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Mali : Le MNLA s’emmêle les pattes. A Kidal comme à Ouaga.

Publié le dimanche 10 novembre 2013 à 23h39min

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Mali : Le MNLA s’emmêle les pattes. A Kidal comme à Ouaga.

L’assassinat de Ghislaine et de Claude, les deux reporters de RFI, a éclipsé la tenue à Bamako des assises de la décentralisation. Et replacé le curseur de la « crise malo-malienne » là où il se trouve depuis deux ans : Kidal. Autrement dit le différent entre ceux des Touareg qui se veulent les représentants de l’Azawad et un gouvernement qui se veut l’émanation de la République du Mali.

« L’accord préliminaire » signé le 18 juin 2013 entre un gouvernement – qui n’était pas celui en place actuellement – et les groupes armés du Nord-Mali disait bien ce qu’il était : un « accord préliminaire à l’élection présidentielle et aux pourparlers inclusifs de paix au Mali ». La présidentielle s’est déroulée sans heurts ; mais les pourparlers se sont ensablés lors des manœuvres des uns et des autres, tout autant Bamako que Kidal, pour échapper à leurs engagements. Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a pensé « noyer le poisson » en diluant la partie dans le tout : la « question touareg » dans les Assises nationales du Nord et « l’autonomie de l’Azawad » dans les Etats généraux de la décentralisation. C’était bien pensé ; mais pas vraiment en adéquation avec les revendications exprimées par le MNLA et ses alliés : le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) et le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), signataires de « l’accord préliminaire ».

Les Azawadiens ont pris leurs quartiers à Ouaga. Ce qui les place directement dans le collimateur des médias burkinabè. Plus encore depuis l’assassinat de Ghislaine et de Claude (cf. LDD Mali 0113/Mardi 5 novembre 2013). Qu’ils se sont empressés de condamner. Tout en déplorant que le MNLA, le plus emblématique des trois groupuscules, soit stigmatisé dans cette affaire alors que l’entretien des journalistes de RFI avec un de leurs leaders devait, justement « servir à expliquer au monde entier la position aujourd’hui du MNLA et des propositions pour une sortie de crise ». Pas de quoi convaincre la presse burkinabè qui, ce matin (mercredi 6 novembre 2013) continue de marteler que le MNLA est « l’enfant gâté de la France qui l’a jusque-là traité avec une complaisance coupable » (Alain Saint-Robespierre dans L’Observateur Paalga) et qu’avec ses alliés ils portent « la responsabilité morale » de l’assassinat des journalistes français et « bénéficient de tellement de sympathies, y compris de la France, qu’il n’est pas exclu qu’ils jouent encore plus les enfants chouchoutés » (édito du quotidien Le Pays).

« L’affaire Ghislaine & Claude » a obligé les signataires de « l’accord préliminaire » à sortir du bois. Et à préciser leurs intentions. Précisions nécessaires tant ils savent lever des vents de sable pour voiler leurs intentions. Le lundi 4 novembre 2013, les voilà donc contraints de tenir un point de presse à… Ouaga. MNLA, MAA et HCUA dans le même boubou. Mossa Ag Attaher, porte-parole de ces mouvements azawadiens, a dit ce qu’il avait à dire. Pas de quoi être rassuré. D’abord, ils ont engagé « un dialogue avec la communauté internationale depuis plusieurs mois » et accepté « de surseoir à certaines de [leurs] revendications » ; autrement dit : « dépasser la revendication de 2012, c’est-à-dire l’indépendance de l’Azawad ». Ensuite, ils ont « adapté [leurs] revendications à la vision générale de la communauté internationale sur cette question ». Première étape dont l’Etat malien est absent. Tandis que le MNLA oublie s’être fait mettre une branlée par les « islamistes radicaux » dont il n’a réchappé que grâce à « Serval ».

La deuxième étape, à en croire les Azawadiens ramène l’Etat du Mali dans le jeu politique : « Aujourd’hui, disent-ils, nous voulons que l’Etat malien comprenne et accepte que seule une autonomie des régions de l’Azawad, une autonomie dans laquelle la question sécuritaire, la question de développement, la question de développement, la question administrative doivent revenir inévitablement aux populations autochtones » soit leur revendication.

Indépendance, non. Décentralisation, non. Autonomie, oui. On est loin, très loin, du schéma proposé par Bamako. Et pour enfoncer le clou, les Azawadiens ne manquent pas de faire référence au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ils vont même plus loin puisqu’ils considèrent, désormais, que cette condition posée est un préalable à l’application des accords de Ouagadougou. Après avoir soufflé le froid et l’effroi à Ouagadougou, deux jours plus tard, ce mercredi 6 novembre 2013, Mossa Ag Attaher signe, depuis Kidal, un communiqué du MNLA visant à réchauffer l’atmosphère.

Le MNLA « invite toutes les parties à œuvrer à la poursuite du processus de négociation et privilégie l’option du dialogue politique comme seule solution durable au conflit qui oppose l’Azawad au gouvernement du Mali » et « réaffirme son entière disponibilité à continuer le dialogue avec les autorités du Mali sous l’égide de la médiation de la Cédéao et de la communauté internationale ». Le MNLA pousse même le culot jusqu’à dénoncer les « failles sécuritaires sur l’ensemble du territoire de l’Azawad, particulièrement à Kidal » (le MNLA avait déjà dénoncé le fait que les journalistes de RFI avaient été amenés à Kidal par la Minusma et confiés ensuite au gouvernorat pour leur sécurité ; de la même façon, il s’était déresponsabilisé de toute action sécuritaire à Kidal soulignant qu’il se situait dans une « logique de cantonnement »).

On notera que c’est encore à Ouagadougou que Bilal Ag Acharif (secrétaire général du MNLA), Alghabass Ag Intalah (secrétaire général du HCUA) et Mohamed Lamine Ould Sidatti (secrétaire général du MAA) ont annoncé, le lundi 4 novembre 2013, la fusion de leurs mouvements « dans un délai de 45 jours » sur la base d’un « projet de société », qui est une « plateforme revendicative commune ». « Une entente aux contours imprécis et aux visées aussi mouvantes que ces immensités sableuses qui servent de repaire à toutes ces factions islamistes et sécessionnistes » persifle avec justesse Alain Saint-Robespierre dans L’Observateur Paalga de ce matin (mercredi 6 novembre 2013). L’édito du quotidien Le Pays n’est pas plus convaincu par cette annonce, dénonçant « un jeu trouble dont l’objectif final pourrait être, à terme, la reprise en main totale du Nord-Mali par ces mouvements touaregs ».

Sauf que la mort de Ghislaine et Claude a changé la donne : Paris a dégagé de Bamako des effectifs pour renforcer sa présence à Kidal. Tandis que le secrétaire général des Nations unies, à la tête d’une forte délégation (UA, UE, Banque mondiale et BAD), a entrepris une tournée dans la région qui, après le Mali et le Niger, va le conduire, ce soir, au Burkina Faso et demain soir au Tchad. Autant dire que la marge de manœuvre des Azawadiens est faible ; sauf à jouer la carte de la nuisance. Pas très constructif mais ce pourrait être lucratif. Quant à Bamako, la carte du gouvernement est celle de l’hétérogénéité de l’Azawad. Qui n’est pas peuplé que de Touareg ! (cf. à ce sujet mon entretien avec Drissa Coulibaly, ambassadeur du Mali à Ouagadougou – LDD Mali 0110/Jeudi 10 octobre 2013).

Hyacinthe Sanou a ainsi, dans L’Observateur Paalga (Mardi 5 novembre 2013), proposé une « approche anthropologique ». « Il faut procéder à une démarche anthropologique afin de mieux comprendre les rapports sociaux, ô combien complexes, qui régissent ces collectivités humaines où le communautarisme l’emporte sur le sentiment d’appartenance à une seule même nation ». C’est remettre les populations du Nord-Mali au cœur de la « crise malo-malienne ». Ce que personne n’a jamais fait depuis que le Mali a sombré dans le chaos en 2012.

Trop de groupuscules parlent en leur nom à… Ouagadougou ; or, il est plus que temps de donner la parole à ceux qui vivent au quotidien une situation de désarroi, d’insécurité, de désespérance dans le Nord du Mali ; situation dont la responsabilité est imputable autant à la mauvaise gouvernance de Bamako qu’aux connivences des groupuscules azawadiens avec les « islamistes radicaux » et les « mafieux » locaux et internationaux.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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Vos commentaires

  • Le 11 novembre 2013 à 09:51, par badem En réponse à : Mali : Le MNLA s’emmêle les pattes. A Kidal comme à Ouaga.

    Je suis sincerement content des nouvelles que vous me faites parvenir chaque.Bonne continuation dans vos activites et continuez a nous informer

  • Le 11 novembre 2013 à 11:12, par Jeanine Debo En réponse à : Mali : Le MNLA s’emmêle les pattes. A Kidal comme à Ouaga.

    Au fond ces gens ne peuvent déposer leurs valises ailleurs ?
    Le sentiment du Burkinabé face a ces gens est bien connu !

  • Le 11 novembre 2013 à 11:28, par Ben Sirac En réponse à : Mali : Le MNLA s’emmêle les pattes. A Kidal comme à Ouaga.

    Qu’est-ce que le Burkina-Faso gagne a accueillir ces touaregs ? Qu’ils partent de notre Faso eux et leurs femmes,enfants, parents vivrent la merde qu’ils ont créer à Kidal et vivrent les même réalités que vivent leurs frères restés labas faute de moyens pour aller ailleurs ! On a assez de vs ! THROUUUUUUUUUU !!!!!!!!!!!!

  • Le 11 novembre 2013 à 12:09 En réponse à : Mali : Le MNLA s’emmêle les pattes. A Kidal comme à Ouaga.

    mnla aillent prendre la parole au Mali et cesse de faire des conférence de presse au bf. Ça ce passe Mali

  • Le 11 novembre 2013 à 12:52, par sidlayam En réponse à : Mali : Le MNLA s’emmêle les pattes. A Kidal comme à Ouaga.

    Il est bon que l’opinion commence de plus en plus à se rendre compte des dangers d’hôtes encombrants, peu fiables aux revendications douteuses tels que le MMLA et consorts. Je ne vois pas en quoi leur présence est d’un intérêt national pour le Faso , d’ un apport pour le fisc ou l’économie nationale permettant d’ améliorer le panier de la ménagère.A ce jour, aucun de nos états africains y compris le Burkina ne peut accéder à des revendications autonomistes.Serions nous prêt à accepter que quelques personnes d’ici réclament une autonomie d’une région quelconque se pavanent dans les hôtels au Mali ou au Niger aux frais du contribuable ? Beh si oui, alors on soutient le MNLA....

    • Le 11 novembre 2013 à 18:46, par fissoni En réponse à : Mali : Le MNLA s’emmêle les pattes. A Kidal comme à Ouaga.

      Nous on peut accepter n’importe quel étranger . tous les étrangers du monde ,sauf ceux qui sement le trouble ,qui veulent diriger pour règner , ceux là , y compris les touareg du mali on n’en veut , si blaise ne veut pas s’en charger , tôt ou tard le peuple s’en chargement de les mettre hors du faso car nul part au monde on ne peut faire confiance à un touareg Un jour ils vont nous montrer leur vrai visage ,alors soyons sur nos gardes

  • Le 11 novembre 2013 à 14:26, par Jeanine Debo En réponse à : Mali : Le MNLA s’emmêle les pattes. A Kidal comme à Ouaga.

    De quoi vivent donc les touareg ???
    De rançons ????
    Voyez les de Kidal a Ouaga en passant par Niamey !
    La belle vie et zéro job !
    Vivement qu’ils aillent chez eux

  • Le 11 novembre 2013 à 14:32, par sidlayam En réponse à : Mali : Le MNLA s’emmêle les pattes. A Kidal comme à Ouaga.

    Il est bon que l’opinion commence de plus en plus à se rendre compte des dangers d’hôtes encombrants, peu fiables aux revendications douteuses tels que le MMLA et consorts. Je ne vois pas en quoi leur présence est d’un intérêt national pour le Faso , d’ un apport pour le fisc ou l’économie nationale permettant d’ améliorer le panier de la ménagère.A ce jour, aucun de nos états africains y compris le Burkina ne peut accéder à des revendications autonomistes.Serions nous prêt à accepter que quelques personnes d’ici réclament une autonomie d’une région quelconque se pavanent dans les hôtels au Mali ou au Niger aux frais du contribuable ? Beh si oui, alors on soutient le MNLA....

  • Le 11 novembre 2013 à 17:38, par la vérité si je mens En réponse à : Mali : Le MNLA s’emmêle les pattes. A Kidal comme à Ouaga.

    Je déteste toutes les médiations dans lesquelles on écarte soigneusement la Justice pour donner la parole et de l’autorité à des meurtriers et à des bandits de grands chemins pour que ces voyous traitent à égalité avec les représentants légitimes des États. Tout cela sous le prétexte fallacieux qu’en Afrique il faut la palabre. La vérité est que dans nos anciens royaumes africains, les traditions coutumières (le droit coutumier) n’admettaient pas que n’importe qui prenne la parole devant le Roi. Je ne supporte pas de voir les criminels qui ont du sang de mes frères maliens sur les mains venir à la présidence du Faso et parler au nom d’un certain peuple de l’Azawad qui ne les a pas désignés pour le représenter ? Pourquoi cette autonomie sur une base ethnique, réclamée par ces bandes armées, peut-elle être admise comme objet de négociations nationales ou internationales ? Les États africains devraient-ils accepter une configuration ethniciste de leur administration et de leurs plans ou programmes de développement ? Aberrations sur Aberrations (webmaster, la vérité si je mens)

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