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Filières rizicoles : l’avenir de nos paysans en jeu

Publié le jeudi 27 janvier 2005 à 07h03min

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Le vrai problème de la filière riz est l’importation massive de riz à bas prix. Pourtant cette donnée essentielle est trop souvent absente des réflexions, comme si on ne pouvait pas remettre en cause la libéralisation du commerce des produits agroalimentaires.

L’avenir d’un milliard de paysans se joue dans diverses négociations à travers le monde. Les rencontres de l’Organisation Mondiale du Commerce (l’OMC), de l’Union européenne et celles des Etats-Unis avec différents pays en vue d’établir des accords de libre-échange n’intègrent pas les questions relatives aux paysans. Un compte pour un pays comme le Burkina Faso dont la population se compose à plus de 80% de paysans et d’éleveurs, or, toutes les négociations n’ont qu’un seul but, libéral vers le commerce.

La culture du riz demande beaucoup de travail. Il faut commencer par faire une pépinière. Ensuite, le riz sera repiqué, désherbé, fertilisé, traité. En fait, les producteurs ne sont plus très motivés. Ils disent que le riz se vend mal, à un prix peu rémunérateur. Hommes, femmes, adultes, enfants travaillent dans la rizière. Mais les femmes sont les plus nombreuses. Après la récolte, ce sont encore elles qui vont traiter le riz paddy (non décortiqué).
Lorsqu’on se fait un tour au marché, on y découvre des stocks de riz en provenance de Chine, Inde. 10 000 F CFA ou 11 000 F CFA le sac de 50 kg de riz, 200 F CFA le kilo ! Environ. 3 kilos de riz pour un euro !

Inutile de chercher plus loin l’origine des difficultés de la filière riz en 2003, notre pays a importé pour 20 milliards de F CFA de riz. Or, sur le marché mondial, le riz est bradé à des coûts inférieurs aux coûts de production. En Thaïlande, par exemple, l’Etat protège le marché intérieur pour offrir à ses propres producteurs un prix rémunérateur. E le riz exporté est subventionné. Comme il rentre sans taxe spécifique dans notre pays, il se retrouve moins cher sur les marchés du Burkina que sur ceux de Thaïlande ! Et les producteurs de riz Burkinabè n’arrivent plus à vendre leur riz à un prix qui couvre les coûts de production.

Les producteurs Burkinabè doublement pénalisés
Quand les riziculteurs décortiquent leur paddy et le vendent sous forme de riz blanc décortiqué, ils subissent la concurrence directe du riz blanc Thaïlandais, ou autre, importé à bas prix car il s’agit souvent de vieux stocks ou encore de brisure de riz. Quand ils essaient aussi de vendre leur paddy aux femmes pour qu’il soit et....., ce riz de qualité trouve sur son chemin le riz américain (monétisé) par une ONG américaine, qui de plus a les moyens de faire des campagnes publicitaires à la télévision nationale pour venter la qualité de son riz.

Et elle ne s’en prive pas. Il convient de souligner que la suppression du monopole de la collecte et de la transformation du paddy par la société nationale de collecte de traitement et de commercialisation de péréquation (SONACOR) financée par la caisse générale de péréquation (CGP), principale actionnaire, et la suppression du monopole dont jouissait la CGP pour l’importation et la commercialisation du riz, la privatisation de la SONACOR a entraîné d’énormes difficultés au niveau des producteurs qui, n’arrivant pas à écouter leur production de paddy, se retrouvaient ace des impayés auprès des banques et des fournisseurs d’intrants agricoles. Il a fallu la reprise récente de la SONACOR par la SOPROFA pour que ces contraintes commercent à trouver des solutions.

Malheureusement, la SOPROFA n’a pas tenu ses promesses. Elle semble pris de la faillite. Non seulement elle licencie du personnel, mais elle à des dettes auprès des paysans et notamment les producteurs de riz à travers tout le pays. Aujourd’hui, les riziculteurs n’ont aucune garantie de vendre leur production à un prix rémunérateur.

Le problème se pose avec beaucoup plus d’acuité dans les périmètres à double culture et qui font deux récoltes par an ? Dans leur cas, il faut absolument vendre les récoltes de paddy dans le mois qui suit pour la mise en œuvre de la campagne suivante, S’ils n’y arrivent pas, ils n’ont pas les moyens d’acheter les intrants pour assurer leur production rizicole. Pour ce faire, ils sont obligés de brader leur paddy aux acheteurs qui ne leur offrent actuellement que 85 F CFA pour un kilo de riz paddy. Ce qui, au Sourou, par exemple, ne couvre pas les charges actuelles de production. Fort de cette situation, les surfaces rizicoles sont soit mises en culture de façon hétérogène et progressive soit, dans le pire des cas laissés en friche.

Quelle solution pour la promotion de la filière riz
S’il a bien été dit que chaque année les commerçants burkinabè importaient 20 milliards de riz, il n’a pas été dit que ce riz était fortement subventionné par les pays exportateurs. Or, il faut savoir que ce prix du riz sur le marché mondial n’a rien à voir avec les coûts de production.

Le riz thaïlandais, par exemple, que vous trouvez abondamment dans les boutiques d’alimentations est largement subventionné. En effet, le gouvernement thaïlandais subventionne à l’exportation le riz qui est déversé sur le marché mondial, tandis qu’il soutient le prix de ce même riz sur son marché intérieur. Pour cela il effectue des achats publics et constitue ainsi des stocks régulateurs. Or ce riz entre librement dans notre pays, sans taxe douanière spécifique, écrasant ainsi le prix du riz sur le marché intérieur du pays. Dans ces conditions, les producteurs de riz Burkinabè ne peuvent pas espérer un prix rémunérateur pour leur production. Ils sont condamnés à la pauvreté et le pays à l’endettement.

Face à cette situation, posons-nous cette simple question : un pays essentiellement agricole, comme le nôtre, peut-il espérer décoller sans protéger son agriculture des agressions du marché mondial qui pratique des prix sans lien avec les coûts de production ? Car le marché, qui devrait avoir un rôle régulateur, est faussé par des subventions de toute sorte.

La réponse, sans doute possible, est non. L’exemple des pays développés est clair. Ils ont tous protégés, et protègent encore, leurs agriculteurs. Le Burkina Faso avec les autres pays de l’UEMOA est peut-être le pays au monde qui protège le moins son agriculture. Avec comme conséquence directe ses paysans sont condamnés à rester pauvres, ou à émigrer vers d’autres cieux, et le pays s’endette d’année en année. Pourtant, une solution simple existe. Celle que pratique la plupart des pays, y compris ceux qui prêchent le libéralisme, protéger l’agriculture, c’est-à-dire taxer le riz à l’importation, pour garantir aux producteurs burkinabè un prix rémunérateur.
Bien sûr, il faudra faire cela progressivement, pour que les consommateurs Burkinabè puissent s’adapter progressivement à la nouvelle situation.

Par SY Amélie
L’Opinion

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