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IBK va s’habituer à casser le jeûne du Ramadan en buvant le calice jusqu’à la lie (1/5)

Publié le lundi 7 juillet 2014 à 19h50min

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IBK va s’habituer à casser le jeûne du Ramadan en buvant le calice jusqu’à la lie (1/5)

Rien de tel qu’une déroute politico-militaire, sous les regards de la « communauté internationale » et tout particulièrement de la Minusma des Nations unies, de « Serval », et finalement de tous les acteurs, proches ou lointains, de la « crise malienne », pour ramener sur terre un président de la République tout à la fois suffisant et insuffisant et une équipe gouvernementale coupée des réalités. Retour un peu rude ; violent même ; plus encore : humiliant.

Dès après l’offensive militaire ratée et la déroute des FAMa à la suite des événements du mercredi 21 mai 2014 (cf. LDD Mali 0142/Jeudi 22 mai 2014), Gérard Araud, ambassadeur de France auprès des Nations unies, sera sans compassion pour un président et un gouvernement qui ont failli : « Le [gouvernement] malien a pris ses responsabilités […] C’est une affaire malienne. C’est aux Maliens de résoudre les problèmes maliens qui ne datent pas d’hier ni même de 2012 ». L’opposition malienne, évoquant la « tragédie de Kidal », parlera de « l’humiliation de notre pays » mais n’obtiendra ni la démission du premier ministre, Moussa Mara, ni la dissolution de son gouvernement, ni le vote d’une motion de censure. Mais la belle unanimité résultant de la bonne tenue de la présidentielle 2013 et, dans une moindre mesure, de législatives sans passion, n’est plus ce qu’elle était. Non seulement au sein de la classe politique mais, plus encore, au sein de la communauté internationale.

Il y a tout juste un an, le mardi 18 juin 2013, était signé à Ouagadougou « l’accord préliminaire à l’élection présidentielle et aux pourparlers inclusifs de paix au Mali ». Son intitulé, à lui seul, était significatif : au-delà de l’élection présidentielle, il fallait engager des « pourparlers inclusifs ». Le colonel Moussa Sinko Coulibaly en avait été le signataire pour le compte du gouvernement d’union nationale de la République du Mali et par délégation du Ministre de la Défense et des Anciens combattants. Coulibaly était alors ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de l’Aménagement du territoire.

N’étant pas reconduit dans le gouvernement formé par Moussa Mara, le colonel (promu entre temps général de brigade) est désormais le directeur général de l’Ecole de maintien de la paix Alioune-Blondin-Beye de Bamako (poste qu’il occupait avant les événements du 22-mars). Le ministre de la Défense et des Anciens combattants en poste en 2013, le général Yamoussa Camara, ne le sera plus dès l’accession d’IBK à la présidence de la République. Il a été remplacé par Soumeylou Boubèye Maïga qui, après « l’affaire de Kidal », aura la dignité de démissionner. Quant au général Camara, après avoir quitté le gouvernement et avoir été nommé chef d’état-major particulier du Président de la République, il s’est retrouvé placé sous mandat de dépôt.

Les autres signataires de l’accord de Ouagadougou ont été Bilal Ag Chérif (MNLA) et Alghabass Ag Intalla (HCUA), Blaise Compaoré (médiateur), Goodluck Ebele Jonathan (médiateur associé), tandis que les « témoins » étaient Pierre Buyoya (Union africaine), Bert Koenders (Nations unies), Yipéné Djibrill Bassolé (pas en tant que ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale mais de l’OCI) et Michel Reveyrand de Menthon (Union européenne). Au total, signataires et témoins de l’accord de Ouaga sont toujours présents ; sauf ceux qui ont signé au nom du gouvernement d’union nationale du Mali.

IBK a pu penser que l’accord de Ouaga ne l’engageait plus dès lors que ceux qui l’avaient signé avaient été passés à la trappe. Sauf que son accession au pouvoir résultait de la signature de cet accord et que, depuis, tous les acteurs de la « crise malienne » (qu’IBK a voulu, un temps, caractériser comme une « crise malo-malienne », autrement dit strictement interne) n’ont cessé de rappeler « la forte mobilisation de la communauté internationale » (pour reprendre les mots de Compaoré au soir du mardi 18 juin 2013) qui venait en renforcer l’impact.

Depuis son discours du Nouvel An (mercredi 31 décembre 2013), il apparaissait évident que, surfant sur sa victoire à la présidentielle avec un score sans équivoque, IBK entendait ne pas lire l’accord de Ouagadougou et, surtout, ne pas l’appliquer. Il va alors multiplier les contacts diplomatiques, notamment avec le Maroc et l’Algérie, pour exclure définitivement le Burkina Faso de la médiation. A tel point que Ouaga se cantonnera à un « accompagnement » de la médiation et se refusera, dès lors, à toute « initiative ». Sans pour autant rester inactif.

A Bamako, Oumar Tatam Ly, Premier ministre, va à son tour passer à trappe. Il sera remplacé par un quasi inconnu, Moussa Mara, jeune, sans expérience politique probante, candidat à la présidentielle 2013, leader d’un parti fantôme, et modeste ministre de l’Urbanisme et de la Politique de la ville dans le gouvernement de Tatam Ly. Il était probant que Tatam Ly, étant ce qu’il était et venant d’où il venait, n’entendait pas s’associer à la stratégie anti-Cédéao et « communauté internationale » d’IBK. Il était probant, aussi, que Moussa Mara était moins enclin que son prédécesseur à jouer le jeu de la médiation burkinabè (cf. LDD Mali 0132/Lundi 28 avril 2014). Dès lors, ce qui devait arriver est arrivé : une virée qui tourne mal à Kidal et une contre-offensive qui sera une débâcle totale. Tout cela dans un contexte fortement détérioré : « affaire de l’avion présidentiel » ; « affaire Tomi » ; « affaire des fraudes au bac »…

Avec un premier ministre qui perd vite son sang froid et ne sait pas toujours ce que parler veut dire. Tandis qu’IBK est pieds et poings liés dès lors qu’il a déjà changé de premier ministre et qu’il va devoir faire avec Moussa Mara pendant encore un certain temps. Seul atout du chef de l’Etat malien : il est en adéquation, pour la question du Nord-Mali, avec la population malienne, celle qui a voté massivement pour lui en 2013, qui ne veut pas entendre parler de négociation avec les assassins des soldats maliens à Aguelhok ; et, bien sûr, Bamako étant ce qu’elle est, se refuse à ce que les fêtes qu’aiment plus que tout les Bamakois soient gâchées par les états d’âme de quelques « enturbanés » du Nord-Mali ; autrement dit : venus d’une autre planète.

Sauf que ; sauf qu’IBK est en « présidence surveillée ». Parce que la situation qui prévaut au Mali n’est pas sans effets collatéraux dans toute l’Afrique de l’Ouest. Et encore convient-il de n’être pas, géographiquement, restrictif. Blaise Compaoré l’a dit à Malabo, lors du dernier sommet de l’Union africaine : « Ce qui se passe déjà au Nord du Nigeria, sur les côtes de la Somalie, la déstabilisation de la Centrafrique, le Nord de l’Afrique, tout cela constitue de graves préoccupations pour le continent, de graves menaces qui, si elles ne sont pas traitées, peuvent prendre des proportions encore plus grandes, encore plus graves pour le continent : comprenez que ce doit être des sujets de préoccupations ». Et le dire à Malabo, qui a fait voici quelques années l’objet d’une attaque de mercenaires « internationaux » qui n’étaient pas des enfants de chœur, prenait un sens particulier. D’autant plus que l’île de Bioko, qui abrite la capitale de la Guinée équatoriale, est aussi au cœur du golfe de Guinée, objet d’attaques à répétition de pirates, même si les exactions de Boko Haram les ont quelque peu occultées ces derniers mois.

« Plusieurs dizaines de morts, une humiliation militaire, une crise politique, une confiance, déjà fragile, à reconstruire, et un profond sentiment de gâchis : un mois après la flambée de violence qui a embrasé la ville de Kidal, dans le Nord du Mali, le bilan de cet épisode dramatique est lourd pour le pays et son président, Ibrahim Boubacar Keïta ». C’est Charlotte Bozonnet qui l’écrivait dans Le Monde daté du mercredi 18 juin 2014, tout juste un an après la signature de l’accord de Ouagadougou. Et il n’est personne pour penser le contraire. Du coup, tout le monde est revenu en courant à Ouagadougou pour reprendre langue avec Compaoré qui s’était lassé d’être « le dindon de la farce » malienne.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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