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Blaise Compaoré salue la prochaine caravane des « multinationaux » dans les pays du Sahel.

Publié le mercredi 2 octobre 2013 à 21h57min

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Blaise Compaoré salue la prochaine caravane des « multinationaux » dans les pays du Sahel.

« Il est certain que le Sahel est un grand sujet pour nous compte tenu des problèmes que nous rencontrons actuellement en termes de stabilité, de développement et sur le plan environnemental. Tout cela fait que le Sahel a besoin d’une solidarité internationale encore plus forte ». Dans un entretien avec La Voix de l’Amérique, le 22 septembre 2013, Blaise Compaoré, médiateur dans le dossier de la crise malo-malienne, a fixé le cadre dans lequel la caravane des « multinationaux » va débouler dans la région sahélo-saharienne d’ici quelques semaines, dans le courant du mois de novembre 2013 : Nations unies ; Banque mondiale ; Banque africaine de développement (BAD) ; Union africaine. Stabilité, développement, environnement.

Le président du Faso a profité de son déplacement aux Etats-Unis, à Washington et à New York, pour multiplier, lui qui est toujours dans la retenue propre aux Mossi, les entretiens avec la presse et les interventions publiques avant d’intervenir à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies le 25 septembre 2013.

La résolution de la crise malo-malienne a agi en révélateur de la situation difficile dans laquelle se trouvent les pays du « corridor sahélo-saharien ». Il aura fallu la mobilisation de la « communauté internationale », le déploiement massif de matériel militaire et d’hommes par la France, le concours des soldats tchadiens, l’entregent de la Cédéao, la médiation du Burkina Faso, de longs mois, une longue guerre (qui n’est pas terminée) pour que le Mali se trouve aujourd’hui là où il est : dans une bien meilleure posture qu’il y a dix huit mois ! Mais chacun a pris conscience que, désormais, l’Afrique est, bien plus que le Moyen-Orient, un continent où les opérations de déstabilisation se multiplient : de l’Afrique du Nord à la Somalie, en passant par le Nigeria, la Centrafrique, le Kenya… sans oublier, bien évidemment, ce désormais fameux « corridor sahélo-saharien ». « C’est pourquoi je compte m’y rendre avec les présidents de la Banque mondiale, de la Banque africaine de développement et la présidente de la Commission de l’Union africaine. Nous y rencontrerons les représentants des pays de la sous-région pour échanger sur leurs préoccupations » a annoncé Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies, le jeudi 26 septembre 2013, lors de la réunion sur la sécurité au Sahel qui s’est tenue au siège de l’organisation internationale, à New York.

Dans cette affaire new yorkaise, la Cédéao gagne ses galons internationaux d’organisation africaine régionale. Jusqu’à l’affaire malienne, elle avait été qualifiée de « Rambo de pacotille » par le quotidien privé burkinabè L’Observateur Paalga. Il est vrai que dans le dossier ivoiro-ivoirien, elle n’avait pas été probante. Les choses ont changé dès lors que Alassane D. Ouattara, tout juste élu à la présidence de la République de Côte d’Ivoire, a pris sa présidence tandis que le Burkinabè Kadré Désiré Ouédraogo en présidait la Commission et que Compaoré devenait le médiateur dans le dossier malien. A New York, Ouédraogo s’est félicité que les Nations unies soient déterminées « à privilégier, dans une approche globale et coordonnées, la mise en œuvre d’un agenda à long terme pour la paix, la sécurité et le développement du Sahel » où les problèmes sont devenus « complexes et multidimensionnels », dénonçant « les crimes organisés, transnationaux, notamment le trafic d’être humains, de drogue et d’armes, l’extrémisme et le terrorisme ».

La guerre au Mali a coûté une fortune. La reconstruction du pays va coûter, à son tour, une autre fortune. Les « multinationaux » ont-ils enfin pris conscience que cet argent aurait été mieux employé dans le développement des pays du Sahel ? Blaise Compaoré l’a dit à New York : « Les défis au niveau de la région du Sahel sont nombreux et diversifiés. Pour y faire face, il est impératif d’adopter une approche globale et novatrice, cohérente et coordonnée qui prend en compte l’ensemble des préoccupations identifiées ». D’où cette stratégie intégrée des Nations unies pour le Sahel à laquelle la Cédéao entend participer via ses stratégies sectorielles (agriculture, sécurité alimentaire, environnement, infrastructures, régulation de la circulation des armes légères…). C’est ainsi que la semaine prochaine, le 9 octobre 2013, se tiendra, à Washington, en marge des assemblée annuelles de la Banque mondiale et du FMI « une réunion internationale de toutes les parties concernées par la question du Sahel ».

Le « corridor sahélo-saharien » concerne trois pays en Afrique du Nord : Algérie, Libye, Egypte ; dans une moindre mesure le Maroc et le Sahara occidental + Sénégal, Mauritanie, Mali, Niger en Afrique de l’Ouest et, au-delà, le Tchad et le Soudan du Nord. Plus encore, la zone s’étend de l’Atlantique à la mer Rouge. On sait ce qu’il en est de la situation en Afrique du Nord. Le Soudan n’est pas au mieux de sa forme. Et, comme le fait remarquer Kadré Désiré Ouédraogo : « Trois des cinq pays du Sahel les plus exposés, à savoir le Mali, le Niger et le Burkina Faso, sont en Afrique de l’Ouest dans la zone de la Cédéao ». Leur enclavement ajoute à leur vulnérabilité. Sans oublier un environnement difficile lié « aux aléas climatiques et à la pluviométrie déficitaire, causes de crises alimentaires récurrentes ». Autant dire que tout le monde fait le forcing. A juste titre d’ailleurs. Il ne serait pas bon que le « vice » paye plus que la « vertu » et que les pays qui sombrent, par leurs fautes, dans le chaos politique (Côte d’Ivoire, Mali, etc.) soient financièrement mieux lotis par la « communauté internationale » que ceux qui assument leurs responsabilités. Certes, on ne pouvait pas laisser le Mali se désintégrer et devenir « une sorte de tumeur cancéreuse dans l’espace Cédéao » (dixit Kadré Désiré Ouédraogo).

Mais ce pays a failli et coûte cher à la région et à la « communauté internationale » sans que pour autant aucune sanction ne soit prise à son égard. Faudra-t-il, en matière de diplomatie internationale, ériger un système de « ligues » à l’instar des pratiques du football et faire « descendre » les pays qui n’assument pas la mission qui est la leur ? Impensable, bien sûr ; mais je comprends que les ressortissants d’Afrique de l’Ouest, qui entendent le Mali pérorer et le voient organiser des manifestations à sa gloire, puissent se sentir des « laissés-pour-compte ». Plus encore dès lors que ce pays ne semble pas vouloir prendre conscience des problèmes qui sont les siens. Et qui, du même coup, deviennent ceux de la région.

Il est donc temps de battre le tambour. Et cela a été l’objectif de Blaise Compaoré pendant sa « quinzaine » américaine. Sa médiation dans le dossier malien est venue parachever ses performances en la matière. Il l’a dit à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies : l’organisation de l’élection présidentielle malienne permise par les accords de Ouagadougou du 18 juin 2013 a « conforté l’ordre constitutionnel rétabli ». Mais c’est à Ouaga aussi, et il convient de ne pas l’oublier, que cet ordre constitutionnel avait pu être rétabli lorsque Sanogo y avait été contraint de céder la place à un président de transition qui était, conformément à la Constitution, le président de l’Assemblée nationale. Fort de cette performance, Blaise a pu ainsi exposer à Washington sur le thème : « Gouvernance, paix et sécurité en Afrique : l’expérience du Burkina Faso en matière de prévention, médiation et gestion des conflits ».

Quand on sait ce qu’était l’image du président du Faso à Washington à la fin du XXème siècle, on ne peut que mesurer le chemin parcouru. Ce que Blaise ne manque pas de faire : il entend bien capitaliser ; pas seulement en matière de prestige personnel (ce qui n’est pas négligeable dans une perspective post-2015*) mais aussi de retour sur investissement pour le Burkina Faso.

* Fatou Bensouda, procureur de la Cour pénale internationale (CPI), a salué en Blaise Compaoré « une voix incontournable en Afrique », « un acteur important dans la paix, la justice et le règlement des conflits ».

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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