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Crise irakienne : La "cible chinoise"

Publié le lundi 24 janvier 2005 à 07h20min

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Dans un peu moins d’une semaine (en principe) les Irakiens se rendront aux urnes pour désigner leurs dirigeants. Un scrutin qui se déroulera dans des conditions apocalyptiques, ce qui amène à s’interroger une fois de plus sur les raisons de cet "entêtement suicidaire" de George W. Bush.

Les analystes n’ont pas fini de conjecturer sur les raisons qui poussent le président américain George Bush a poursuivre son "aventure" irakienne dans des conditions de plus en plus difficiles.

Réélu triomphalement en novembre dernier, Bush-fils avait désormais la latitude de rectifier le tir par rapport à ses erreurs du passé afin de rentrer dans le panthéon des grands hommes d’Etat américains. Au rang de ces "erreurs", la crise irakienne donc, avec son cortège de morts qui amène l’Amérique à s’interroger de plus en plus sur l’intérêt de cette guerre. Ce, d’autant que les armes de destruction massive qui ont servi de prétexte au déclenchement de la guerre se sont révélées être un leurre. Quant à la guerre contre le terrorisme (Saddam Hussein avait été indexé comme un des "parrains" du terrorisme) l’argument ne résiste pas, non plus à l’analyse, le monde étant plus que jamais sous l’emprise des attentats terroristes. Le contrôle du pétrole du Moyen-Orient dans cette occurrence trouble, ne peut être qu’hypothétique, le renchérissement du cours de l’or noir venant nous rappeler chaque jour la déliquescence du secteur pétrolier irakien. L’Irak étant le deuxième producteur mondial de pétrole, on comprend que l’or noir tousse lorsque la Mésopotamie s’enrhume.
Absence de raison légitime, risques physiques et économiques, dérèglement de l’économie mondiale, déficit budgétaire américain abyssal, les raisons ne manquent vraiment pas pour mettre fin à ce cauchemar planétaire.

La guerre des civilisations

Et c’est là qu’il faut revenir aux raison idéologiques et géostratégiques de cette guerre qui sont elles, loin d’être absurdes à défaut d’être défendables. Après la chute du mur de Berlin et l’effondrement subit de l’Union soviétique, la Chine est apparue comme la menace virtuelle la plus sérieuse pour l’Oncle Sam.

Il fallait "casser" idéologiquement l’empire du milieu, afin de parachever l’uniformisation des modes de pensée et d’action.

Première entaille dans la carapace du dragon, le printemps de Tian’amen qui, au début de la décennie 90 a secoué les bases de l’Etat chinois et entraîné une perestroïka miniature avec l’éjection des modérés du comité central du parti. Mieux ou pire, grâce aux Nouvelles technologies de l’information, la Chine s’ouvrait malgré elle, à l’idéologie "impérialiste" et son modèle de société si tentant. Mais le vieux Deng Xiao Ping matera dans le sang tous ces "traîtres en puissance" à la cause du peuple. Et, pour éviter que son pays ne s’écroule comme un château de cartes à l’instar de l’URS, il expérimentera le "libéralisme dirigiste". L’économie était fortement libéralisée, mais l’Etat exerçait un contrôle strict sur tous les secteurs et continuait à définir les grandes orientations économiques.

Le parti-Etat n’existait plus mais l’Etat restait sous l’emprise du parti. Avec sa main d’œuvre abondante et bon marché, son peuple dynamique et discipliné, ses intellectuels et savants pointus, la Chine ne pouvait que s’éveiller et prendre toute la place que lui autorise une telle grandeur. La décennie 90 est illustrative de cette assertion et le début du millénaire le confirme : la Chine post-maoïste est, avec l’Inde des Ghandi l’un des futures super-grands de la planète.

L’actuel gendarme du monde ne pouvait rester indifférent face à cette menace. De Ronald Reagan à Bush-fils en passant par Bush-père et Bill Clinton, tous ont réfléchi à la stratégie idoine d’endiguement de la Chine.

Si ces prédécesseurs ont misé sur des politiques économiques de rétorsion (contingentement des produits chinois, barrières douanières...) à l’encontre de la Chine, Bush lui a décidé d’aller plus loin, animé par sa foi de chrétien évangéliste.

On sait que la Chine n’est pas elle-même productrice des matières premières nécessaires à la fortification et à l’expansion de son économie.

L’acier et le pétrole principalement lui font défaut et, en "déréglementant" ces secteurs on peut freiner son développement à défaut de l’empêcher.

Or un Irak en guerre est, comme sus-indiqué une source de nuisance pour les cours de l’or noir. Avec l’Arabie Saoudite de plus en plus impuissante devant la montée du terrorisme sur son sol, le Koweït qui a mal à sa royauté depuis la première guerre du Golfe , la Syrie et l’Iran dans le viseur de l’Oncle Sam, il y a de fortes chances que la flambée des cours de l’or noir se structuralise. Du reste, les Chinois l’ont compris et la visite du président Hu Jintao aux pays africains producteurs de pétrole (c’était l’année dernière) l’illustre.

La Chine est venue chercher au prix fort en Afrique, ce qui peut lui manquer dans un proche avenir au Moyen-Orient.

Hu Jiutao a en effet promis aide et assistance au Gabon, au Nigeria et à l’Angola, en échange de concessions pétrolières. Pour calmer les "parrains" séculaires de ces pays (dont la France et l’Angleterre) de juteux marchés notamment dans le secteur de l’aéronautique leur sont octroyés. "Le miel attire les mouches" comme on dit en Chine et devant les "gombos", les Occidentaux s’assayent sur leur bonne conscience. Dans le cas de la Chine par exemple, on ne parle plus de "violation gravé" des droits de l’Homme, mais plutôt de "manquement" (sic) à "quelques règles d’éthique".

C’est connu, "il faut faire l’âne pour avoir du son". Pour en revenir à notre sujet, disons que la Chine a compris cette "stratégie d’endiguement" et est en train de la contourner subitement. Le duel entre les deux grands se poursuit donc et toutes les armes seront bonnes pour vaincre l’autre.

Le seul problème comme disait Jimy Cliff c’est que "quand deux éléphants se battent, ce sont l’herbe et les arbres qui souffrent".
Le monde entier n’a donc pas fini de souffrir de cette guerre de civilisations, la "culture de la paix" (dixit Mahamoudou Ouédraogo) n’étant pas pour demain.

Boubakar SY
Sidwaya

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