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Togo : A qui profite cet imbroglio ?

Publié le jeudi 10 février 2005 à 08h27min

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Le coup de force survenu à Lomé après le décès de Yassingbé Eyadéma suscite des commentaires. Un lecteur de l’Observateur paalga se demande à qui profite cette situation.

Que sommes-nous en train de vivre encore sous nos cieux africains ? A vrai dire, les Africains sont des experts en innovation et en créativité : chaque jour, ils inventent quelque chose de singulier, de particulier, de laid et peu original.

Chaque fois on assiste à ce qui ressemble à un mauvais rêve et malheureusement traduit la triste réalité de ce qu’est pour le moment le continent. Les autres inventent des vaisseaux qui vont à la conquête de l’espace, et pendant ce temps en Afrique il se trouve des sorciers magiciens pour inventer des mécanismes pour maintenir leur peuple dans la misère et dans la désolation.

Ce qui se passe présentement au Togo est digne d’un autre âge. En moins de vingt quatre heures les Togolais ont montré à la face du monde que l’Afrique a encore du chemin à faire dans la quête démocratique, sur le chemin du développement et de la liberté.

Je ne citerai pas un illustre homme politique français, qui, à l’époque, trouvait que la démocratie est un luxe pour les Africains. Cependant, tout cela mérite une réflexion sur le rôle de certaines puissances dans les crises africaines.

Que s’est-il passé en moins de vingt quatre heures au Togo pour qu’une situation qui était une opportunité de changement radical dans ce pays pour définitivement sonner le glas d’une dictature se révèle être sa résurrection ?

Sauvegarder les intérêts

Le contexte politique mondial marqué, par une forte libéralisation économique, conforte l’idée que les intérêts des uns et des autres vont dans tous les sens. L’économie mondiale commande des comportements d’instincts de survie et de perpétuation des clans, des dynasties et des puissances internationales.

La mort naturelle d’un des plus grands dictateurs de l’Afrique, qui a régné pendant trente huit ans sur un pays et d’une main de fer, qui a construit de grands réseaux économiques internationaux ne signifie pas une rupture, ni une révolution. Il est assez normal pour ses ouailles, également valets locaux, de faire des pieds et des mains pour continuer à perpétuer des pratiques et préserver des intérêts extérieurs.

Le contraire aurait été surprenant. Le comportement de l’armée togolaise et de toute la classe politique au pouvoir par la crainte de perdre des avantages et des privilèges dus à une gestion opaque.

Et dans cette situation, les injonctions de la communauté internationale nous semblent plutôt hypocrites et vides de sens, parce qu’après analyse, il apparaît qu’il se trouve des individus dans cet imbroglio à la togolaise, qui tirent les ficelles.

A l’annonce de la mort du président Gnassingbé Eyadéma, la réaction de la France a été plus ou moins suspecte. Son président a réaffirmé haut et fort l’amitié personnelle qui les a longtemps liés. Ce que Kofi Anann a dénoncé sur les ondes d’une radio internationale.

Ensuite, lorsque les choses sont allées rapidement, la France a émis le vœux de voir se dérouler une période de transition et des élections libres et transparentes.

Or, selon certaines sources, il se révèle que le tour de passe que viennent de réussir l’armée et les hommes politiques au Togo est le fait d’une diplomatie parallèle :

ces messieurs Afrique, amis de longue date des présidents africains, consultants et conseillers proches des pouvoirs africains, ces hommes de l’ombre, pour la plupart Français, issus des réseaux Foccart, qui gravitent autour des présidences africaines, qui prétendent défendre les intérêts des présidents africains et qui en fait défendent leurs propres intérêts.

En tout cas à ce qui se dit, c’est encore un de ces grands messieurs d’Afrique qui a concocté la sauce constitutionnelle togolaise. Ce monsieur serait assez proche de l’Elysée.

En matière de diplomatie, les positions et les comportements individuels isolés n’engagent peut-être pas les Etats, mais les rapprochements sont assez troublants. On l’a vu récemment, lors de la prise en otage des journalistes français en Irak, avec le député Didier Julia.

Le respect de la Constitution

Que peuvent les oppositions africaines dans ces cas de figure, où les principes démocratiques les plus élémentaires sont foulés au pied avec la complicité de ces messieurs Afrique. Il y a la condamnation du bout des lèvres et la réalité du jeu d’intérêts des acteurs de l’ombre, qui rendent difficile l’action de l’intérieur.

Et finalement les grands perdants sont les peuples, qui, à l’appel de leurs leaders, s’engagent dans la rue pour se voir réprimé. La communauté internationale peut-elle vraiment amener les autorités togolaises à réviser une copie qui a été rédigée par un monsieur Afrique ?

Quelqu’un nous a tenu ces propos : « Ecoute, ce qui se passe au Togo, imagine un peu si cela se produit au Burkina Faso, que penses-tu qu’il va se passer ? » et de renchérir que le Togo, le Burkina, le Gabon, la Côte d’Ivoire, pour ne citer que quelques-uns, ne sont pas l’Ukraine.

Dans ce pays, on vient d’assister à ce qu’on a appelé la révolution orange. Ici on assistera à la révolution noire si jamais... En effet, si cette situation se passe au Burkina, la question est bien posée : que va-t-il se passer ? Va-t-on respecter la Constitution ? Va-t-on tordre le coup à la constitution pour préserver ce qu’on appelle pudiquement la paix sociale et la sécurité ?

Ce que nous pensons c’est que la réflexion doit amener à reposer clairement la question des relations entre la France et l’Afrique. Il nous semble que le comportement des dirigeants africains soit intimement lié aux relations Françafrique.

Dans un autre article sur la crise ivoirienne, j’avais soutenu la réplique de la France face aux velléités des forces loyalistes ivoiriennes, cela en désespoir de cause, pour éviter une escalade de la violence, qui pouvait être préjudiciable aux populations civiles, surtout étrangères.

Cela pour pousser à l’application des accords de Linas-Marcoussis. Aujourd’hui, le rôle de la France dans les crises africaines semble être le même. Il n’y a pas une très bonne lisibilité de ce rôle, qui pèse lourdement sur le développement même de l’Afrique.

Il nous semble important que les Africains, avec leurs partenaires internationaux, se doivent de démanteler les réseaux qui continuent d’exister entre certains dirigeants africains et ces messieurs Afrique.

Ce démantèlement doit être accompagné d’une éducation citoyenne des populations pour qu’elles résistent, comme en Ukraine, à l’illégalité et à la fraude. Tout cela sera possible si des mesures économiques au niveau mondial tendent à faire une place à l’Afrique dans l’économie.

Nous pensons à des initiatives comme celles que l’Angleterre vient de prendre pour mettre en œuvre un plan Marshall pour l’Afrique. Nous pensons que l’ignorance et la misère de la majorité des Africains profitent énormément aux dirigeants africains et aux réseaux parallèles français et autres. La vraie question est peut-être celle qu’on ne se pose pas : à qui profite ce tour de passe-passe togolais ?

Evariste Zongo
Observateur Paalga

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