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Nestor Bassière, Député du Houet : « Le meeting du Front Républicain à Bobo a été un non-événement et le referendum n’aura pas lieu »

Publié le mardi 15 avril 2014 à 00h54min

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Nestor Bassière, Député du Houet : « Le meeting du Front Républicain à Bobo a été un non-événement et le referendum n’aura pas lieu »

Le vice-président et député de l’Union pour la renaissance/Parti sankariste (UNIR/PS), Nestor Bassière a bien voulu se prononcer sur l’actualité politique nationale encore marquée par le meeting du Front Républicain dans son fief de Bobo-Dioulasso. Il a réaffirmé avec force l’opposition du peuple à la tenue d’un referendum sur l’article 37 de la Constitution, referendum pourtant appelé de tous leurs vœux par les leaders du Front Républicain. Interview exclusive.

Lefaso.net : Le samedi 12 avril 2014, le Front Républicain a tenu son grand meeting dans votre fief de Bobo. En tant qu’élu du Houet, qu’est-ce que cela vous inspire comme commentaire ?

Nestor Bassière : Merci pour l’occasion que vous nous donniez de nous exprimer sur le fameux meeting du Front Républicain. Il est vrai que c’était annoncé au départ pour le 8 et finalement ç’a eu lieu le 12. En tant qu’observateur, nous avons tous regardé le monde qu’il y avait. Et que certains avaient annoncé également auparavant. Ce que je peux dire, c’est qu’on est en train d’utiliser une population à une cause qu’elle ignore. Parce que tous ceux qui étaient là-bas, si on leur demandait pourquoi ils étaient venus à ce meeting, ils ne pourraient pas dire grand-chose. On leur a dit de venir, on a mis à leur disposition des moyens de déplacement, de l’argent. Je pense que l’objectif de ce Front-là, c’était plutôt de réunir le maximum de personnes possibles quelques soient leurs origines. Les participants au meeting sont venus de partout. Ce n’était plus un meeting de Bobo, mais un meeting de tous ceux qui pouvaient venir à Bobo-Dioulasso pour que l’opinion peut-être regarde cette foule pour dire "Ah, enfin ! le Front a mobilisé". Sinon, dans le fond, c’est un non-événement parce que ça ne traduit pas réellement la force de mobilisation du Front pour le Référendum. C’est la lecture que je fais et le regret c’est vraiment l’utilisation de cette population à une cause dont ils ne comprennent rien. Donc, pour moi, ça ne traduit pas réellement le sentiment de tous ceux qui y étaient.

Lefaso.net : Voulez-vous dire que les populations de Bobo ne sont pas mûres pour comprendre un peu ce qui se passe ?

Nestor Bassière : Non, ce n’est pas pour dire que la population de Bobo n’est pas mûre. Vous savez, si vous regardiez tous ceux qui étaient là, ils sont venus des contrées les plus éloignées. Allez à 100 km de Bobo-Dioulasso, déposez un car, habillez les populations, distribuez leur de l’argent, ils viendront à Bobo-Dioulasso. Mais pourquoi ils viennent ? Ils ne comprennent pas. L’essentiel, c’est de venir dans la ville, ils ont un habit, ils ont 1000F, etc… Dès qu’ils repartent, tout est oublié. Donc, pour moi ce n’est pas ça l’objectif. Il ne faut pas qu’on perde de vue le fond du dossier, le fond du problème et mélanger les choses. Tous ceux qui étaient là n’étaient pas tous de Bobo-Dioulasso. On parle d’un meeting de Bobo, mais ce n’est pas un meeting de Bobo. C’est un meeting, je veux dire, du Burkina parce que des gens sont venus de Banfora, d’autres sont venus de Ouagadougou, mais, par des cars. Tout le monde se connaît à Bobo-Dioulasso. A part le CDP et l’UPR, tous ces partis réunis au sein du Front Républicain n’ont jamais pu réunir 100 personnes à Bobo pendant les différentes campagnes que nous avons connues. Aucun parti ! Mais, les responsables de ces partis étaient tous devant cette foule, ils parlaient comme si cette mobilisation-là était de leur force. Je leur lance un défi aux responsables du Front : ils ne sont pas en mesure de réunir 1 000 personnes dans un meeting à Bobo sur la base de la mobilisation volontaire des participants. Ils ne peuvent pas.

Lefaso.net : Vous ne craignez donc pas pour votre base au niveau de Bobo…

Nestor Bassière : Non, vous savez cette mobilisation par rapport aux campagnes, ce n’est pas la même chose. Sur les 6 députés du Houet, le CDP en compte 3. Ce n’est que la moitié. Donc, cette mobilisation ne nous inquiète pas du tout. Ceux qui mobilisent aujourd’hui, quand je prends le cas du Front Républicain, ce sera le contraire lorsque nous irons en campagne électorale aussi bien pour la présidentielle que pour les législatives ou les élections municipales. On l’a vu tout dernièrement à Dandé. Ç’a été comme un test. Le CDP et l’UNIR/PS ont obtenu respectivement 8 conseillers. Donc, c’est pour vous dire qu’en réalité la base y reste. Mais comme on dit, l’argent est là de toute façon, ça n’appartient à personne. Aujourd’hui, les gens ont compris que prendre l’argent et voter, ça fait 2 choses différentes. On l’a vu aussi à l’arrondissement 4 de Ouaga. Les gens ont distribué de l’argent mais les électeurs ont voté pour un autre parti politique. Donc, cette mobilisation ne traduit pas en réalité que ces gens-là, tous ceux qui y étaient sont d’accord pour le référendum. Il faut que les gens se mettent d’accord que c’est différent de la réalité lorsque ce problème-là sera posé.

Lefaso.net : Vous avez parlé du cas de Dandé, où il y a eu à la dernière minute des mésententes avec l’ADF-RDA, ce qui a fait basculer le poste du maire du côté du CDP. Comment vous avez-vous vécu cet évènement ?

Nestor Bassière : C’est la honte de la démocratie au Burkina Faso. Je ne puis pas comprendre que dans un Etat qui se dit démocratique, un parti politique séquestre des conseillers d’un autre parti politique au vue de tout le monde, je n’ai jamais vu cela. Dans ce monde, ça n’existe pas. Même si nos conseillers devraient voter contre l’UNIR/PS, le CDP ne peut pas séquestrer nos conseillers de telle sorte que nous-même en tant que responsable du parti, nous ne puissions pas avoir accès à nos conseillers. Et que ces conseillers soient déposés le jour des élections par mon concurrent, ça n’existe pas nulle part. C’est la honte à notre démocratie. Il faut qu’on ait le courage de le dire. L’ADF/RDA devait porter plainte contre le CDP pour séquestration et l’élection ne devait même pas se dérouler. Non ! Il faudrait que les gens acceptent que la liberté de choix soit laissée aux électeurs. Les conseillers de l’ADF-RDA peuvent rester avec leurs responsables, aller voter contre l’UNIR/PS ; Cela nous ferait pas mal. Du moment que nous avons conclu un accord avec l’ADF-RDA, pour nous on allait dans le sens du respect de cet accord. Les postes qu’ils ont donnés aux conseillers de l’ADF-RDA, étaient dans notre accord. C’étaient les mêmes postes qu’on leur avait promis. En dehors de ces promesses, ce que nous avons entendu, des millions proposés à chaque conseiller, une parcelle et une moto à chacun. Et pour cela, l’on devait même déposer plainte contre Salia. C’est où il a eu cet argent et ces moyens ? Si ce ne sont pas des détournements, où trouvera-t-il toutes ces parcelles promises ? Donc, ça sent la corruption. Et nous pensons qu’aujourd’hui ces pratiques n’honorent pas du tout notre démocratie. Et nous à l’UNIR/PS, nous avons eu honte de notre pays, de notre système démocratique. Parce que pour nous, ce n’est pas forcément que le mérite devait nous revenir, mais que l’on devrait laisser les gens choisir librement.

Lefaso.net : Vous aviez parlé de porter plainte en son temps….

Nestor Bassière : Si c’étaient les conseillers de l’UNIR/PS qu’un autre parti politique avait séquestrés, on déposait plainte contre ce parti politique. Parce que ce n’est pas normal que des conseillers de notre parti soient séquestrés par un autre parti de telle sorte que nous responsables du parti ne pouvions même pas avoir accès à nos conseillers et que le lendemain, ce parti dépose nos conseillers à une élection de maire ; ce n’est pas possible et ça ne se fait pas. Pourquoi ? Analysez et voyez-vous-mêmes ! C’est pour dire qu’en réalité, nous en tant que parti politique, nous n’avons pas fait échos, c’est parce que nous avons eu honte. Nous avons eu honte du déroulement.

Lefaso.net : Pour revenir du meeting du Front Républicain, attendez-vous maintenant après sa démonstration de force de ce samedi à un referendum sur l’article 37 de la Constitution ?

Nestor Bassière : Pour moi, ce meeting ne traduit peut-être qu’un règlement de comptes entre le MPP et le CDP. Le MPP était à Bobo, ils ont mobilisé peut-être 10 000 personnes, le CDP avait voulu faire la réplique en mobilisant à son tour peut-être 15 000 personnes. Mais, aux acteurs du Front Républicain, je dis que ce meeting ne traduit nullement la volonté du peuple burkinabè à aller à un referendum. Je leur demande de regarder en face le cas du Niger du temps de Tandja. Ç’a été la même chose. Le président en exercice organise un meeting, il mobilise du monde. L’opposition organise son meeting, elle mobilise aussi du monde. Quand fait un croisement, on se rend compte que ce sont les mêmes personnes que l’on réunit. Donc, lorsque l’on met les moyens en jeu pour mobiliser les populations comme ce que l’on a vu à Bobo, cela ne signifie nullement que ces personnes sont acquises à la cause défendue par les initiateurs, c’est-à-dire le referendum. Pour eux, toutes les personnes mobilisées au stade sont favorables au referendum. Ils ont même appelé au referendum. Mais, le Front Républicain se trompe. Aujourd’hui, c’est un sentiment général de rejet. Il faut qu’on ait le courage de le dire et que ceux d’en-face permette réellement au chef de l’Etat d’avoir encore une sortie honorable et de conserver ce qu’il a fait pendant 27 ans.

Lefaso.net : Et s’ils annoncent le referendum, qu’alliez faire en tant que formation politique ? En d’autres termes, avez-vous un plan B ?

Nestor Bassière : S’ils annoncent malgré tout un referendum, les partis politiques de l’opposition dans le cadre du Chef de file vont se retrouver pour déterminer la nature de la lutte mener ; mais personnellement en tant que citoyen, et cela n’engage que moi, je pense que ce referendum n’aura pas lieu. Forcer aller au referendum, c’est opposer deux peuples qui seront obligés de s’affronter. Si vous regardez les deux meetings de Bobo-Dioulasso, vous voyez qu’il y a des pour et des contre par rapport à cette question du referendum.

Et s’il y a des pour et des contre, c’est que les gens seront obligés de s’affronter si le referendum a lieu. Je ne suis pas sûr que le peuple sortira et que le Burkina Faso sortira grandi de ce referendum. Rien ne sert aujourd’hui d’opposer le peuple burkinabè au vu de ce que nous avons connu. C’est pour dire que ceux qui pensent encore consulter le peuple, de laisser tomber parce que ça ne sert à rien de forcer, parce que c’est un forcing. Le peuple, de toute façon s’est prononcé par rapport à la Constitution depuis longtemps sur la Constitution. Voilà pourquoi elle existe. Il ne sert à rien encore d’aller consulter le même peuple pour la même raison. Moi, je leur dis, une fois encore, que le sentiment général qui se dégage, c’est le rejet, le maintien de l’article 37 de la Constitution en l’état. Pour cette raison, nous pensons que le chef de l’Etat va réfléchir encore une fois, analyser la situation et se mettre au-dessus de la mêlée. Mais, si son choix, c’est de détruire tout ce qu’il a fait à l’intérieur et son image à l’extérieur, ce sera aussi son choix. On ne peut pas empêcher quelqu’un de se pendre s’il veut vraiment mourir. Quand vous dormirez, il mettra toujours la corde à son cou. Donc, la solution à la situation, aujourd’hui, se trouve entre les mains du chef de l’Etat et je pense qu’il saura dans sa décision tenir compte de l’intérêt général.

Propos recueillis par Grégoire B. BAZIE et Herman Frédéric BASSOLE (Stagiaire)

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