avait été empêchée d’atterrir à Bamako et avait dû regagner Abidjan pour y fixer un ultimatum de 72 h avant de décider de sanctions à l’encontre du Mali. Cette fois, déjà, c’est Compaoré qui avait sauvé la mise de la Cédéao en parvenant, en l’espace d’une semaine, à faire signer à Ouaga « l’accord-cadre » qui mettait fin au pouvoir de la junte militaire à Bamako et ouvrant la porte à la restauration d’un régime constitutionnel, le président de l’Assemblée nationale devenant président de la République par intérim dès lors que ATT aura formellement donné sa démission. En matière de diplomatie (comme de politique), il ne faut pas avoir la mémoire courte !

Le lundi 30 juin 2014, IBK et les siens devront donc mettre dans leur poche leur détestation non pas tant de Blaise Compaoré que d’un accord de Ouagadougou qui leur est imposé par les événements (et la « communauté internationale »). Alors que la période du Ramadan vient de s’ouvrir, IBK va devoir s’habituer à casser son jeûne en buvant le calice jusqu’à la lie. C’est que Blaise va s’attarder. Ce ne sera pas une simple visite de voisinage, en coup de vent (il n’est pas une seule capitale africaine plus proche de Bamako que Ouagadougou) ; non, le lundi il sera à Bamako et le mardi à Ségou. Et il ne sera de retour à Ouaga que tard dans la nuit.

Blaise a entrepris de ménager l’extrême susceptibilité (qui ne s’arrange ni avec l’âge ni avec la fonction présidentielle) de son « homologue » malien. Son déplacement au Mali visait à évoquer, officiellement, « des questions bilatérales et des sujets liés à l’actualité internationale ». Et s’il était évoqué « de grands entretiens avec les présidents des institutions de la République, les leaders religieux, les groupes parlementaires de la majorité comme de l’opposition et le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies », il ne sera pas fait mention, dans le communiqué de presse de la Direction de la communication de la présidence du Faso, de « la crise malienne ».

IBK sera même convié à accompagner Blaise à Ségou, « deuxième ville du Mali » pour visiter des unités industrielles et « échanger avec la forte communauté burkinabè vivant dans cette région ». In fine, cependant, dans ce communiqué, il sera rappelé que Blaise Compaoré est « médiateur désigné » de la Cédéao et que cette « visite intervient à un moment où les négociations entre le gouvernement malien et les groupes armés du Nord connaissent quelques difficultés » (bel euphémisme). La conclusion, cependant, sera directe : « Le séjour du président Compaoré va relancer le processus de dialogue inclusif entre maliens ». Pas de doute, en la matière, le patron c’est Blaise !

Il y avait dans ce déplacement du président du Faso au Mali, un côté Saint-Louis sous son chêne recevant les uns et les autres. Et il y a eu du monde. IBK bien sûr, Moussa Mara le premier ministre, Issiaka Sidibé, le président de l’Assemblée nationale, Niaré Modibo, patriarche de la famille fondatrice de Bamako, Mgr Jean Zerbo, archevêque de Bamako, Baba Hakib Haidara, médiateur de la République du Mali, Modibo Keïta, haut représentant du président de la République pour le dialogue inclusif inter-malien, des députés des partis de la coalition présidentielle, les leaders de l’opposition parlementaire et notamment Soumaïla Cissé, challenger d’IBK lors du deuxième tour de la présidentielle 2013, et d’autres encore…

En fin de parcours, Bert Koenders, l’homme des Nations unies, à l’hôtel de L’Amitié, le QG de la Minusma. Pour Koenders, « le président Compaoré a abattu un grand travail à Ouagadougou ayant abouti à un accord. Nous sommes maintenant dans une autre phase avec le dialogue inclusif que le gouvernement malien et les mouvements armés vont entamer à Alger ». Une « autre phase » ?

Tout au long de la journée, l’accord de Ouagadougou va être encensé. Moussa Mara, l’homme qui a allumé le feu à Kidal les 17/18 mai 2014, soulignera que « dans ce processus [de paix et de dialogue lié à la crise au Nord-Mali], le Burkina Faso joue un rôle important et nous espérons qu’il va continuer à jouer ce rôle. Depuis la crise de 2012, le président du Faso est là, le Burkina est là et il nous confirme sa disponibilité à nous accompagner ». Modibo Keïta, le haut représentant d’IBK, ne sera pas moins enthousiaste : « Le président du Faso a un rôle extrêmement important à jouer dans ce processus, il l’a déjà joué et il nous a promis de continuer à le faire ». Soumaïla Cissé soulignera à son tour : « Dans cet accord [de Ouagadougou] on a pu obtenir l’unicité du territoire, la laïcité, la souveraineté de l’Etat sur l’ensemble du territoire, coeur les élections présidentielle et législatives, le cantonnement, le désarmement. Il faut donc encourager le président du Faso à poursuivre dans sa recherche de solutions avec l’ensemble des Maliens ».

IBK, vieux routier de la vie politique qui sait ce que parler veut dire, est resté, lui, dans la retenue. Il évoquera une visite « singulière » ; façon de souligner qu’elle lui a été imposée bien plus par des événements qui ne sont pas de son fait et une « communauté internationale » qu’il ne porte toujours pas dans son coeur. « Singulière » car il n’est pas fréquent qu’un président s’invite ainsi chez un autre président sans crier gare.

Mais Compaoré n’est pas Kadhafi, qui débarquait avec armes et bagages (+ avions et Cadillac blindée) là où il en avait envie quand il en avait envie. Il se rend à Bamako dans le cadre d’une mission qu’il a redéfinie dans la capitale malienne : « Les Maliens veulent vivre dans un espace uni et unitaire, sans extrémisme, vivre réconciliés dans la République du Mali, un Etat laïc, arrêter la guerre, organiser le cantonnement, le désarmement, ramener les déplacés et les réfugiés ». Autrement dit dans le cadre défini par… l’accord de Ouagadougou. Pas plus, pas moins.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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