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Togolais vivant au Burkina : Entre peur et envie de révolte

Publié le mardi 8 février 2005 à 07h29min

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Le "baobab" est mort. Le président togolais, Gnassingbé Eyadéma, s’est éteint le 5 février à l’âge de 69 ans. 38 ans de règne sans partage ! A Ouagadougou, ses compatriotes font des analyses sur les nouveaux enjeux politiques mais refusent souvent de décliner leur identité, de peur d’être la cible du nouveau régime.

"Le problème du Togo, ce ne sont pas les clivages entre les habitants du nord et ceux du sud du pays. Le problème du Togo, ce sont ces politiciens médiocres agrippés au pouvoir depuis 38 ans. Et ils continuent de nous rendre la vie impossible", déclare un jeune homme. Le Togo, dit-il, " n’a pas encore entamé un processus démocratique. Croyez-vous que ce régime de militaires analphabètes soit à même de frayer les chemins du développement ? Franchement, moi je n’y crois pas".

Un autre togolais, rencontré au secteur 5 de Ouagadougou, est formel : "La mort de Eyadéma est un bon débarras pour notre pays". Et il affirme tout de go que le fils du Général, Faure Gnassingbé, "n’est pas la solution pour ce pays en déliquescence". "En le propulsant à la tête du pays, ils ont voulu verrouiller le système afin que certains intérêts stratégiques ne leur échappent".

Une fille de 22 ans, serveuse dans un maquis de Ouaga, n’est pas allée avec le dos de la cuiller pour exprimer son ras-le-bol : "Depuis qu’on est né, c’est la même chose qui se passe. Eyadéma est mort ; c’est pas bien mais c’est bien quand même. On n’est pas d’accord que son fils soit au pouvoir. C’est comme si l’ancien président était toujours vivant".

"Eyadéma a tué trop de personnes"

Pourtant, il y a des Togolais qui ont tiré profit du régime de l’homme fort de Pya. "Moi, je n’en veux pas à Eyadéma. C’est grâce à lui que je suis venue au Burkina. Grâce à lui, mon frère à eu un emploi au Togo. Je prie Dieu pour que son âme repose en paix", note une femme, elle aussi serveuse dans un bar à Ouaga. Juste à côté d’elle, une autre femme remue la tête en signe de désapprobation : "Je ne suis pas d’accord avec ce qu’elle dit. Eyadéma a tué trop de personnes ; il a même jeté certains dans la mer".

Puis la jeune femme semble être plongée dans des souvenirs. Quelques secondes plus tard, elle hausse le ton : "Même si le président de l’Assemblée nationale avait pris le pouvoir, ça allait être la même chose. C’est un pion sûr de Eyadema". Pourquoi alors l’a-t-on empêché de s’installer dans le fauteuil présidentiel ? Réponse d’un intellectuel togolais vivant au Burkina depuis plusieurs années : "Il était à la solde du président décédé mais il ne manquait pas d’ambitions personnelles. Il pouvait donc être tenté de se présenter à la prochaine élection présidentielle. De ce fait, il est un danger pour le régime Eyadéma, agrippé au pouvoir depuis plusieurs décennies".

Un autre intello togolais sort de sa réserve : "Si le président de l’Assemblée nationale était conséquent avec lui-même, il aurait adressé un message officiel à ses compatriotes à partir du Bénin où il a atterri par contrainte, alors qu’il était en provenance de Paris". En réalité, dit-il, "le salut ne viendra que d’une réaction conséquente du peuple togolais". "Appeler le peuple au calme est une lâcheté", ajoute-t-il. Pour lui, l’heure est venue de restaurer un "nouvel ordre national". "Il faut absolument mettre un terme à ce pouvoir oligarchique, quadragénaire, incapable de diriger le pays", martèle un vieil homme qui vient de boucler huit ans d’existence au Burkina.

Et un autre d’appeler la communauté internationale "à durcir davantage le ton vis-à-vis du régime togolais". "Il ne faut pas se limiter aux condamnations de principe ; il faut des sanctions ciblées contre ceux qui torpillent le processus démocratique", ajoute-t-il.

Sa colère monte d’un cran : "Il y a eu trop d’exilés à cause de la dictature de Eyadema. Y en a marre ! Il faut arrêter ce ping-pong politique". Une jeune Togolaise a même demandé aux pays voisins du Togo " d’aider cet Etat en difficulté avant qu’il ne soit trop tard". Il faut éviter "que ce soit comme en Côte d’Ivoire", prévient-t-elle avec un air de regret.

Par Hervé D’AFRICK
Le Pays

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