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Démonétisation : "Il y a l’argent dedans"

Publié le mardi 8 février 2005 à 07h37min

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L’opération de rachat supplémentaire des billets de la gamme 92 est à mi-parcours. A deux semaines de la fin de l’opération debutée le 16 janvier 2005, notre équipe de reportage a fait un tour le 3 février à la Direction générale du Trésor et à l’Agence principale de la BCEAO.

Plus de 300 millions de F CFA ont été rachetés sur l’ensemble du territoire. Si en province, on ne se bouscule pas, tel n’est pas le cas à Ouaga et à Bobo.

8h30. Au guichet du Trésor de Ouagadougou, il n’y a pas grand monde. Trois personnes seulement. Elles remplissent les fiches pour faire racheter leurs vieux billets de la gamme 92.

L’une d’elles tend son lot de vieux billets noircis. La guichetière, Adiaratou Nassa, lui en retourne un. "Trop usé", lance-t-elle à l’usager. Celui-ci sort un autre billet pour le remplacer. La guichetière conseille à son interlocuteur d’aller à la BCEAO pour les autres billets usés.

"Aujourd’hui, il n’y a pas beaucoup de gens", explique-t-elle, comme pour dire de ne pas se fier à ce calme plat. Là-haut, au deuxième étage de l’immeuble couleur ocre de la Direction générale du Trésor et de la Comptabilité publique, Lassané Kaboré confirme ses dires. Directeur des affaires monétaires et financières, il a la haute main sur l’opération. Le centre de Ouagadougou a racheté près de 20 millions de F CFA par l’entremise de quatre agences : la Direction des grandes entreprises, Ouaga-gare, l’Hôtel des finances de Ouidi et celui de Dassasgo.

En province, ce sont toutes les perceptions qui sont mobilisées ainsi que les directions régionales et les centres principaux. Certains centres affichent cependant des chiffres inquiétants : zéro rachat à Garango, faible taux de rachat à Fada, l’un des deux pôles économiques de l’Est. Pareil pour Koudougou-centre avec seulement 2 millions de F CFA collectés. Seul Ouahigouya, dans le Nord, talonne le duo Ouaga-Bobo avec 10 millions de francs rachetés. "Les tendances actuelles pourraient évoluer dans les jours à venir", avertit Lassané Kaboré.

Deux phénomènes expliqueraient la contre-performance des provinces : la discrétion des paysans sur "leur fortune" et l’insécurité ambiante. Les paysans ne veulent pas faire les opérations chez eux parce que tout le monde saurait qu’ils ont de l’argent. Aussi, préfèrent-ils les faire loin de chez eux. C’est l’une des hypothèses que fournit le "DAMOF" et qui expliquerait le fait que les centres qui sont proches des paysans soient délaissés : "Ils préfèrent l’anonymat des grandes villes".

Madi, le colleur de vieux billets

Devant la BCEAO, c’est un autre tableau. Deux policiers veillent à l’entrée, un troisième rassemble les pièces d’identité. Par lot de 10, les usagers ont accès aux guichets de la Banque centrale. "C’est pour éviter les bouchons", rassure le directeur de l’agence, Diarra.
A l’intérieur, au moins trois guichets sont ouverts.

Dans les salons bien rembourrés de l’agence de la Banque, des clients attendent leur tour. A leurs côtés, des agents de banque les aident à remplir les fiches .André Dabré, agent de caisse à la BCEAO, confirme l’affluence. "Une moyenne de cent par jour", dit-il. "Dans l’ensemble, les opérations se déroulent bien", ajoute-t-il. Il fait remarquer cependant que "beaucoup d’usagers viennent de loin", confirmant ainsi les dires du directeur des affaires monétaires et financières du Trésor burkinabè.

Dehors, dans une rue jouxtant celle de la BCEAO, les "dealers" de la démonétisation sont à l’affût.
Depuis le début de la seconde opération de rachat, Madi Ouédraogo est à l’affût des déposants qui ont des billets endommagés. Il répare les billets. En fait, il les colle. Le billet de 500 est collé à 50 F CFA, celui de 1000 à 100 F CFA, celui de 5000 à 500 F CFA... "Ça me permet de manger", dit-il. Habituellement, il plastifie les pièces d’identité et autres documents civils.

Pendant notre conversation, un des amis de Madi arrive en trombe. Il croyait avoir affaire à des clients. Comme pour s’excuser, il nous lance : "Madi et moi, on travaille ensemble". En fait, l’ami de Madi rachète les billets de ceux qui sont pressés, et qui ne veulent pas se soumettre au rang et au remplissage des fiches. Comme pour le collage des billets , lui aussi prend un pourcentage sur chaque billet : "Nous sommes là pour dépanner", se défend-il.

Mais la police ne voit pas ce petit commerce d’un bon oeil. L’ami de Madi a déjà été repéré par les forces de l’ordre qui lui avaient collé une raclée assortie d’une interdiction d’accéder aux guichets de la Banque. Comme preuve, il nous montre son épaule blessée. Est-il seulement conscient que son petit business est interdit par la loi ?
Nous décidons de mettre fin à l’entretien, lorsque le propriétaire du parking où nous étions stationnés menaça de nous dénoncer à la police. Il croyait que Madi et son ami nous rachetaient des billets.

Par Abdoulaye TAO
Le Pays

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