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Crise ivoirienne : la reculade de Libreville

Publié le jeudi 13 janvier 2005 à 07h10min

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Une reculade. C’est l’une des conclusions auxquelles l’on pourrait aboutir en évoquant le premier sommet du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine qui s’est tenu à Libreville au Gabon, le 10 janvier 2005.

Ce constat est difficile à pourfendre en ce qui concerne les mesures de Thabo Mbeki sur la sortie de crise en Côte d’Ivoire, n’en déplaise aux "satisfaits" du Front populaire ivoirien de Koudou Laurent Gbagbo.

Si ces décisions ont l’excuse de n’être que des propositions, donc des options parmi d’autres qui seront examinées au prochain sommet de l’Union africaine, il n’en demeure pas moins qu’elles auront inéluctablement une influence nuisible sur l’évolution de la situation, déjà chaotique en Côte d’Ivoire.

En effet, fallait-il prendre le risque de concéder autant de marge de manoeuvre au pouvoir et aux autres acteurs de la crise ivoirienne alors que le Conseil de sécurité de l ’ONU, appuyé par l’Union africaine et récemment la Francophonie, a déjà commencé à exercer une pression bénéfique sur eux ?

Pourquoi le sommet de Libreville souhaite-t-il que du temps soit encore donné aux protagonistes de la crise ivoirienne en différant les sanctions, alors que le pays a atteint pratiquement le fond du gouffre ? Pourquoi Thabo Mbeki fait-il fi du rejet de la voie référendaire sur l’article 35 par les députés ivoiriens, qui, par excellence, représentent le mieux la vox populi et souligne, a contrario, que "le référendum pourrait jouer un rôle important dans le processus d’unité nationale et de réconciliation (...) " ?

A n’en point douter, l’application de ces propositions trop précipitées du sommet de Libreville, risque de faire le jeu de tous ceux qui se complaisent actuellement dans cet état de destruction progressive de la Côte d’Ivoire. Le volcan ivoirien pourrait dans cette logique exploser, alors qu’on voyait poindre une lueur de paix, aussi minuscule fût-elle. Sans vouloir paraître trop simpliste, on a l’impression que l’Union africaine ingurgite tout ce que propose le président sud-africain parce que c’est elle qui l’a mandaté pour sauver la Côte d’Ivoire.

A moins que ce soit une manière de le désigner comme l’unique bouc émissaire du très probable prochain échec de la ènième tentative pour le retour de la paix en Côte d’Ivoire ! Du reste, les Forces nouvelles n’ont pas du tout apprécié les propositions du "messie de Johannesburg" et n’ont pas manqué d’y déceler des prémices de guerre civile.

Certes, le référendum n’est pas une mauvaise option, car exprimant le choix du peuple. Cependant, les mécanismes de son organisation et le contexte ivoirien s’y prêtent-ils actuellement ? Pourquoi Thabo Mbeki, qui, ostensiblement, a été séduit par cette sorte de braquage anti-colonial de Gbagbo, ne met-il pas d’abord l’accent sur l’application des textes, suivie par le désarmement des deux camps en présence ? Ainsi, le président sud-africain et ses pairs du CPS de l’Union africaine auraient davantage fait preuve d’équité et d’objectivité dans la résolution de la crise ivoirienne qui ne fait que s’exacerber depuis ce 19 septembre 2002.

Les positions vont une fois de plus se raidir sur les bords de la lagune Ebrié. Les Forces nouvelles sont contre cette proposition de Mbeki. L’opposition, notamment le G7 et son porte-parole Alphonse Djédjé Mady, la nuance.

Pendant ce temps, les thuriféraires du régime Gbagbo et les membres du FPI affirment déjà que
"le référendum est la seule voie politiquement acceptable". Pascal Affi N’Guessan, le président du FPI, va plus loin : "L’essentiel est (...) que seule cette voie a été évoquée". Ces compréhensions divergentes et intéressées des propositions de Libreville constituent déjà à elles seules un embryon de probable reprise de conflit qu’on ne souhaite pas.

Le médiateur sud-africain a-t-il mesuré tous les risques d’une nouvelle explosion que font naître ses propositions ? Mbeki n’a sans doute pas vu très juste en s’arc-boutant sur son idée de référendum car le plus urgent à faire est d’oeuvrer à ce que tous les Ivoiriens se sentent véritablement Ivoiriens. Et cela passe nécessairement par la révision de l’article 35 afin de permettre à tous les Ivoiriens éligibles et électeurs, de prendre part à toutes les élections, dont celle présidentielle.

Qui n’avance pas recule. Cette maxime, les Ivoiriens la connaissent très bien, vu qu’elle est l’un des concepts fondamentaux véhiculés par une chanson du "patriote" Gadji Céli. Au rythme actuel des choses, l’observateur le plus averti pourrait difficilement dire que l’on avance dans la résolution de la déchirure socio-politique sur fond de bruit de bottes.

Tant que l’ivoirité qui sert de terreau très fertile à la crise ivoirienne n’est pas combattue avec la dernière rigueur, la Côte d’Ivoire et ses fils auront très peu de chance de retrouver la cohésion tant recherchée.
Pourvu que les craintes de tous ceux qui voient Libreville comme une reculade soient infirmées par des décisions plus courageuses qui devraient être prises par nos dirigeants lors du prochain sommet de l’Union africaine qui se tiendra à Abuja au Nigeria, probablement le 30 janvier. Il y va de l’unité africaine et surtout de celle de la Côte d’Ivoire.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 15 janvier 2005 à 07:37, par Lefaso.net En réponse à : > Crise ivoirienne : la reculade de Libreville

    Une solution pour la paix en Côte d’Ivoire

    Lorsque nous suivons régulièrement les évolutions du calendrier de la vie politique en Côte d’Ivoire, force est de constater que, les élections présidentielles et législatives ont très peu de chances de se tenir aux dates prévues par la constitution.
    Cela est dû au fait que les modifications des lois constitutionnelles qui doivent être réalisées ne le sont toujours pas à ce jour.

    Face à cette situation nous proposons une solution de rechange :
    Nous demandons à la communauté internationale de nommer une personnalité ivoirienne consensuelle, comme Président intérimaire, sous la responsabilité de l’ONU, pour une période à déterminer avec tous les intéressés (les parlementaires ivoiriens, l’Union Africaine, l’Union Européenne, l’Organisation Internationale de la Francophonie, l’Organisation Nations Unies).

    Ce président sera personnellement responsable devant tous les intéressés susnommés. Il n’y aura pas de premier ministre.

    Il sera le seul à choisir tous les ministres qui formeront son gouvernement.
    Ces ministres ne seront pas des membres actifs de partis politiques. S’ils appartenaient à un parti politique, ils doivent se mettre en congé du parti pendant la durée de leur mission au gouvernement.

    Ce président aura à résoudre la pacification et l’unification de la Côte d’Ivoire, à former une seule armée nationale ivoirienne et à préparer les élections présidentielles, législatives, municipales, régionales.

    Ce Président doit avoir un profil de ce type :
    - homme politique reconnu,
    - résider habituellement en Côte d’Ivoire, et particulièrement pendant les périodes difficiles de ces derniers mois,
    - être au dessus des querelles partisanes,
    - adepte du dialogue dans la paix,
    Ce pourrait être, par exemple, un homme formé à l’école du Président HOUPHOUET BOIGNY, rompu à la paix et au dialogue. Quelqu’un qui vit actuellement dans le pays et suit tous les évènements avec calme, qui connaît toutes les régions de la Côte d’Ivoire, et donc tous les problèmes des ivoiriens.

    La communauté devra investir ce président pour une période égale ou supérieure à 3 ans.
    Cette période de transition permettra au peuple de retrouver sa sérénité afin de pouvoir aller aux élections.

    N’étant pas issu des élections, ce président sera à même de se rendre dans toutes les régions du pays pour réconcilier les populations. Il ne pourrait en être ainsi avec un président issu des urnes qui, dans le contexte actuel aura obligatoirement des supporters et des détracteurs, ce qui ne fera qu’envenimer le climat politique.

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