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BilAka Kora :« Thomas Sankara nous a permis de rêver »

Publié le jeudi 10 avril 2014 à 07h57min

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BilAka Kora :« Thomas Sankara nous a permis de rêver »

Récemment rentré de la France où il était pour la représentation d’une pièce théâtrale, c’est tout décontracté que nous avons retrouvé le roi de la Djongo musique Bil Aka Kora. Il aborde dans l’interview qu’il nous a accordée,son actualité musicale, la pièce « Une nuit à la présidence » dans laquelle il a joué et où il a musicalement repris le discours sur la dette de Thomas Sankara. L’artiste n’hésite pas à dire l’image qu’il garde de l’ancien président et se prononce sur sa nomination pour le Kundé d’Or 2014.

Lefaso.net : Quelle est votre actualité en ce moment ?

BilAka Kora :L’actualité c’est la pièce de théâtre ‘’Une nuit à la présidence’’, c’est la promo de mon cinquième album et c’est aussi le prochain album de Baz Bill sur lequel on travaille depuis quelques temps avec le groupe. Donc c’est le studio et c’est aussi les soirées Djongo avec le paradis des meilleurs vins qu’on va démarrer en mai.

Lefaso.net :Vous aviez disparu entre-temps de la scène, à quoi cela était-il dû ?

BilAka Kora : Je trouve le mot ‘’disparaître’’ trop fort, parce que moi je prends le temps de construire mes albums, je prends le temps de travailler. J’ai toujours pris trois, quatre ans pour la réalisation de chacun de mes albums. Après l’album Yaaba,j’ai travaillé un tout petit peu plus pour le dernier album. Il faut le dire aussi, je ne travaille pas seulement pour la sortie des albums. Je fais la musique évènementielle pour les documentaires et pour les films. Aussi, j’ai surtout les nuits Djongo qui me tiennent à cœur, la formation des artistes, des instrumentistes connus, pas connus que j’encadre.

Lefaso.net :Parlez-nous des nuits Djongo

BilAka Kora : Il y a quatre ans déjà on a lancé les nuits Djongo, parce qu’on a remarqué que la musique burkinabè ou la musique africaine en général, c’était surtout les vedettes et les chanteurs qu’on mettait en avant. Et souvent ce n’est pas forcément les chanteurs, les musiciens. La musique d’un continent ou d’un pays doit aussi tenir compte des instrumentistes et l’instrumental. Parce qu’un guitariste burkinabè ne joue pas forcement comme un guitariste congolais ou brésilien, donc c’est l’identité aussi d’un pays, d’un continent. Donc on a mis en place des résidences, deux semaines de résidence et ensuite des concerts. Au début c’était avec le Centre culturel français et il y a quelques années on a notre espace ici(NDRL au Paradis des meilleurs vins), un lieu de répétition. Un endroit de résidence où les instrumentistes viennent travailler. Mais il y a d’autres artistes aussi qui viennent travailler et la voix, et le jeu d’ensemble, le live que nous défendons.

Lefaso.net : Dans vos chansons vous privilégiez votre langue le kasséna, pourquoi ce choix ?

BilAka Kora : Je crois qu’on est plus sincère quand on chante dans sa langue. Et puis c’est plus facile pour moi de composer en kasséna. Mais Il m’est arrivé aussi de chanter dans d’autres langues comme en anglais ou me faire écrire des textes par des auteurs comme Damien Glez, des textes que j’ai emprunté aussi à Aminata Dao qui est une écrivaine.

Mais je crois que je suis à la promotion de la musique Kasséna , de l’inspiration kasséna, du Djongo. Dans tous les cas, je suis plus à l’aise dans ma langue maternelle.

Lefaso.net : Ne craignez-vous pas que cela soit un frein pour vous faire comprendre par les mélomanes ?

BilAka Kora :Je ne crois pas que ce soit un frein. Quand vous allez dans les cérémonies traditionnelles, quand on joue la musique pour les funérailles, on sent tout de suite l’émotion que dégage cette musique. Quand c’est les baptêmes, c’est un autre type de musique qui accompagne. La musique même a toujours été partie prenante. Le son est déjà porteur de message, du coup on écoute plus sur la mélodie. Je n’ai jamais eu de problème, la preuve en est qu’on est allé jouer un peu partout dans le monde avec ça. Ce sont des publics qui vivent des émotions, qui vivent une énergie.On partage le spectacle, il y’a aussi le coté visuel dans la musique.

Lefaso.net : Vous avez tantôt parlé d ‘’ Une nuit à la résidence’’, une pièce dans laquelle vous avez joué. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

BilAka Kora : C’est un président qui reçoit un investisseur étranger. Pour agrémenter la soirée, il fait venir un groupe de jeunes musiciens.Au fur et à mesure que la soirée avance, ça dégénère un peu. Il libère la parole et les jeunes parlent de leurs problèmes existentiels. Des problèmes qu’il y a en Afrique. Ça parle de l’exploitation de l’or dans certains pays africains, de la migration… C’est un peu le speech de la pièce. Moi j’y joue le rôle de chef d’orchestre et je joue la musique.

Lefaso.net : Dans ce rôle de chef d’orchestre justement, on vous a vu reprendre le discours sur la dette de Thomas Sankara, qu’est-ce que cela vous a fait de jouer ce rôle ?

BilAka Kora :La pièce m’a fait redécouvrir le discours, c’est à ce moment que je me suis plus reconnecté à ce discours. Ce n’était pas facile au départ de faire sonner un discours aussi important, qui a marqué tellement l’histoire africaine et l’histoire burkinabè en particulier. J’avoue que ce fut un plaisir pour moi de le faire.

Lefaso.net : Qu’est-ce que BilAka Kora pense de Thomas Sankara ?

BilAka Kora : Comme la majeure partie des Burkinabè et des Africains, c’est un homme visionnaire qui a donné la fierté au Burkina. Rien que le nom de notre pays, Burkina Faso, le pays des hommes intègres, ça a traversé toutes les frontières. Il y a une philosophie des valeurs africaines de vie qu’il a véhiculée, « Accepter de vivre africain, c’est la seule façon de vivre digne ». Jusqu’aujourd’hui, ce message est porteur, on l’entend toujours. Le fait de se dire qu’on a tous des responsabilités dans l’avenir et dans le bien-être de notre pays, je crois que ce sont des mots qui sont forts. Moi particulièrement, comme je viens de la ville Pô, j’ai pu le voir quand j’étais petit répéter, jouer la guitare, à deux pas de chez nous. Ca fait que ce sont des moments forts, la fierté déjà qu’il donnait. On avait tous envie de devenir des militaires quand on voyait Thomas Sankara déjà dans son allure. Ce sont des moments de rêve, c’est quelqu’un qui nous a permis de rêver.

Lefaso.net : Pensez-vous qu’un artiste doit s’engager politiquement, quel est selon vous le rôle d’un artiste ?

BilAka Kora :Je crois qu’on doit permettre à tout le monde d’écouter notre musique, on ne doit pas forcement porter un maillot. De mon point de vue, l’engagement politique doit êtrepersonnel.Personnellement, je ne le ferai pas parce que je crois qu’on doit pouvoir être le catalyseur de tout ça. L’artiste doit être le catalyseur, même si on dénonce des choses, on dit des choses justes, c’est valable pour un politique comme un autre, c’est valable pour un simple individu.

Je crois que l’artiste doit rester un griot moderne. Pour moi, on peut dire des choses graves, on peut dire des choses qui touchent autant le parti au pouvoir que l’opposition, mais tout ça dans la musique. Après nos positions personnelles, je crois que ça doit rester pour chacun.

Le rôle de l’artiste c’est d’être le griot moderne. C’est-à-dire de pouvoir dire des choses, en espérant que ça peut faire évoluer les choses ou que ça peut interpeller. Et d’égayer aussi. Avant tout, la musique doit traduire des émotions. Que ça soit la joie ou la tristesse, l’amour…, la musique doit véhiculer ça en premier.

Lefaso.net :Vous êtes nominé au Kundé d’Or 2014…

BilAka Kora : Je crois que c’est bien d’être nominé déjà. Le Kundé, c’est un évènement culturel que tout le monde attend au Burkina et c’est un plaisir d’être nominé.

Lefaso.net : Un mot pour conclure…

Que l’esprit djongo accompagne tous mes fans et tous les lecteurs de Lefaso.net. L’énergie, l’émotion, la sincérité !

Interview réalisée par Amélie GUE

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