LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Conseil présidentiel burkinabè pour l’investissement. Quand « l’homme intègre » veut qu’on l’appelle « Maurice » !

Publié le vendredi 15 novembre 2013 à 00h35min

PARTAGER :                          
Conseil présidentiel burkinabè pour l’investissement. Quand « l’homme intègre » veut qu’on l’appelle « Maurice » !

A peine 80 pages et, pourtant, je ne cesse, depuis que je l’ai découvert, de citer ce fascicule signé Alain Roger Coefe. « La Mondialisation trente ans après » (Imprimerie Agora Print, Ouagadougou, 2013), qu’il s’agisse d’intégration ou de politique d’investissement, apporte une réflexion sur toutes ces questions.

Il y a, plus encore, une actualité Coefe. Non pas tant que cet ancien ministre sankariste ait été nommé PCA d’Airtel Burkina Faso SA le 25 juillet 2013, belle évolution de carrière pour un docteur en sciences économiques (université Paris X Nanterre), spécialiste des télécommunications. C’est surtout que, récemment, les sommets UEMOA + Cédéao (cf. LDD Cédéao 011 à 013/Jeudi 24 à Lundi 28 octobre 2013) et, ces derniers jours (7-8 novembre 2013), la tenue de la 4ème session du Conseil présidentiel pour l’investissement (CPI), replacent le bouquin de Coefe au cœur du débat.

Normal, il a été un des inventeurs de ce CPI à la suite de la rencontre annuelle secteur public/secteur privé de Bobo Dioulasso en 2007. Organe consultatif créé voici six ans, le 19 novembre 2007, et présidé par le chef de l’Etat burkinabè, le CPI accueille des opérateurs économiques nationaux et étrangers, du secteur public comme du secteur privé. Il est animé par un secrétariat permanent dirigé par Djibrina Barry.

Le CPI se tient avec régularité. Cette régularité a d’ailleurs été soulignée, à l’occasion de cette 4ème session, par le représentant de la Banque mondiale à Ouagadougou, Madani Tall. Ce qui permet d’en faire une remarquable opération de promotion du « Pays des hommes intègres » auprès des opérateurs économiques étrangers. Cette année, ils étaient treize (espérons qu’ils ne sont pas superstitieux).

Que des grands patrons, des banquiers (Bank of Africa, UBA Africa), des opérateurs téléphoniques (Maroc Télécom), des conglomérats (Marubeni, CFAO), des industriels (Monsanto), des compagnies minières du secteur aurifère (Nordgold, Iamgold, Orezone), des investisseurs de renommée mondiale (Aga Khan Fund for Economic Development), des Africains (Maroc, Nigéria…), des Européens (dont Alain Viry, PDG de la CFAO, et l’incontournable financier Paul Derreumaux que l’on a beaucoup vu, ces derniers temps, au Mali), un Russe, un Turc (Omer Faruk Berksan, vice-président du patronat), un Japonais. Une seule femme parmi tous ces leaders : Natalia Voruz, General Manager West Africa de Monsanto.

Il y avait là aussi Maurice Lam, président du Board of Investment (BOI) de Maurice. Et ce n’est pas un hasard. Ce Mauricien d’origine canadienne, titulaire d’un MBA de la Graduate School of Business of Columbia (New York), a travaillé à Londres, New York, Singapour, Tokyo. Conseil auprès d’entreprises et d’institutions internationales, implanté à Paris, Singapour et Kuala Lumpur, il a la réputation d’avoir considérablement boosté les investissements étrangers directs (IED) dans l’île de l’océan Indien. Il a entrepris, via la mise en place, en 2012, de l’Africa Centre of Excellence for Business, de faire de Maurice un tremplin pour les investisseurs vers l’Afrique (le BOI entreprend actuellement de mettre en place un CPI à Brazzaville). Et c’est, bien évidemment, du côté de Maurice que l’on retrouve Coefe. Pour Coefe, Maurice est un modèle de développement, « un pays qui a transformé ses handicaps en avantages ». C’est à l’issue de cette visite à Maurice, dans le cadre d’une mission conduite par Jean-Baptiste Compaoré, ministre burkinabè de l’Economie et des Finances, que le CPI a été mis en place.

Pour Coefe, le modèle de développement de Maurice « reste celui dont nous pouvons nous inspirer sans modération […] Nous avions compris que la réforme est un processus ininterrompu qui ne connaît que des courtes pauses, qui sont autant d’étapes nécessaires à la réflexion puis à l’action ». « Le maître mot, dit-il, est la diversification de l’économie en ajoutant un pilier toutes les décennies : d’abord le sucre, ensuite le tourisme, le textile, les services financiers, le port franc, l’agro-industrie et maintenant l’industrie de la mer, le secteur immobilier, le centre du savoir, l’industrie biomédicale et l’industrie de l’énergie ».

Il ajoute : « En d’autres termes, chaque fois qu’une réforme est entreprise, un fonds est créé pour son opérationnalisation ». Il dit encore : « L’objectif final du secteur privé et du secteur public est de créer le maximum d’emplois et de distribuer des revenus conséquents aux acteurs de la vie économique. L’Etat et le secteur privé travaillent ensemble pour créer une bourgeoisie nationale qui dirige l’économie ainsi qu’une classe moyenne qui stimule la demande locale en produits de consommation courante et qui permet à l’économie de tourner à plein régime ». Ce n’est plus la « Révolution sankariste » ; c’est la redécouverte des Révolutions françaises : 1789, 1830, 1848.

« Investir » est devenu le maître-mot du Burkina Faso. Récemment (28-31 octobre 2013), à Ouagadougou, la 3ème conférence des consuls honoraires du Burkina Faso avait pour thème le « Rôle des consuls honoraires dans la promotion des investissements étrangers au Burkina Faso ». C’est désormais une constante de la diplomatie burkinabè que de privilégier le volet économique dans les relations internationales. D’où la présence, cette année, lors de la 4ème session du CPI, d’un représentant du patronat turc, la Confédération turque des hommes d’affaires et industriels, Tuskon, 40.000 membres dont 90 % de PME de moins de 50 salariés. Son vice-président, présent à Ouagadougou, Omer Faruk Berksan, est à la tête d’une entreprise familiale spécialisée dans la fabrication de tubes.

On sait que la Turquie est, depuis la visite très médiatisée du ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale (Djibrill Y. Bassolé y a été victime d’un malaise, heureusement sans conséquences ultérieures – cf. LDD Burkina Faso 0359/Vendredi 10 mai 2013), un partenaire avec lequel le Burkina Faso a resserré ses liens internationaux. Lors de la 12ème conférence des ambassadeurs et consuls généraux (20-22 février 2012), Djibrina Barry, secrétaire permanent du CPI (et par ailleurs ancien ambassadeur du Burkina Faso à Paris) avait rappelé que « la promotion et le développement de l’investissement privé sont au cœur des politiques et des stratégies de développement économique et social des gouvernements du monde entier » et qu’en la matière son pays avait enregistré des performances notables : les IED étaient passés de 1,8 million de dollars par an au cours de la période 1980-1991 à 10,2 millions pour la période 1992-2001 et 25,2 millions pour la période 2002-2006 ; au cours de la période 2009-2010, les IED avaient fait un nouveau bond en avant compte tenu des investissements réalisés par le groupe minier Iamgold pour la mise en exploitation du gisement d’or d’Essakane.

C’est dire qu’au-delà du débat qu’il organise, le CPI est une formidable opportunité pour renforcer des liens économiques et financiers avec des entreprises du monde entier. La 4ème session n’a pas dérogé à la règle ; ce qui tend à démontrer la pertinence de l’action diplomatique du Burkina Faso – qui lui donne une visibilité internationale considérable – et la crédibilité de son action politique et économique sans que jamais, pour autant, le pays renonce à sa souveraineté et à ses choix stratégiques.

« Investir facilement au Burkina Faso », « La sécurisation juridique des investissement privés », « Doter le Burkina Faso d’un cadre d’orientation de la politique d’investissement » ont été les thèmes des trois premières sessions. Il s’agissait, cette fois, de plancher sur deux thèmes : « Doter le Burkina Faso de sociétés et de fonds d’investissement privés pour le financement des PME-PMI » et « Développer des zones et des sites fonctionnels pour l’accueil des investissements industriels, agricoles et divers ». L’objectif est, on le rappelle, de faire passer le taux d’investissements privés de 11 à 25 % du PIB et les IED de 2 à 10 % du PIB. Autant dire que les « hommes intègres » ont du pain sur la planche avant qu’ils ne puissent se faire appeler « Maurice »… ! Un prénom qui appartient pourtant à leur histoire.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique