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Défection des rangs du CDP de Rock, Simon et Salif Diallo : Analyse statistique des réactions des internautes

Publié le jeudi 23 janvier 2014 à 23h39min

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Défection des rangs du CDP de Rock, Simon et Salif Diallo : Analyse statistique des réactions des internautes

Le dimanche 5 janvier 2014, le site d’informations leFaso.net (http://www.lefaso.net/spip.php?article57333) a publié un article intitulé : « Défection des rangs du CDP : Rock, Simon, Salif Diallo et bien d’autres claquent la porte ». Comme d’habitude, les réactions des internautes ne se sont pas fait attendre. Certains lecteurs de ce site, estimés à plus de 400, n’ont pas manqué de donner leurs lectures sur ce « tsunami » burkinabè. De mémoire de lecteur de ce site, jamais un article n’a aussi intéressé ses lecteurs, prouvant ainsi que les questions nationales, et surtout politiques, sont suivies. Toute chose qui montre, au cas échéant, l’intéressement aux questions politiques au Burkina Faso.

Dans cet écrit, nous avons essayé de dégager les principaux centres d’intérêts dans les différentes réactions. L’objectif recherché à travers cet exercice est de construire un baromètre d’opinions. C’est ainsi que nous avons identifié cinq (5) dimensions à savoir : Confiance, Applaudissement, Paix, Surprise de la démission, Soutien au CDP ou au président Blaise COMPAORE.

Mais avant d’aller plus loin, une précision s’impose : les résultats qui suivent ne peuvent en aucun moment être considérés comme étant le point de vue de l’ensemble des internautes encore moins se généraliser à l’ensemble des citoyens burkinabè. Ils doivent être placés dans leurs propres contextes et considérés à leurs justes valeurs. Toutefois, nous utilisons les expressions « les burkinabè », « les citoyens » ou « les internautes » pour traduire « les internautes ayant commentés l’article ». Cela dit que peut-on retenir ?

Il se dégage du dépouillement des différentes réactions que la dimension « Confiance » est celle qui se dégage majoritairement suivi dans l’ordre décroissant de la dimension « Applaudissement », de la dimension « Soutien au CDP ou au président COMPAORE », de la dimension « Surpris de la démission », et de la dimension « Paix ».

De manière spécifique, que dire de chacune des dimensions ?

Dimension « Confiance »

Il y a eu 198 réactions parmi lesquelles on note 84,34% de réactions négatives (pas de confiance) contre 15,66% de réactions positives (confiance) à l’égard des démissionnaires. Ces résultats viennent corroborer ce déficit de confiance entre citoyens et politiciens. Déjà en octobre 2008, l’enquête Afrobaromètre (http://www.afrobarometr.org/) avait montré que 33,1% des répondants avaient tout au plus « juste un peu confiance » aux partis de la mouvance présidentielle ; 40,1% des répondants avaient tout au plus « juste un peu confiance » aux partis politiques de l’opposition.

Or depuis cette date, beaucoup d’eau a coulé sous le pont notamment les scandales économiques, les présomptions de corruption, lesquelles entament sans doute la confiance que les citoyens ont de leurs institutions et partant des acteurs qui les animent. En effet, les recherches sur les déterminants de la confiance aux institutions à travers le monde indiquent que la corruption est la principale variable qui a un impact négatif sur la confiance. Plus le citoyen a le sentiment que la corruption est grande, moins il a confiance aux institutions.

Les internautes qui expriment leurs méfiances ou appellent à un devoir de réserve à l’égard des démissionnaires se justifient en général par le fait qu’ils ne peuvent pas comprendre que ceux qui ont bâti le parti et profité de ses dividendes (honneur, pouvoir financier, etc.) et ce, contre le peuple, tournent dos à leurs anciens compagnons d’hier. Pour certains, derrière cette démission se cache la main invisible du président COMPOARE, une énième manœuvre du locataire de Kossyam. Pour d’autres, cette histoire ressemble à un loup qui se déguise en agneau, et il serait trop facile à les en croire que le bourreau d’hier se présente en victime d’aujourd’hui.

Somme toute, que ce soit du côté des démissionnaires ou de l’ensemble des autres acteurs politiques, l’image qu’ils présentent, les actes qu’ils posent sont cardinaux pour les citoyens car gage de confiance.

Dimension « Applaudissement »

Il a été dénombré 164 réactions, soit 90,85% qui s’en réjouissent contre 9,15% qui s’en moquent. Il se dégage que l’acte posé par les démissionnaires est une bouffée d’oxygène dans la mesure où celui-ci permettra d’une part l’affaiblissement du parti majoritaire, et d’autre part, le rehaussement du niveau de la compétition politique.

De ces applaudissements, il ressort que certains internautes ont gros sur le cœur par rapport aux « manœuvres » du régime de la quatrième république. Peu importe le niveau de sincérité des démissionnaires, ce qui compte pour eux, c’est l’alternance.

Dimension « Soutien au CDP ou au président COMPAORE »

Il a été dénombré 27 réactions allant dans le sens soit de soutenir le CDP ou le président COMPAORE, soit de ne pas soutenir le CDP et le président COMPAORE. Parmi ces réactions, on note 70,37% de soutien ouvert au CDP ou au président. Tout semble indiquer que les partisans du CDP ou du président sont absents sur le forum ou du moins ils ont préféré le silence. Ils ont manqué une occasion de réaffirmer la suprématie du parti sur ses challengers. En revanche, les fortes réactions d’oppositions (applaudissement de la démission, non soutien du CDP et du parti) prouveraient que les sites web et les réseaux sociaux sont des canaux d’expression privilégiés par les opposants au régime. Du reste, ces canaux sont devenus les lieux par excellence des débats d’idées au point que l’espace public s’est déporté sur la toile.

Dimension « Surpris de la démission »

Il a été dénombré 20 réactions, parmi lesquelles 80% qui ne s’étonnent nullement de cette défection contre seulement 20% d’internautes surpris de la démission des anciens caciques du CDP. C’est donc dire que la crise qui couvait au sein du parti majoritaire n’était pas seulement une vue de l’esprit, un vœu, une malédiction mais une réalité attendue par les internautes. Toute chose qui illustre que les actes des acteurs politiques sont observés, analysés à la loupe par certains observateurs de la scène politique nationale. Ceci est à l’honneur de notre démocratie en construction.

Dimension « Paix »

Il n’y a eu que 16 réactions allant dans le sens de clamer la paix. Ce qui laisse croire que pendant que certaines personnes se délectent de la démission, d’autres en voient une menace à la « quiétude légendaire » du pays des hommes intègres. Est-ce à dire que le bienfait de la paix, la vraie, préoccupe moins les burkinabè au point de donner raison à nos frères ivoiriens qui, nous rappellent, que le vrai bonheur on ne l’apprécie que lorsque l’on l’a perdu ? Ou à contrario, c’est le sentiment qu’on ne peut pas faire des omelettes sans casser les œufs qui expliquent le « désintérêt » à la paix sociale par les burkinabè ? Le discours de la paix tant clamé par le pouvoir en place et ses partisans semblent tomber dans des oreilles de sourds. Dans tous les cas, la marche du 18 janvier 2014 illustre le fait que malgré les discordes profondes, les uns et les autres savent raison garder pour ne pas tomber dans la violence tant redoutée.

Au terme de cette analyse, nous retenons essentiellement que la confiance est l’élément fondamental de l’expression du jeu partisan. Elle ne se mérite que par les actes quotidiens que l’on pose. Comme quoi le passé rattrape toujours. Les démissionnaires en souffrent déjà ! L’autre élément qui pointe en filigrane dans le manque de confiance aux acteurs politiques, c’est le manque de courage politique. Les « burkinabè » attendent ainsi des hommes et femmes politiques valeureux qui peuvent s’affranchir véritablement de leurs maîtres. Il faut également noter le désir d’affaiblissement de l’hégémonie du CDP et partant, le désir de changement à la tête du pouvoir et ce, coûte que coûte. Et la marche historique du 18 janvier dernier a annoncé les prémices.

BEMAHOUN Honko Roger Judicaël
Statisticien-Economiste
Institut de recherche et de sondage Apidon (IRSOA)
jeunehonko@yahoo.fr

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