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Jean Bosco Bazié, Directeur Général d’Eau-Vive : « il n’y a de richesse que la communauté d’idées, de savoirs et de biens »

Publié le samedi 22 mars 2014 à 03h33min

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Jean Bosco Bazié, Directeur Général d’Eau-Vive : « il n’y a de richesse que la communauté d’idées, de savoirs et de biens »

Eau Vive (http://www.eau-vive.org/ ), dont il est le Directeur Général, vient de se renforcer en devenant une fédération au cours d’un colloque international tenu les 27 et 28 février 2014 à Ouagadougou. Des conclusions du colloque, de la restructuration de son organisation ainsi que la Journée Mondiale de l’Eau, actualité oblige, Jean Bosco Bazié, que l’on ne présente plus dans le secteur de l’eau, tant il est de la plupart des rendez-vous (internationaux, régionaux, nationaux) sur la question ; en parle dans l’entretien qu’il a bien voulu nous accordé via Internet. Interview exclusive

Lefaso.net : La communauté internationale célèbre ce 22 mars 2014 la Journée mondiale sur le thème « Eau-Energie ». Quelle est la portée d’une telle thématique ?

Jean Bosco Bazié : Il faut rappeler que c’est le 22 décembre 1992 que par Résolution A/RES/47/193, les Nations Unies ont déclaré le 22 mars comme Journée Mondiale de l’Eau. Comme pour bien d’autres causes, il s’agissait de donner à la communauté internationale un temps de mobilisation, d’interpellation et de sensibilisation de l’opinion publique sur les enjeux liés à l’eau. Vingt ans après l’institution de cette journée, on peut dire qu’elle a atteint l’âge de maturité et qu’elle a bien contribué à donner un peu plus d’importance au secteur dans les agendas de développement.

Le thème retenu pour la célébration 2014 est « eau et énergie ». L’objectif est d’attirer notre attention à tous sur l’importance stratégique que revêt ce couple dans les processus de développement de nos pays. Nous savons tous l’importance de l’eau dans la production d’énergie indispensable pour d’autres secteurs vitaux des économies. De la même manière, l’eau a besoin d’énergie pour sa mobilisation, son transport et sa livraison aux usagers. Ces deux ressources sont liées et interdépendantes.

Au regard de la forte croissance de la demande en eau et en énergie que connaissent nos sociétés, il est important pour les acteurs et les décideurs de regarder de plus près le fonctionnement du couple eau-énergie afin de lui assurer un cadre de développement cohérent et durable. C’est entre autre pour ces raisons que le thème de cette année trouve tout son sens.

Au-delà de la question de l’énergie, il y a celle de la sécurité alimentaire. L’eau étant un facteur clé de production agricole. Sans eau, pas d’agriculture et en cette année 2014 proclamée année internationale de l’agriculture familiale, c’est aussi l’occasion de rappeler à l’opinion l’importance de l’eau dans les politiques et stratégies de sécurité alimentaire.

Lefaso.net Quelles sont les activités envisagées au niveau national et international dans le cadre de cette journée mondiale de l’eau ?

Jean-Bosco Bazié : Diverses activités tels que des colloques, des expositions, sont planifiées aux quatre coins de la planète pour marquer la journée.

Au Burkina, des jeunes regroupés autour du délégué Afrique du Parlement Mondial de la Jeunesse pour l’Eau (PMJE) a entrepris d’organiser les 20 et 21 mars à Yako des journées de la jeunesse engagée pour l’eau. Un forage réhabilité sera inauguré à l’occasion de cet évènement. Cela sera relayé le 22 mars à Tokyo au Japon lors d’une rencontre organisée par ONU-Eau. Une façon pour la jeunesse où qu’elle soit dans le monde, de sensibiliser autour d’elle et surtout de s’approprier les enjeux pour l’avenir.

Lefaso.net : Votre organisation, Eau Vive est un acteur majeur de la question de l’eau. Comment participez-vous à cette célébration du 22 mars ?

Jean Bosco Bazié : En France par exemple, Eau Vive participe à l’interpellation des candidats aux élections locales (campagne en cours) afin que l’eau soit dans les priorités de leur mandat de futur(e)s élu(es). Nous sommes également associé à plusieurs rencontres et réflexions autour de la JME et soutenons les jeunes dans leur démarche et activité car c’est un peu notre rôle en tant qu’organisation d’appui aux dynamiques locales, nationales.

Lefaso.net : Dites-nous, ces célébrations annuelles ont-elles vraiment un impact dans le développement du secteur de l’eau et de l’assainissement ?

Jean Bosco Bazié : Je pense que oui. Il est vrai que beaucoup reste à faire mais l’on peut se réjouir de réels progrès depuis au moins une décennie. Selon des estimations faites par les Nations Unies, la cible « Eau » des OMD est atteinte depuis plus de 3 ans. Mais nous ne pouvons pas nous contenter de cela car le compte n’y est pas : près d’un milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable et 1,3 milliard n’a pas accès à l’électricité dans le monde. Ceci dit, l’importance de l’eau est de plus en plus reconnue dans les politiques et agendas nationaux et internationaux. Il reste à maintenir la pression, accroître la mobilisation et les ressources allouées au secteur et traduire les intentions et engagements en actions de manière concrète à travers des actions volontaristes. Toute action compte comme toute goutte d’eau qui ne doit être laissée pour compte.

Lefaso.net : Avec la présente célébration qui met un peu en exergue l’interdépendance entre les questions d’eau et d’énergie, peut-on s’attendre à un engagement d’Eau Vive sur les énergies ?

Jean Bosco Bazié : Elle y est déjà à travers le soutien à des installations de type solaire pour les équipements de pompage de l’eau. Eau Vive est née en 1978 sur l’idée que le soleil devait être mis à profit pour assurer un accès à l’eau des communautés. D’où son nom et son logo qui reflètent bien la place de l’énergie dans la solution « Eau ». Bien évidemment, l’option des énergies renouvelables tel que le solaire se butte à diverses contraintes à la fois d’ordre technologique mais surtout politique avec en toile de fond des enjeux financiers liés au secteur pétrolier. Le modèle actuel de développement reposant pour l’essentiel sur cette source d’énergie dominante qu’est le pétrole.

Il revient aux Etats de prendre des options fortes d’énergies renouvelables afin de réduire la facture pétrolière et garantir le futur en termes de développement durable. Personne ne le fera à leur place.

Lefaso.net : Eau Vive et ses partenaires ont organisé, les 27 et 28 février 2014 à Ouagadougou, un colloque international sur la diversité culturelle et la gouvernance associative. Quelles ont été brièvement les thèmes abordés au cours de ce colloque ?

Jean-Bosco Bazié : Eau Vive est connue en tant qu’ONG intervenant dans le domaine de l’eau alors que son champ d’expertise va bien au-delà de l’eau. Elle soutient des projets de santé, d’éducation, de mobilisation citoyenne, de renforcement de la maîtrise d’ouvrage locale, ou encore de soutien à l’emploi des jeunes. Cette dimension de son action est parfois méconnue du grand public. Au cours des 5 dernières années, elle a soutenu l’émergence de bases associatives d’adhérents dans les pays d’intervention en Afrique et qui sont devenues des associations de plein droit. Tout ce mouvement a pris l’option de se mettre en fédération Eau Vive Internationale depuis le 1er mars 2014 dans une gouvernance partagée Nord-Sud-Sud, blancs-noirs, etc. quoiqu’on fasse, une telle dynamique fera face aux enjeux de diversités : diversité de couleurs, diversité de savoirs, diversité de culture, d’histoire, et j’en passe. Toute chose qui imprime la marche des choses, le comportement de ceux et celles qui les animent. C’est pourquoi, à la veille de la création de cette fédération multiculturelle, il fallait en débattre afin de bâtir sur la vérité de ce que nous sommes au Nord comme au Sud, blancs, comme noirs, bâtir sur l’idée d’une interdépendance Nord-Sud-Sud et blancs-noirs, sans tabous. Le colloque a abordé des questions telles que la gouvernance associative dans un contexte multiculturel, les nouvelles formes de solidarités à inventer, le financement du développement dans nos pays par des ressources propres à lever localement, la construction d’une responsabilité individuelle et collective autour d’un patrimoine commun avec un accès sur la place de la jeunesse, etc.

Lefaso.net : Ces thématiques répondaient-elles vraiment à des préoccupations des acteurs ?

Jean Bosco Bazié : Oui, 350 participants y ont pris part venant du Burkina, de France, du Mali, du Niger, du Sénégal, du Tchad, du Togo et au regard de l’engouement et des résultats des travaux, nous sommes confortés sur l’idée que nous ne pourrons trouver de réponses aux besoins sociaux de base telle que l’eau, si nous occultons le débat sur les questions de sociétés, de cultures. Impossible de construire un projet sans les Hommes et leurs fondamentaux qui sont entre autres la culture.

Lefaso.net : Quel était le profil des participants au colloque ?

Les participants venaient de divers milieux socioprofessionnels, de l’enseignant-chercheur à l’université de Rouen en France à l’animateur villageois de Diouloulou en Casamance au Sénégal en passant par l’ingénieur ou l’ancien ministre. Une vraie diversité en termes de profils de participants.

Lefaso.net : En quelques mots, quelles ont été les grandes conclusions du colloque ?

Jean Bosco Bazié : La première conclusion et qui n’est pas nouvelle, c’est que nous sommes tous dépendants les uns des autres, quelle que soit la provenance géographique ou l’origine sociale et les moyens matériels dont on dispose. Et pour ce faire, il n’y a de richesse que la communauté d’idées, de savoirs et de biens. La seconde conclusion est que nos différences sont pour autant des richesses qui enrichissent mutuellement. Et enfin, qu’un projet associatif international tel que l’ambitionne les acteurs d’Eau Vive, se construit autour de l’idée d’un patrimoine commun d’abord d’ordre immatériel qui fonde l’engagement commun et les sacrifices à consentir dans le temps.

Bien évidemment pour aller au-delà, il faut transcender les clichés et autres idées reçues de part et d’autre au Nord comme au Sud.

Lefaso.net : Vous avez parlé tantôt de la création de la Fédération Eau Vive Internationale. A quoi répond cette restructuration ou réorganisation ?

Jean Bosco Bazié : Il s’agit d’une étape majeure dans le parcours d’Eau Vive. Imaginez un peu une organisation créée en mars 1978 sur les bords de la Seine à Paris qui aboutit 35 ans après à une fédération internationale de plusieurs associations Eau Vive et qui fixe son siège social à Ouagadougou pour rayonner dans le monde. La naissance de la fédération répond à la double ambition d’amplifier l’action avec plus d’énergies et de moyens et de donner plus de place aux Africains dans la gouvernance associative de l’institution.

Lefaso.net : Quelles perspectives après ce colloque de Ouagadougou ?

Jean Bosco Bazié : Il ne reste plus qu’à s’organiser pour traduire dans les actions de tous les jours, les conclusions et recommandations du colloque et à accompagner la nouvelle fédération dans son ancrage au Burkina Faso, en Afrique et ailleurs dans le monde.

Entretien réalisé par Grégoire B. BAZIE

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