LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Mamadou Honadja, Secrétaire permanent du Conseil national pour le développement durable : « Les choses progressent ; mais pas au rythme qu’on aurait souhaité »

Publié le mardi 28 janvier 2014 à 22h15min

PARTAGER :                          
Mamadou Honadja, Secrétaire permanent du Conseil national pour le développement durable : « Les choses progressent ; mais pas au rythme qu’on aurait souhaité »

Pour cette fin d’année 2013, l’agenda de Mamadou HONADIA, Secrétaire permanent du Conseil national pour l’environnement et le développement durable (CONEDD) ; a été surchargé tant il a été sollicité pour des événements au niveau international et national. Ingénieur environnementaliste chevronné et spécialiste des changements climatiques, le SP du CONEDD est incontournable lorsqu’il est question de développement durable. Ici au Faso comme ailleurs. Ainsi, aussitôt rentré de Varsovie en fin novembre où il avait conduit la délégation des experts burkinabè pour la conférence sur le climat ; le secrétaire permanent a enchaîné avec la quatrième conférence du Conseil national pour l’environnement et le développement durable, tenue du 17 au 19 décembre à Ouagadougou. De ces rendez-vous importants pour l’avenir de la planète et de notre pays, Mamadou HONADJA nous en parle dans l’interview qu’il nous a accordée.

Lefaso.net : Vous faites partie des principaux acteurs de la quatrième session de la Conférence du Conseil national pour l’environnement et le développement durable (CONEDD) tenue du 17 au 19 décembre à Ouaga 2000. Au cours de cette conférence il a beaucoup été question d’économie verte et de développement durable. Brièvement, que faut-il comprendre par économie verte et développement durable ?

Mamadou Honadia : Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) définit l’économie verte comme une économie qui entraîne une amélioration du bien-être humain et de l’équité sociale tout en réduisant de manière significative les risques environnementaux et la pénurie de ressources. Au niveau de la CEDEAO, l’économie verte est l’ensemble des activités conduisant à la réduction de la pauvreté, la création d’emplois verts décents, des richesses et des revenus au profit de la population, qui assure le bien-être global pour toutes les personnes tout en maintenant un environnement sain dans le respect des droits humains et de la contribution à la cohésion sociale.

En termes simplifiés, on peut dire que l’économie verte se caractérise par des activités à faibles émissions de carbone et des rejets réduits de déchets, l’utilisation rationnelle des ressources naturelles tenant compte de l’équité sociale et des considérations culturelles.

La définition du développement durable retenue par les autorités du Burkina Faso est identique à celle contenue dans le rapport de Brundtland. En effet, dans l’article 4 du projet de loi sur le développement durable au Burkina Faso, il est écrit ce qui suit : « Au sens de la présente loi, on entend par Développement durable : développement qui s’efforce de répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs ». « La durabilité se cherche, à travers une approche intégrée de trois dimensions : économique, écologique et sociale et même culturelle. La croissance économique n’est plus une valeur en soi, si elle ne respecte pas l’environnement, si elle n’est pas performante et si elle n’est pas socialement équitable et culturellement acceptable » (MEDD, 2013). L’économie verte ne remplace pas le développement durable, elle se présente plutôt comme un instrument, un moyen pour réaliser et promouvoir le développement durable.

Lefaso.net : En quelques mots, quelles ont été les grandes conclusions de cette 4e session du CONEDD qui a porté justement sur le thème : « Économie verte : enjeux et opportunités pour un développement durable au Burkina Faso » ?

Mamadou Honadia : Les grandes conclusions de la 4e conférence du CONEDD peuvent se résumer (a) en l’adoption des documents statutaires du CONEDD (rapport d’activités 2009 à 2013, le programme de travail 2014 à 2017, le rapport sur l’état de l’environnement au Burkina Faso, le rapport des trois (3) commissions spécialisées et celui sur le suivi des recommandations de la 3è conférence du CONEDD) (b) la reconduction des commissions spécialisées mises en place au cours de la 3è conférence du CONEDD mais avec des thématiques différentes que chaque entité identifiera (c) l’appui financier au Secrétariat permanent du CONEDD pour lui permettre de jouer pleinement son rôle (d) la large diffusion des concepts d’économie verte et de développement durable ainsi que leur prise en charge par les plus autorités de notre pays afin d’en faire une préoccupation nationale et pour accélérer l’atteinte d’une croissance à deux chiffres. En outre, une dizaine de recommandations ont été formulées en plus de celles de la 3e Conférence du CONEDD dont la mise en œuvre reste toujours d’actualité.

Lefaso.net : Parmi les recommandations de la conférence figurel’organisation d’un séminaire gouvernemental sur le développement durable et sur l’économie verte. Est-ce à dire qu’au même au niveau du gouvernement, les questions du développement durable ne sont pas encore bien maîtrisées ?

Mamadou Honadia : Non, la conférence a estimé qu’au regard des décisions importantes à prendre sur le développement durable et sur l’économie verte, qu’il est pertinent et sage de porter la discussion à un niveau politique plus élevé afin que des décisions sérieuses soient prises. La conférence ayant démontré les avantages et les bénéfices découlant de l’appropriation et de la mise en œuvre de ces concepts et approches de développement, cette proposition de séminaire gouvernemental permettrait d’aller plus vite dans l’opérationnalisation.

Lefaso.net : Autre recommandation : la définition d’une stratégie globale vers l’économie verte. En quoi pourrait-elle consister cette stratégie ?

Mamadou Honadia : En fait la recommandation tend à donner une envergure nationale à la problématique. Il s’agit donc d’en faire une question nationale qui implique tous les acteurs à tous les niveaux. Le séminaire gouvernemental devra donner des directives en la matière afin que notre pays, qui a déjà lancé officiellement ce processus en 2010, en fasse une réalité.

Lefaso.net : Quelle place sera-t-elle accordée aux énergies dans la stratégie envisagée ?

Mamadou Honadia : Le secteur de l’énergie est un domaine très capital dans la promotion du développement durable et la valorisation de l’économie verte. Les Nations Unies ont lancé en 2012 une initiative sur « l’Energie durable pour tous ». C’est une occasion qui se présente pour le Burkina Faso de mettre en exécution cette initiative afin que les communautés les plus pauvres puissent bénéficier des services énergétiques de base et améliorer leurs conditions d’existence. D’autres secteurs sont également concernés.

Lefaso.net : Au niveau institutionnel, il est envisagé la transformation du Conseil National pour l’Environnement et le Développement Durable (CONEDD) en Conseil National pour le Développement Durable (CNDD). Qu’est-ce un tel changement de dénomination pourra apporter sur les questions du développement durable dans notre pays ?

Mamadou Honadia : En réalité il s’agit beaucoup plus d’une question de conformité avec les nouveaux textes qu’un sujet de fond. Cependant, les trois piliers développement durable seront traités de manière plus équilibré. Cette exigence sera accompagnée par la disponibilité de ressources financières et humaines capables d’appréhender l’ensemble de ces problématiques.

Lefaso.net : Cela permettra-t-il aussi de respecter la périodicité de deux ans pour la tenue de conférence qui n’a pas toujours été honorée ?

Mamadou Honadia : Des dispositions conservatoires ont été d’emblée été prises par le Ministère de l’Environnement afin que la prévision budgétaire soit effective. En outre, SEM le Premier Ministre a, dans son discours d’ouverture, promis la tenue régulière des instances du CONEDD. Dorénavant, la situation reviendra à la normale.

Lefaso.net : Dites-nous Monsieur Honadja, les choses bougent-elles sur le terrain du développement durable au Burkina Faso ?

Mamadou Honadia : Les choses progressent ; mais pas au rythme qu’on aurait souhaité car un travail colossal devra se faire en amont. Après l’adoption de la Politique nationale de développement durable (PNDD) et en espérant que la loi sera votée incessamment, le SP/CONEDD et ses partenaires devront procéder à une campagne de dissémination et d’information de la PNDD. D’autres outils de mise en œuvre de la PNDD seront élaborés en plus des critères et indicateurs de développement durable déjà validés.

Lefaso.net : Concrètement, il y a eu quelles actions entre la 3e et la 4e session de la CONEDD ?

Mamadou Honadia : Le contenu de notre rapport d’activités a fait état des livrables produits. Ainsi, on peut enregistrer, l’adoption du document de Politique Nationale de Développement Durable par le Gouvernement en octobre 2013 et le processus engagé de vote du projet de Loi d’orientation sur le développement durable, la mise en place et le fonctionnement des trois Commissions spécialisées, l’adoption du PNIEDD et du REEB III, la tenue du 2ème Symposium sur l’implication du secteur privé à la gestion durable de l’environnement, l’exercice avec succès et félicitations de la présidence du groupe Afrique de négociations de la Convention Internationale de lutte contre la désertification, l’acquisition d’une station de réception d’informations satellitaires AMESD.

Lefaso.net : Toutes les recommandations de la 3e conférence ont-elles été mise en œuvre ?

Mamadou Honadia : Toutes les recommandations de la 3e conférence du CONEDD n’ont pas été mises en œuvre, celles qui l’ont été, présentent un niveau de réalisation de passable à bien. Plusieurs raisons ont été évoquées pour justifier certains manquements. Des instructions ont néanmoins été données afin que les structures qui n’ont pas donné suite le fassent et que les mêmes recommandations soient reconduites en raison de leur pertinence.

Lefaso.net : Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ?

Mamadou Honadia : Les difficultés rencontrées sont d’ordre financier (le budget alloué au SP/CONEDD reste dérisoire au regard des résultats enregistrés. On notera que les appuis institutionnels des projets rattachés à la structure ont été décisifs), et technique car certaines qualifications manquent toujours au SP/CONEDD. Un soutien politique, stratégique et financier du département devrait permettre au SP/CONEDD d’atteindre plus de résultats.

Lefaso.net : Avec les résolutions de la 4e conférence, pensez-vous que les différents obstacles seront levés ?

Mamadou Honadia : Les recommandations seules ne suffisent pas. Une volonté réelle s’avère nécessaire de faire du SP/CONEDD un véritable instrument de développement.

Lefaso.net : C’est vous qui avez conduit la délégation burkinabè à la récente conférence de Varsovie sur le climat. Quel bilan faites-vous de la participation ou des contributions des représentants à ce rendez-vous mondial du développement durable ?

Mamadou Honadia : J’ai conduit la délégation des experts ; mais le Secrétaire Général du Ministère en charge de l’Environnement était le chef de délégation officielle. La participation du Burkina Faso demeure toujours bonne quand bien même des améliorations restent à faire et des réglages à faire. En effet nous avons participé activement aux travaux de la 19ème conférence des Parties à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques en défendant les positions convenues du groupe des pays les moins avancés ainsi que celles du groupe Afrique. En outre, j’ai personnellement entamé mon mandat de Président du Conseil d’Administration du Fonds d’Adaptation par la présentation devant la conférence du rapport de notre conseil et l’animation de plusieurs évènements dont la table ronde des sponsors du fonds d’adaptation.

Lefaso.net : Globalement, que retenez-vous de ces négociations sur le climat qui n’ont pas permis d’aboutir à un accord contraignant pour les parties ?

Mamadou Honadia : En réalité la conférence de Varsovie était une étape intermédiaire vers 2015, année prévue pour l’adoption d’un accord juridiquement contraignant pour tous. Je note néanmoins un manque d’engagements suffisants par les pays développés, tant au niveau des contributions financières que de leur volonté de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre à un niveau suffisant pour rester en dessous d’une élévation des températures de 2°C. L’Afrique devra, de mon point de vue, s’organiser pour développer des programmes régionaux et prendre en charge son destin car la coopération internationale en matière de changements climatiques semble avoir changé d’objectifs et ne plus respecté des obligations historiques et actuelles.

Lefaso.net : Comment avez-vous apprécié l’attitude des pays émergents, notamment la Chine et l’Inde qui ont refusé d’être soumis aux mêmes engagements que les pays développés ?

Mamadou Honadia : En sus des deux pays cités, ajoutons le Brésil, l’Afrique du Sud. Ces pays émergents réclamant des compensations de la part des pays développés pour limiter les conséquences économiques néfastes des ajustements à opérer, demeurent insatisfaits devant le mutisme des partenaires du nord qui, eux aussi, maintiennent une position de l’inclusion de tous. En somme, ces pays émergents auront certainement raison de maintenir une position de conditionnalité avant de prendre des engagements volontaires.

Lefaso.net : Vous l’avez dit, Varsovie n’était qu’une étape avant la conférence de Paris en 2015 qui est censée permettre la conclusion d’un accord en bonne et due forme devant conduire véritablement à un processus de réduction des gaz à effet de serre. Pensez-vous que d’ici à 2015 les pays émergents vont évoluer sur leur position et favoriser la conclusion de cet accord qui devrait être contraignant pour tous les pays signataires, contrairement à Kyoto ?

Mamadou Honadia : Nous sommes dans un processus où les sentiments n’ont pas de place. Les pays émergents ne réagiront que si les pays développés jouent leur partition en termes d’appuis techniques et financiers leur permettant de maintenir un certain niveau de développement. La menace est planétaire ; mais les pays en développement, incluant les quatre pays émergents, ne devraient pas les premiers à soumettre des propositions de taux de réduction ou de programmes d’amélioration de leurs systèmes de production. Leurs contributions devraient arrivées après celles des pays développés. Donc, en 2015, le risque d’obtenir un accord moyennement contraignant et répondant au goût des pays développés est fort problable.

Lefaso.net : Avant 2015, il est demandé aux Etats de faire parvenir leurs contributions. Comment entendez-vous vous y prendre au niveau national pour assurer une meilleure participation du pays à ce rendez-vous tant attendu de Paris ?

Mamadou Honadia : Les pays Parties aux deux traités (la convention-cadre et son protocole additionnel) ont été invités à soumettre des propositions de programmes d’atténuation nationalement appropriés indiquant leurs contributions aux efforts internationaux. Notre pays avait déjà soumis une première mouture d’actions nationales qu’il efforcera de réaliser avec la participation d’acteurs au développement. Cependant, notre situation de pays pauvre, offre une exemption et des sursis quant aux obligations formelles de réaliser des programmes de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le SP/CONEDD, veille déjà à préparer une contribution acceptable de notre pays.

Entretien réalisé par Grégoire B. BAZIE

Lefaso.net

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Changement climatique : La planète envoie des signaux