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Adam Régis Zougmoré, Commissaire à la CENI : « Si l’on doit dire qu’il faut seulement la carte consulaire biométrique, il faudra retarder l’échéance » de 2015

Publié le jeudi 2 janvier 2014 à 00h47min

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Adam Régis Zougmoré, Commissaire à la CENI : « Si l’on doit dire qu’il faut seulement la carte consulaire biométrique, il faudra retarder l’échéance » de 2015

C’est maintenant un secret de polichinelle, les années 2014 et 2015 connaîtront le déroulement d’opérations de vote dans notre pays. En effet, deux types de scrutin - municipales partielles en 2014 et présidentielle en 2015 - sont annoncés, avec la possibilité qu’il y ait une autre consultation populaire relativement à la modification de l’article 37 de la Constitution. L’organisation de toutes ces opérations est l’affaire de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Pour savoir comment cette « institution- arbitre » s’y prend, nous avons réalisé une interview avec Adam Régis Zougmoré, Commissaire et Rapporteur du bureau permanent de la CENI. Il en dit long. Lisez plutôt !

Lefaso.net : Comment se porte la CENI dans un contexte d’entre élections, couplées de 2012 et présidentielle de 2015 ?

Adam Régis Zougmoré (ARZ) : Après les élections de 2012, nous avons travaillé à finaliser notre rapport. Nous l’avons finalisé, et l’avons remis à Son Excellence M. le président du Faso.

Après cette remise, la CENI s’est attelée à voir comment réunir toutes les conditions pour préparer l’élection présidentielle de 2015 qui va connaître cette fois-ci une particularité avec le vote des burkinabè de l’étranger. Depuis la remise du rapport au président du Faso, la CENI a mis en place un programme qui comporte à son axe 1, une série de sorties d’étude. Des missions ont été envoyées au Cap-Vert, au Brésil, au Sénégal, pour nous enquérir de l’expérience de ces pays dans le vote de leurs compatriotes vivant à l’étranger. Et sur la base des rapports de ces sorties, nous avons fait une synthèse et l’avons adaptée pour élaborer ce qu’on appelle un avant-projet de mode opératoire. Dans le cadre de l’axe 2, c’est que quand nous avons élaboré l’avant-projet de mode opératoire, nous l’avons remis à toutes les composantes – partis politiques et société civile - pour avoir leur avis, pour recueillir leurs contributions, afin que ce soit un mode opératoire qui soit le reflet de toutes les positions. Cette démarche s’inscrit en droite ligne de notre stratégie de communication. En effet, depuis que nous avons pris service, nous avons privilégié la concertation avec l’ensemble de nos mandants.

Ensuite, nous sommes rentrés dans l’axe 2, à savoir les rencontres. D’abord sectorielles, par composante. Nous avons bouclé ces rencontres par l’élaboration d’un projet de mode opératoire.

Et il y a l’axe 3 qui se rapporte à l’élaboration d’un mode opératoire final, sur la base de l’avant-projet de mode opératoire élaboré par la CENI plus les avis recueillis auprès des partis politiques de l’opposition, de la majorité, de la société civile. Et le document final, du moins la synthèse des propositions de nos mandants doit être présentée le 30 décembre prochain. Il nous reste donc à finaliser un mode opératoire définitif.

C’est dire que dans l’entre deux élections, la CENI est vraiment sur le chemin de réflexion pour vraiment réussir les élections de 2015. Elle se porte bien ; l’ensemble des commissaires font preuve de parfaite disponibilité, et nous avons pris l’échéance 2015 comme un autre défi à relever.

L’élection présidentielle de 2015, est-ce le seul dossier à l’ordre du jour à la CENI ?

ARZ : Ce n’est pas le seul dossier. Rappelons que le 27 novembre passé, le Conseil des ministres a procédé à la dissolution de six conseils municipaux. Il y avait également une autre commune, celle de Guiaro qui n’a pas pu prendre part aux élections municipales de 2012.

Nous avons donc sept communes où nous allons faire conduire des élections municipales partielles prévues pour le 23 février 2013. Cela a nécessité la mise en place d’une petite structure pour travailler dans ce sens. Donc, tout est déjà ficelé, nous avons déjà validé les candidatures pour l’ensemble des sept communes, et des commissaires sont pied d’œuvre dans chaque commune.

Nous avons conscience que ce ne sera pas un climat facile, et nous travaillons à ce que ces partielles se passent dans un climat paisible. Nous souhaitons qu’il y ait vraiment le respect entre les différents acteurs. Nous voulons qu’au sein des états-majors des partis, il y ait un fair-play, pour permettre à ce qu’il y ait un autre départ pour ces communes.

Nous allons, à partir du mois de janvier, former les membres des démembrements de la CENI et les membres des bureaux de vote.

Nous aurons également à dérouler une campagne de sensibilisation qui va permettre, que tout se passe dans un cadre de non-violence.

La campagne va s’ouvrir du 7 au 21 février 2013. Nous allons impliquer suffisamment les responsables locaux. Pour ces sept communes, la machine est lancée et la CENI est vraiment prête.

Et pendant que nous préparons ces partielles, nous allons déclencher le processus d’organisation de l’élection présidentielle. Le mode opératoire élaboré sera présenté à la rencontre du 30 décembre 2013. Ce mode opératoire comporte deux dimensions. Une dimension relative à la révision en interne des listes électorales pour renforcer le fichier électoral, et une deuxième dimension qui va certainement intervenir au deuxième semestre de l’année 2014 où nous auront à faire le recensement de nos compatriotes à l’étranger.

Comme vous l’avez dit tantôt, la CENI a rencontré les partis politiques et la société civile pour échanger autour de l’avant-projet de mode opératoire. Y-a-t-il eu des points d’achoppements comme c’est le cas très souvent à de telles rencontres ?

ARZ : Vous savez, chaque fois qu’on a affaire à une nouvelle expérience, les gens ont la peur au ventre. Mais comme nous avons décidé de communiquer suffisamment. Et c’est dans ce sens que nous avons eu des rencontres autour de l’avant-projet de mode opératoire. Dans le cadre de ces rencontres, nous avons eu deux rounds. Un premier round où en réalité, nous n’avons pas pu travailler parce que beaucoup n’avaient pas reçu le document pour apporter leurs contributions. On a donc renvoyé les échanges à un second round pour s’assurer que chaque acteur a lu le document. Cette fois, on a constaté que chacun a vraiment lu le document ; ce qui nous a permis d’enregistrer des contributions.

Du côté de l’opposition, il y a eu l’inquiétude sur le rôle que pourrait jouer l’ambassadeur dans le processus. Et nous leur avons dit que dans notre dispositif, l’ambassadeur n’a pas une mainmise sur l’ensemble du processus, étant donné qu’un démembrement de la CENI composé d’un représentant de la majorité, d’un représentant de l’opposition et d’un représentant de la société civile, sera mis en place. La seule personnalité de l’ambassade qui pourra être au sein de ces démembrements, c’est le trésorier ou le percepteur. Donc, du côté de l’opposition, c’est l’inquiétude tenant à l’influence de l’ambassadeur qui a été soulevée.

Du côté de la majorité, ce sont des questions de renforcement, des questions d’éclaircissement qui ont été posées. Elle a fait beaucoup de contributions.

Et les trois composantes (majorité, opposition et société civile) ont, de façon unanime, touché du doigt un point sensible du processus. Il s’agit des documents d’identification. La loi a prévu que quand on est à l’extérieur, la pièce qui fait foi en matière d’identification, c’est la carte consulaire. Mais, les trois composantes ont demandé d’outrepasser l’exigence de la seule carte consulaire et de façon consensuelle, ont préconisé que soit relue la loi pour prendre en compte la CNIB, le Passeport, et le Certificat de Nationalité.

Toute ces propositions sont faites, pour donner la chance au maximum de nos compatriotes vivant à l’étranger de voter en 2015. Mais je tiens à préciser que cette option est née de la volonté des acteurs du processus électoral, et non de la CENI.

Avez-vous vraiment foi en la neutralité des ambassadeurs quant à la conduite des activités des démembrements de la CENI à l’étranger ?

ARZ : Même au plan national, quand nous déclenchons le processus de mise en place des démembrements, ce sont les Hauts Commissaires qui convoquent les responsables locaux des partis politiques et de la société civile. A l’occasion, les membres de la CENI ont la possibilité d’échanger avec les différents responsables autour du guide de mise en place des démembrements.

Si à l’interne, ce sont les Hauts commissaires qui interviennent dans le processus de mise en place des démembrements, à l’extérieur, ce sont les ambassadeurs qui seront sollicités. Mais ce ne sont pas eux qui mettront en place les démembrements. Ça se passe en présence de la CENI. L’ambassadeur a un rôle de communication à l’endroit de l’ensemble de la communauté burkinabè relevant de son ressort diplomatique. Il s’attèle aussi à trouver un cadre pour les échanges francs. Ce qui permet de dérouler l’ensemble des activités en toute transparence. Par la suite, nous recevons l’ensemble des différentes composantes de la communauté vivant dans le pays concerné. Et c’est ainsi que nous allons procéder à la mise en place des commissions. Après la mise en place de ces démembrements, nous administrons une formation à leurs membres pour qu’ils sachent les liens hiérarchiques et fonctionnels entre la CENI et les démembrements.

A ce niveau, il y a une déontologie en matière électorale qui nous enseignons également, pour rappeler qu’en plus de la disponibilité, les membres ont l’obligation de neutralité, d’impartialité et d’équité.

Et après leur installation, l’ambassadeur n’interviendra qu’à une autre étape celle de la mise en place de la cartographie électorale. Il pourra aussi travailler à la facilitation auprès des pays hôtes, en ce qui concerne les questions d’emplacements et de sécurisation du processus.

Les démembrements ne sont pas placés sous l’autorité de l’ambassadeur. Ils auront une autonomie de fonctionnement, comme c’est le cas ici avec les démembrements de la CENI.

Deuxième élément, c’est la qualité des électeurs de l’étranger. La plupart des citoyens qui sont à l’extérieur sont d’un certain niveau d’éveil. Ils savent ce qu’ils sont allés chercher et sont animés d’un degré appréciable de civisme et de citoyenneté. L’extérieur compte donc beaucoup plus de gens avertis ; et qui, je ne suis pas sûr qu’on puisse les influencer dans un sens ou dans un autre. Nous, souhaitons qu’ils s’impliquent pour que cette première expérience réussisse vraiment.

Le mode opératoire sera, à vous écouter, soumis au gouvernement. Est-ce à titre d’information, ou pour appréciation ?

ARZ : Il faut savoir que nous sommes dans un système où chaque institution, à un niveau donné, a un rôle et une responsabilité à assumer. Et la soumission du mode opératoire au gouvernement répond à une double exigence.

D’abord, pour les questions budgétaires, puisque le budget est élaboré sur la base des activités découlant du mode opératoire.

Ensuite, c’est le gouvernement qui donne toutes les instructions aux différents départements ministériels pour l’opérationnalisation du processus. Donc en plus des ressources, il y’a l’environnement juridique qui appel la relecture de certaines dispositions de la loi électorale pour se conformer aux contextes nouveaux. C’est vrai, le gouvernement peut aussi faire des suggestions ; mais nous pensons que le gouvernement a aussi toujours mis au devant le consensus utile et l’intérêt supérieur de la Nation.

Si c’est un mode opératoire consensuel, je ne pense pas que le gouvernement va aller à l’encontre des différentes propositions qui ont été arrêtées. Mais je ne dis pas aussi que le gouvernement va valider sans apporter ses observations. En attendant, nous pensons que nous avons le quitus de l’ensemble de la classe politique et des principaux acteurs de la société civile.

Avez-vous des raisons de croire que le gouvernement va cautionner l’option du choix entre diverses pièces pour l’enrôlement électoral, quand on sait qu’il s’est fortement engagé dans l’établissement des cartes consulaires biométriques ?

ARZ : Il y a une réalité objective qui est là. Si l’on doit dire qu’il faut seulement la carte consulaire biométrique, il faudra retarder l’échéance. Mais si on admet d’autres documents d’identités qui montrent que vous êtes burkinabè, cela va nous permettre de faire un recensement sur l’ensemble des circonscriptions à l’extérieur et d’être dans le chronogramme élaboré.

Nous à la CENI, nous pensons que ça ne pose pas de problème. Nous ne pensons donc pas que le gouvernement va trouver que ces propositions ne sont pas cohérentes ; du reste, elles n’émanent pas de la CENI, mais de la majorité, de l’opposition et de la société civile.

Une autre question politique de l’heure à même d’intéresser la CENI, se rapporte à la possibilité, annoncée par le président du Faso, d’une consultation du peuple quant à la modification de l’article 37 de la Constitution. Comment avez-vous, au niveau de la CENI, compris ce message ?

ARZ : Nous l’avons compris comme tout autre citoyen. Mais je dois dire que pour le moment, nous n’avons pas dans notre plan opérationnel, envisagé un référendum. Nous n’avons pas encore été saisis officiellement, d’un quelconque processus ou d’une quelconque possibilité de consultation référendaire.

Dans tous les cas, je rappelle que vous nous aviez envoyé en mission, vous les hommes des media et l’ensemble du peuple burkinabè, 15 personnalités (commissaires de la CENI) qui font montre d’une grande disponibilité et qui sont prêts à tout moment à aller au charbon.

Aux termes de la loi, nous sommes une institution d’application du Code électoral. Et donc, si on nous demande de mettre en place un chronogramme pour un référendum, même pendant que nous déroulons le programme de la présidentielle, nous sommes capables de le faire. Nous travaillons de façon ordonnée, et nous avons la volonté de contribuer au renforcement de notre processus démocratique.

Avec l’expérience réussie des élections couplées de 2012, la CENI est sollicitée un peu partout, en Guinée, au Mali, en Mauritanie etc. Nous avons quand même une certaine expérience dans la planification stratégique et opérationnelle.

Voulez-vous dire que la CENI est à même d’organiser courant 2014-2015, des élections municipales partielles, un référendum et une élection présidentielle ?

ARZ : Tout à fait. Rassurez-vous d’une chose. J’ai parlé de la qualité des personnalités que vous avez envoyées en mission. Nous avons également un personnel administratif bien formé, compétent et à tout moment prêt à relever les défis.

Mais là où nous avons des difficultés, c’est toujours au niveau des questions financières.
Organiser un référendum, c’est n’est pas un exercice complexe à notre niveau. Et si référendum il y’a, nous pensons que les plus hautes autorités attendront que le fichier électoral soit consolidé, avec une liste électorale de nos compatriote de l’étranger.

Peut-on en savoir sur les priorités de la CENI en 2014 ?

ARZ : Le Président KERE est mieux placé pour décliner les priorités de l’institution pour l’année 2014. Je ne pense pas être la personne indiquée pour répondre à cette question. Néanmoins, ce que je peux dire, c’est une invite partagée pour obtenir un environnement de paix, gage de toute organisation électorale. Il faut qu’au niveau des états-majors des partis politiques, les responsables soient véritablement animés du souci de construction de la nation, d’une volonté d’acceptation des résultats des municipales partielles de février prochain. Qu’ils veuillent accompagner la CENI pour des élections parfaites. Que les conseillers qui vont être élus, soient vraiment des hommes responsables, capables de créer des conditions pour une participation citoyenne au développement.

A l’adresse des hommes de médias, je souhaite qu’ils nous accompagnent comme ils l’ont toujours fait. Je profite alors de votre micro pour présenter mes vœux du nouvel à tous nos mandants, ainsi qu’à l’ensemble des électeurs du Burkina Faso. Mes vœux vont également à l’adresse de nos compatriotes vivant à l’étranger. Que Dieu le tout puissant nous accompagne dans nos entreprises tout au long de l’année 2014.

Interview réalisée par Fulbert Paré

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