Contribution du système d’information géographique à la cartographie de l’accès à l’eau à l’échelle d’un bassin versant
Le Sahel burkinabè est une région exposée à la rigueur des conditions naturelles surtout climatiques avec des variations irrégulières des pluies aussi bien dans le temps que dans l’espace. L’eau dans ces conditions est une denrée si précieuse du fait de sa rareté. L’accès à l’eau est pour ce faire une corvée pour de nombreuses populations surtout féminines en milieu rural. Depuis des décennies, des initiatives sont développées pour sa mobilisation, sa conservation et surtout sa gestion (Dipama, 2005) par les populations locales ou les structures de développement.
A l’échelle du bassin versant, des ouvrages et infrastructures hydrauliques sont parfois réalisés pour permettre aux populations (humaine et animale) de s’en procurer dans des conditions acceptables. Le présent article est un guide méthodologique qui permet de déterminer des zones de niveaux d’accès à l’eau dans un bassin versant à partir du système d’information géographique (SIG). L’application (qui n’est qu’un exemple), s’est réalisée dans le bassin versant du barrage de Yakouta, un village localisé à l’ouest, à 12 km de Dori, dans le Sahel du Burkina. Il couvre une superficie estimée à 1800 km2 et comporte des infrastructures hydrauliques comme les puits, les forages, les barrages et les mares naturelles etc.
1. Outils nécessaires
L’essentiel du travail est fait à partir de matériel de système d’information géographique. Il faut pour ce faire disposer d’un ordinateur et d’un logiciel appropriés open source (GRASS et QGis pour notre cas ou autres). Il est à noter que les logiciels propriétaires (Idrisi, Arc Gis etc.) peuvent aussi servir car ils disposent des outils pour cette fin. Un GPS muni de fonctions essentielles de positionnement (localisation ponctuelle et surfacique) est nécessaire au cas où des données sont à collecter ou à actualiser sur le terrain.
2. Méthode de cartographie
L’approche procède par la cartographie numérique des ouvrages hydrauliques, des enquêtes au près de populations et l’analyse cartographique pour la mise à disposition aux décideurs de résultats sous forme de cartes de niveau d’accès à l’eau. Les étapes suivantes sont nécessaires et indispensables :
l’inventaire et le géoréférencement de tous les ouvrages de gestion de l’eau du bassin versant ;
la création d’une couche cartographique vectorielle pour chacun des ouvrages ;
la rastérisation (transformation des vecteurs en raster ou image) de toutes les couches d’information car, comme l’ont démontré Chakhar, S. et Mousseau V. (2006), c’est chaque pixel qui représente une action potentielle qu’il faut prendre en compte ;
le calcul des surfaces de coût avec la fonction r.cost de GRASS, pour chaque infrastructure hydraulique ;
l’affectation de poids à chacune des couches en fonction de l’importance qui leur est accordée. Cette pondération peut se faire à partir des appréciations faites par les bénéficiaires ou ceux qui sont concernés par l’étude à réaliser ;
la superposition par combinaison des couches géographiques à l’aide de la fonction r.mapcalc qui pour Ouédraogo L. et al (2012), est un calculateur de cartes permettant l’intégration et l’analyse de plusieurs couches d’informations géographiques (ou de bases de données spatiales). L’analyse contribue ainsi de dégager les zones à différents niveaux de gestion potentielle de l’eau (bonne, assez bonne et mauvaise). La formule de calcul est comme suit :
Le résultat peut comporter le plus souvent des valeurs attributaires dispersées qu’il faut recadrer en faisant une recodification sur une étendue convenable. Cette recodification peut s’étendre de 0 à 1, ou de 0 à 100 ou encore de 0 à 255 etc. en fonction de la convenance de l’opérateur.
3. État de l’inventaire des ouvrages hydrauliques dans le bassin versant de Yakouta
Dans le bassin versant de Yakouta, les ouvrages hydrauliques disponibles sont constitués de forages, de puits, de bouli, de puisards, de rivières, d’impluviums, de barrages et de mares naturelles. Le tableau 1 fait ressortir la couverture des infrastructures (le nombre à l’échelle du bassin versant) et les villages concernés.
4. Répartition cartographique des ouvrages et infrastructures du bassin versant
Les ouvrages identifiés sont ensuite cartographiés à l’aide d’images haute résolution ou à partir d’un géoréférencement sur le terrain avec un GPS. La figure 1 est le résultat des couches cartographiques qui en sont issues.
Figure 1 : carte de répartition des infrastructures hydrauliques du bassin versant
5. Appréciations faites des populations sur les ouvrages
Les appréciations des populations dans le cas présent étaient indispensables car elles en sont les premiers utilisateurs des ouvrages. Ces appréciations ont été collectées lors des séances d’entretien avec des groupes cibles. Il s’est agit de consigner les avis dans un tableau synthèse à double entrée et d’appliquer une classification préférentielle des infrastructures en considérant le nombre lié à la fréquence de réponses de chacune d’elle. Le résultat est une matrice dont les valeurs, ramenées en proportion relative (sur 100) vont servir à leur pondération par des notes qui leurs sont affectées. Dans le bassin versant de Yakouta, la fiche qui a servi de guide pour la collecte des avis des populations a donné le résultat présenté au tableau 2.
Tableau 2 - Matrice de la classification préférentielle des ouvrages d’eau par les populations
Source : Ouédraogo L et al 2013, adapté
Le nombre de réponse par ouvrage est : 6 pour b (barrage) ; 6 pour p (puits) ; 6 pour f (forage) ; 3 pour pui (puisards) ; 3 pour m (mare) ; 2 pour bou (bouli) ; 2 pour r (rivière) et 1 pour im (impluvium).
Le nombre de choix des ouvrages par les populations compté et ramené en pourcentage par rapport au total des ouvrages donne :
21,5% respectivement pour les barrages, les puits et les forages, 11% pour les puisards ; 7% respectivement pour les mares, les bouli et les rivières ; et 3,5% pour les impluviums.
6. Zones d’accès à l’eau
En faisant référence à la formule ci-dessus, on a besoin de facteurs et de contraintes pour faire fonctionner l’analyse ; mais toutes les composantes peuvent ne pas être toujours nécessaires en même temps. Dans le cas de Yakouta, il n’y a pas eu de contraintes car toutes les infrastructures cartographiées à savoir les barrages, les bouli, les mares, etc. ont été considérées comme des facteurs. Elles concourent toutes en effet à apporter une contribution positive ou quelque chose de plus pour un accès plus facile à l’eau. L’analyse ainsi faite à partir de ces facteurs (chacun en fonction de son importance) a tenu compte de la norme nationale pour l’accès à l’eau qui est une distance maximale de 300 mètres à parcourir pour atteindre un point d’eau.
Les résultats se présentent sous forme de carte thématique qui identifie des zones à plusieurs niveaux d’accès aux différents points d’eau (figure 2). Ces zones sont regroupées en trois (03) niveaux essentiels : les zones faciles d’accès (coloration foncée), assez faciles d’accès (coloration peu foncée) et difficiles d’accès (couleur plus claire). Chaque village est situé dans une de ces zones ainsi représentées et lui confère un de ces statuts (facile, assez facile ou difficile d’accès). Sur un total de 35 localités, les zones d’accès facile concernent sept (07) villages dont Yakouta, Dani, Katchari et Djigo, à l’est, Bombofa et Nobiol, au centre, et Bouniougui, à l’ouest. Ils couvrent 2368 ménages sur un total de 10675 soit 22,20 % (ou environ 1/5). Ceux qui sont assez facilement à difficilement accessible se partagent les vingt huit (28) autres localités qui représentent 78,8% de la population.
Figure 2 : Carte des niveaux d’accès à l’eau dans le bassin versant
Le SIG comme outil d’aide à la décision a permis de déterminer les différents niveaux d’accès à l’eau dans le bassin versant de Yakouta, à partir de la connaissance de l’emplacement des infrastructures et des localités. Mais il est important de noter que la fiabilité des résultats obtenus est étroitement liée à la qualité des données d’entrée qui ont alimenté la base de données pour le traitement et l’analyse. Par conséquent, il est nécessaire d’avoir de la précision dans la collecte des données pour tout thème à étudier. Toutes les informations (facteurs et contraintes) influençant le processus sont à prendre en compte autant que possible. Elles doivent avoir toutes les mêmes références géographiques. Dans le cas d’une recherche participative où les avis des populations sont pris en compte, des coefficients sont affectés à chaque facteur en fonction de la considération qui lui est accordée. Mais il est à noter que la somme de ces coefficients doit impérativement être égale à la plus grande valeur de la tranche considérée à savoir 1 pour 0 à 1, 10 pour 0 à 10, etc.
Lucien OUÉDRAOGO,
Attaché de Recherche, INERA /CNRST, BP 476 Ouagadougou,
E-mail : lucienouedraogo@yahoo.fr
Pour en savoir plus
CHAKHAR Salem. (2006) Cartographie décisionnelle multicritère : formalisation et implémentation informatique. Thèse pour l’obtention du titre de Docteur en informatique. Université Dauphine D.F.R. Sciences des organisations. 265 p. + annexes
DIPAMA Jean-Marie (2005). Contribution à la connaissance du phénomène de comblement des retenues d’eau au Burkina Faso, in Espace scientifique, revue de vulgarisation de l’Institut des Sciences des Sociétés (INSS), pp 7-12
OUÉDRAOGO Lucien, OUÉDRAOGO Blaise, KABORÉ Oumar, YANOGO P. Isidore, - ZOUNGRANA Tanga Pierre et BOUZOU MOUSSA Ibrahim. (2013) - Localisation des zones d’accès à l’eau en saison sèche par une analyse multicritère dans le bassin versant du Goudébo, Physio-Géo - Géographie Physique et Environnement, 2013, volume VII, pp 49-66
OUÉDRAOGO Lucien, KABORÉ Oumar, YANOGO P. Isidore, OUÉDRAOGO Blaise, ZOUNGRANA Tanga Pierre et BOUZOU MOUSSA Ibrahim (2012). Changement climatique et modèle spatial de gestion de l’eau pluviale dans le bassin versant de Yakouta, Burkina Faso, in Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou (RGO) n° 01 - décembre 2012, pp 1-20
PARTENARIAT OUEST AFRICAIN DE L’EAU (GWP/AO) 2009). Evaluation de la gouvernance de l’eau au Burkina Faso : analyse de la situation actuelle, identification et analyse des actions prioritaires. Ouagadougou, Burkina Faso, 62p. ISBN 978-2-9533002-7-7
Vos commentaires
1. Le 8 janvier 2014 à 23:17, par SIG et Statistique Spatiale En réponse à : Contribution du système d’information géographique à la cartographie de l’accès à l’eau à l’échelle d’un bassin versant
Excellent travail ! Mais juste 3 petites questions qui pourraient engendrer d’autres.
1. Comment definissez-vous l’accessilite en eau ?
2. Quels sont les facteurs consideres pour lors du calcul des surfaces de cout ? Si le volume d’eau disponible y figure, alors la je retire la 3eme question.
3. Selon votre discussion et resultats (que je suppose n’est qu’un resume ici presente), ce travail donne une idee d’acces a l’eau : ma principale preoccupation est la suivante :
a. Si le bassin versant presente une autocorrelation et herogeneite spatiales des conditions pedologiques et climatiques, alors je crois que le VOLUME D’EAU disponible dans chaque ouvrage devrait etre un facteur additionnel dans la modelisation. Car la disponiblite de l’eau dans les ouvrages a ciel ouvert (barrage, puits, riviere, etc) est egalement dependente de la permeabilite du sol (i.e. facteur de retention), de l’humidite du milieu, et des conditions d’evaporation du sol, parmi tant dautres. Autrement, s’il ces conditions sont homogenes sur toute l’etendue du bassin versant, alors elles peuvent etre negligees.
b. En definitive, je dirais donc que ce travail de qualite, en ne tenant pas compte du Volume d’eau de chaque ouvrage si cela devrait etre un facteur important, devrait plutot aboutir a un model du niveau d’access preferentiel des ouvrages hydrauliques.
2. Le 9 janvier 2014 à 06:15 En réponse à : Contribution du système d’information géographique à la cartographie de l’accès à l’eau à l’échelle d’un bassin versant
Sorry pour vos donnees ! Toujours les meta donnees pour creer la plus part de ces cartes viennent des images satelitaire fournis par l’occident ! Quoi qu’en dit de large gap d’error existent.
3. Le 9 janvier 2014 à 11:29, par Hack22-Recherche Operationnel En réponse à : Contribution du système d’information géographique à la cartographie de l’accès à l’eau à l’échelle d’un bassin versant
Good job, j’ai une question concernant la méthode d’analyse , Si je ne me trompe c’est bien un problème NP-Difficile, et qu’ une méthode heuristique à été mise en place (affectation de poids p). Je pense qu’une bonne idée aussi aurait été de faire une ACP (Analyse des Correspondance Principale ) pour éliminer les facteurs qui sont négligeables non ?
4. Le 9 janvier 2014 à 11:32, par Hack22-Recherche Operationnel En réponse à : Contribution du système d’information géographique à la cartographie de l’accès à l’eau à l’échelle d’un bassin versant
Good job, j’ai une question concernant la méthode d’analyse , Si je ne me trompe c’est bien un problème NP-Difficile, et qu’ une méthode heuristique à été mise en place (affectation de poids p). Je pense qu’une bonne idée aussi aurait été de faire une ACP (Analyse des Correspondance Principale ) pour éliminer les facteurs qui sont négligeables non ?
5. Le 9 janvier 2014 à 11:42, par Hack22-Recherche Operationnel En réponse à : Contribution du système d’information géographique à la cartographie de l’accès à l’eau à l’échelle d’un bassin versant
Good job, j’ai une question concernant la méthode d’analyse , Si je ne me trompe c’est bien un problème NP-Difficile, et qu’ une méthode heuristique à été mise en place (affectation de poids p). Je pense qu’une bonne idée aussi aurait été de faire une ACP (Analyse des Correspondance Principale ) pour éliminer les facteurs qui sont négligeables non ?
6. Le 7 février 2014 à 14:33, par TAPSOBA LUDOVIC En réponse à : Contribution du système d’information géographique à la cartographie de l’accès à l’eau à l’échelle d’un bassin versant
Bon travail !!
et la pluviométrie du bassin versant ?? les apports ???