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Sanogo Bassabaty alias Bass Mandelson, artiste chanteur Burkinabé : « La musique burkinabè doit être une industrie conçue en dehors des affinités »

Publié le jeudi 14 novembre 2013 à 01h22min

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Sanogo Bassabaty alias Bass Mandelson, artiste chanteur Burkinabé : « La musique burkinabè doit être une industrie conçue en dehors des affinités »

« A démocratiser, a mandi kilèda ». Ce titre éponyme du premier album de Bassabaty Sanogo alias Bass Mandelson remonte à 1995. Depuis, c’est le silence radio. Surnommé le rasta national, l’artiste a marqué le monde musical burkinabé dans les années 90. Immigré en France à Lyon depuis 1998, l’homme de « à démocratiser » n’a aujourd’hui qu’un souhait : rentrer au pays pour s’occuper de sa carrière.

Pourquoi un tel silence depuis votre premier album sorti en 1994 ?

J’ai toujours continué dans la musique. Trois ans après le succès de mon premier album, je suis allé en France en 1998, non pas avec un contrat de musique mais pour des questions de famille. En 1999, j’ai créé un groupe dénommé « Dafaran ». Il était composé de musiciens français et martiniquais…

Nous avons évolué jusqu’en 2003, année à laquelle j’ai décidé d’arrêter pour travailler en solo. J’ai voulu le faire au pays, mais lorsque j’y suis allé, la réalité était toute autre. Je suis donc resté en France pour travailler un peu dans un « home studio », puis avec Bebey Bissongo et bien d’autres artistes, sur mon futur album. J’ai voulu réaliser ce désir au Canada en 2011 mais j’ai été trahi par mon arrangeur et mon producteur. Une trahison que j’ai eu du mal à supporter et qui s’est soldée par une dépression durant une année. J’en ai réellement souffert, car on avait déjà fait tout le programme de la tournée de l’année 2012. L’album qui comporte 12 titres est aujourd’hui en “stand-by”. Je souhaitais faire sortir un single, mais les choses ont considérablement évolué au Burkina en matière de musique. Je ne perds pas pour autant espoir. Je compte travailler avec Bebey Bissongo qui prévoit d’ailleurs installer un studio très prochainement au Burkina pour les arrangements.

C’est dire que vous êtes toujours à la recherche d’un producteur ?

Je pense que non. De nos jours, j’estime que nous avons tous, les moyens pour nous autoproduire. Il reste peut-être à trouver une bonne volonté pour le soutien financier.

Quels sont les thèmes abordés dans votre deuxième album ?

Je parle de la corruption en Afrique, du développement, de la paix, de l’amour... J’interpelle aussi les intellectuels africains pour une véritable conscientisation.

Quel est le jugement que vous pouvez faire, aujourd’hui, sur la musique burkinabè ?

Honnêtement, je trouve que la musique burkinabè a beaucoup évolué, mais un bémol demeure toujours. Personnellement, je déplore la facilité et le laxisme que l’on constate souvent dans les œuvres de certains artistes. Avec les outils de technologie tels que les logiciels, faire de la musique... de nos jours, ce n’est pas de la mer à boire. Je pense, pour ma part, qu’il est temps de faire une halte pour réfléchir sur l’internationalisation de notre musique qui n’a malheureusement jamais été une industrie au Burkina. Soit dit en passant, peu d’artistes peuvent se vanter de vivre de la vente de leurs albums, en dehors de Victor Démé et quelques autres... Je pense que la musique burkinabè doit être une industrie ; elle ne doit pas être basée sur des relations extra-professionnelles et autres affinités. La musique ne doit pas se politiser comme on le constate par moments.

Vous vivez à Lyon depuis plus de 20 ans ; comptez-vous rentrer au pays un jour ?

Je compte retourner au pays et ce sera très bientôt. Je veux vivre le restant de ma carrière au Burkina. J’aimerais conquérir le marché de la musique aussi bien au plan national qu’international. Je ne voudrais pas rester en France.

En dehors de la musique, est-ce que vous menez d’autres activités à Lyon ?

Je ne fais rien en plus de la musique. J’ai traversé des moments très difficiles à cause de problèmes de famille, de divorce, de santé.... J’ai fait plusieurs opérations chirurgicales. J’ai eu des maux de dos et un cancer au bras. Cela m’a beaucoup handicapé, car il a fallu de peu pour qu’on m’ampute du bras.

En tant que de Bobolais à l’origine et de celui d’artiste musicien, qu’est-ce que vous pensez de la situation économique et culturelle de Bobo-Dioulasso ?

Le nœud de l’activité économique et même culturelle se trouve aujourd’hui implanté à Ouagadougou. C’est une triste réalité. Les jeunes à Bobo-Dioulasso, sont victimes de préjugés. Pourtant, ils sont nombreux à Ouagadougou à faire un chemin glorieux dans bien de domaines. Moi, j’étais à Bobo, mais c’est quand je suis arrivé à Ouagadougou que j’ai été révélé au public. Je pense que c’est une question de moyens financiers et matériels. Et Bobo-Dioulasso manque cruellement de ces moyens. Il faut que nos autorités s’y penchent sérieusement, car il y a beaucoup à faire pour la jeunesse bobolaise. Bobo-Dioulasso a besoin de soutiens de toutes formes.

L’actualité au Burkina est marquée par la mise en place du Sénat dont la finalité selon certaines opinions, aboutira à la modification de l’article de 37. Quel est votre point de vue ?

Le Burkina est un pays pauvre. Il y a des priorités autres que la mise en place d’un Sénat. Les actions réalisées dans le domaine de la santé, de l’éducation...ne sont pas suffisantes. Il faut construire encore plus d’écoles et d’universités... Quant à l’article qui limite le mandat du président, je ne vois pas la nécessité de sa modification. Je suis contre sa modification, mais je déplore le fait que nous n’ayons pas de vrais opposants pour mener une vraie lutte.

Quels sont vos conseils pour vos jeunes frères et sœurs artistes ?

Nous avons beaucoup de richesses culturelles chez nous. Je pense que nous n’avons pas besoin de venir nous installer en Europe. Il est seulement bien d’y faire des tournées. Alors, pour ceux qui veulent venir y rester, je leur dis de réfléchir par deux fois. Ils ne doivent pas être fascinés par la peau blanche. L’Europe est loin d’être un eldorado car « Babylon », c’est une autre philosophie. Il ne faut compter que sur ses talents. Il faut éviter surtout de vouloir se marier avec une blanche ou un blanc dans le seul but de venir en Europe.

Est-ce à dire que vous regrettez votre passé ?

Je ne le regrette pas en tant que tel. Mais l’Europe, c’est la misère. Je trouve qu’il est difficile de ne vivre que de sa musique, parce qu’on a souvent que 200 euros par concert. C’est très insignifiant. J’ai dû souvent faire le travail « au noir » pour joindre les deux bouts. À Lyon, je ne suis connu que par certains Burkinabè qui y vivent. J’estime et reste convaincu que si j’étais au Burkina, j’aurais eu beaucoup plus de chance pour évoluer dans la musique.

Un mot pour vos fans ?

Je voudrais les assurer de ce que je n’ai pas abandonné la musique. Je continue de penser à eux et je leur dis qu’il ne faut jamais perdre espoir. Nous devons toujours croire en nous-mêmes.

Interview réalisée par
Bassératou KINDO

L’Express du Faso

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