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Togo : la CEDEAO choisit l’option du moindre mal

Publié le vendredi 11 février 2005 à 09h05min

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La situation au Togo était en débat mercredi 9 février 2005 à Niamey. Huit chefs d’Etat de la sous-région, dont le président du Faso, Blaise Compaoré, y avaient répondu à la sollicitation du président Tandja Mamadou pour la tenue d’un sommet extraordinaire de la CEDEAO sur la question.

"Il est certain que l’hypothèse des sanctions a été envisagée aussi bien au niveau de la CEDEAO que de l’UA. Mais nous ne sommes pas encore à ce stade. Nous pensons qu’il y a des contacts qui peuvent être pris et des discussions engagées pour expliquer aux Togolais le caractère sacré des textes fondamentaux mais aussi pour leur faire comprendre que l’intérêt du Togo réside aujourd’hui dans la normalisation politique".

Cette réponse du président du Faso à la presse qui lui demandait si l’hypothèse des sanctions à l’encontre du Togo avait été abandonnée, véhicule très bien le message que la CEDEAO veut envoyer aux nouvelles autorités togolaises.

"L’habillage constitutionnel" opéré du côté de Lomé II ne tient pas la route, et il faut envisager très rapidement "le retour à l’ordre constitutionnel".

C’est le message qu’une délégation de haut niveau de la CEDEAO comprenant entre autres les présidents Obasanjo du Nigeria, Kérékou du Bénin, Kuffuor du Ghana et ATT du Mali va se charger d’apporter au "président auto-investi" Faure Gnassingbé aujourd’hui ou demain. Car "ce qui s’est passé est apprécié comme un coup d’Etat militaire" et nous l’avons "condamné avec fermeté" nous a aussi déclaré Blaise Compaoré. L’ancrage du Togo dans l’espace démocratique étant par ailleurs un gage certain de l’atténuation de la souffrance d’un peuple trop longtemps martyrisé, "il y a urgence" selon le président du Faso.

Ce n’est pas pour autant que l’on va sortir le bâton, la voie des discussions dans le cas d’espèce paraissant la plus productive, voire la moins dangereuse car, et même si l’opposition togolaise présente à Niamey a, par la voix d’un de ses représentants, le Professeur Tchabouré Aimé Gogue, appelé à une "grande fermeté" vis-à-vis de Faure Gnassingbé, il faut dire que celui-ci semble bien avoir tous les atouts en mains.

Qui va lentement...

Nonobstant "l’ondoyance" du champ politique, le fils d’Eyadéma est bien au chaud, entouré de la garde prétorienne que lui a léguée son père. Des militaires à sa dévotion (même si la mort du vieux chef peut être source de "clivages") une opposition émiettée et dispersée et la bourse de l’Etat dans sa main, Faure peut voir venir.

Du reste, un de ses conseillers qu’il a "hérités" de son père, nous déclarait sans ciller qu’en cas de sanctions, ils diraient à tous les ressortissants de la CEDEAO de "f...le camp". Puis d’ajouter qu’en Afrique "nous avons plusieurs exemples de non-respect des constitutions". Quant à Faure Eyadéma lui-même il avait promis des "élections libres et transparentes le plus tôt possible".

A peine la joie qu’une telle déclaration avait déclenchée, savourée, qu’un de ses ministres douchait l’enthousiasme et précisant qu’il s’agissait de législatives. De quoi donner peut-être raison à l’opposant togolais Thabouré Aimé qui nous déclarait que "si aucune décision dans le sens du respect de la constitution n’est prise aujourd’hui, dans trois mois, dans un an ou dans trois ans nous nous retrouverons dans la même situation".

D’où cette fermeté "coulante" (un peu comme l’histoire de la longue corde que l’on tend à quelqu’un et que l’on raccourcit au fur et à mesure de ses bêtises) de nos chefs d’Etat vis-à-vis de Lomé II. Une digression pour dire que l’exemple togolais est illustratif de l’échec ou de la réussite semi-relative des processus démocratiques africains entamés au lendemain de La Baule.

Sans rentrer dans des considérations académiques, disons que la démocratie ne fleurit pas sur la misère. Pour en revenir au cas togolais, l’équation est loin d’être résolue. Faure Gnassingbé a pris tout le monde de vitesse et entend rester le maître du jeu. A la CEDEAO de le convaincre (?) qu’il peut l’être même à l’issue d’une élection présidentielle libre et transparente.

Un "marchandage politique" qui n’est pas loin de ressembler à un jeu de dupes. Les neuf chefs d’Etat présents à Niamey en ce 9 février 2005 (Tandja, Obasanjo, Henrique Rosa Marquès, Kuffuor, Gbagbo, Kérékou, Wade, Gyude Bryant, Compaoré auront au moins eu le mérite d’avoir essayé.

Boubakar SY,
Envoyé spécial à Niamey

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