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Marche de l’opposition La frilosité du pouvoir

Publié le vendredi 12 juillet 2013 à 21h04min

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Marche de l’opposition La frilosité du pouvoir

Le pouvoir a déployé de gros
moyens pour contrôler la marche
de l’opposition. Il a misé sur la
communication pour espérer
réduire le potentiel de
mobilisation de l’opposition.

La stratégie de
communication du
pouvoir s’est déployée en
trois phases. D’abord, c’est
le parti (le CDP) et son appendice de
la FEDAP/BC qui sont montés au
front. Meetings de remerciement du
parti dans les villes de Ouagadougou
et Bobo-Dioulasso après les
élections couplées (six mois après),
convocation du bureau politique,
conférence de presse de la direction
du parti, grande interview du
secrétaire exécutif accordé à un
quotidien de la place, le parti a tenu
à jouer sa partition dans ce jeu où la
bataille de l’opinion constitue un
enjeu majeur. La FEDAP/BC a,
quant à elle, prétexté de ses tournées
d’installation ou de renouvellement
de ses sections dans les provinces
pour faire feu de tout bois sur la
marche de l’opposition.

L’argumentaire déployé par le parti
et la FEDAP/BC est de deux
ordres : le premier est d’ordre légal.
Le sénat figure dans la constitution
depuis le vote de la loi
constitutionnelle de juin 2012, donc
il faut obligatoirement l’instituer.
Le second argument est puisé dans
l’élection du président du Faso. Pour
le parti au pouvoir et son allié, dans
le projet de société présenté par leur
candidat, Blaise Compaoré, lors de
l’élection de novembre 2010, figure
en bonne place les propositions de
réformes politiques. Le Conseil
consultatif sur les réformes
politiques (CCRP) et les « Assises
nationales » ayant retenu la
proposition de la création du sénat
comme point consensuel, sa mise en
place est auréolée d’une double
légitimité, celle des urnes et des
« Assises nationales » qui auraient
réuni « toutes les composantes de la
nation ».

Toutefois, ces deux
arguments souffrent d’une grande
faiblesse tirée des pratiques du
même pouvoir : ses volte-face
fréquents. Le pouvoir a donné à voir
il n’y a pas longtemps que la légalité
pouvait bien être remise en cause.
Deux exemples : la première, c’est la
Taxe sur le développement
communal (TDC) très chère à
l’ancien maire Simon Compaoré.
Elle avait été votée avant 2008. Dans
le contexte de la vie chère avec des
émeutes de février 2008, son
application avait été différée. C’est
en 2010 que l’Association des
municipalités du Burkina Faso
(AMBF) dirigée par le maire de la
capitale a mis la question de son
application sur la table. Dans un
premier temps, le gouvernement a
semblé la soutenir, rappelant comme
aujourd’hui que c’est une loi votée
par l’Assemblée nationale, donc
forcément applicable. Après une
campagne d’explication dans les
médias, des ultimatums ont été
décrétés.

Devant les fortes
résistances, le gouvernement s’est
mis en retrait, laissant seul en
première ligne le maire Simon
Compaoré. Avec la crise de 2011, le
nouveau gouvernement est revenu
rapidement sur la loi, ordonnant à
l’Assemblée nationale de la retirer.
Ce qui fut fait. Depuis lors, on ne
parle plus de la TDC. Autre exemple
montrant que la légalité peut être
contestée, c’est la sanction contre
l’anesthésiste de Séguénéga. C’est un
décret du Conseil des ministres qui
l’avait licencié avant que, sous fortes
pressions syndicales, le Premier
ministre ne rapporte la décision.
Si ces deux exemples montrent que
le gouvernement peut reculer sous la
pression des autres acteurs,
remettant en cause la légalité, il y en
a d’autres où c’est le pouvoir lui même
qui conteste des décisions
légales. L’exemple des ministres
Kaboré des Mines et Yaméogo de la
Justice sont là pour en témoigner,
eux qui ont refusé pendant des mois
d’exécuter une décision judiciaire
sous prétexte que les juges ont été
corrompus.

L’entrée en scène des ministres et des partis alliés du gouvernement

Après cette première phase qui a vu
le CDP et la FEDAP/BC monter en
première ligne, le gouvernement est
lui-même monté au front pour
défendre le sénat. Il a envoyé dans
toutes les régions des délégations
ministérielles pour expliquer aux
forces vives le bien-fondé de la
deuxième Chambre. Le bilan a été
mi-figue mi-raisin. Certaines
délégations se sont retrouvées
devant des publics foncièrement
hostiles, y compris au sein des
cercles supposées proches du parti
au pouvoir. Les ministres sont
rentrés pas franchement convaincus
de l’adhésion de leurs interlocuteurs.

Le CDP et la FEDAP/BC peuvent-ils
se permettre d’endosser seuls la
responsabilité de l’échec devant
l’opinion, surtout qu’ils partagent
leur gouvernement avec d’autres
partis qui ont intérêt aussi à la mise
en place du sénat ? C’est ainsi que
certains partis des « Refondateurs »
ont été appelés à la rescousse. C’est
la troisième phase de la stratégie de
communication. C’est l’UNDD, le
parti de Hermann Yaméogo qui se
jette premièrement à l’eau, suivi
quelques jours plus tard par celui du
ministre de l’Action sociale Alain
Zoubga, l’Autre Burkina/PSR.
Après de longs développements sur
l’utilité du sénat, ils finissent par dire
qu’ils ne seront pas dans la rue le 29
juin comme si l’opposition légale les
y conviait.

Mais leur position est
logique dans la mesure où depuis
2006, ils ont bâti leur stratégie
politique sur les concessions que le
pouvoir pourrait leur faire. Ils ont
fait du plaidoyer leur mode d’action
politique. Ils ont largement
communiqué sur leurs propositions
de réformes en rencontrant tous
ceux qui comptent à leurs yeux. Le
contexte de la vie chère a poussé le
pouvoir à reprendre à son compte en
2009 leur discours sur les réformes.
Le président Blaise Compaoré s’en
est approprié l’idée dans son
allocution lors de la célébration de la
fête de l’indépendance à
Ouahigouya.

Il a fallu attendre 2011
avec la vague des contestations
sociales et militaires pour que l’idée
des réformes voit un début
d’application. Les refondateurs se
sont engouffrés dans la brèche après
une petite hésitation. Pouvaient-ils
se permettre de manquer au rendez-vous
tant attendu ? A l’analyse, ils ne
pouvaient pas faire autrement car, il
y a longtemps que la plupart de ces
partis ont fait le deuil de la
mobilisation populaire comme
mode de revendication politique.
Cela s’explique par l’érosion de leur
assise politique. Le chef de file du
mouvement, Hermann Yaméogo, a
eu deux chances historiques qu’il a
dilapidées, celle de la Coordination
des forces démocratiques (CFD)
entre 1990 et 1992 et celle du
Collectif contre l’impunité à la suite
de l’assassinat de Norbert Zongo en
1998.

Par deux fois, il était partie
pour devenir l’opposant le plus
sérieux pour provoquer l’alternance,
mais il finit toujours comme un
attaquant qui s’arrête au point de
pénalty pour donner la balle au
défenseur en difficulté. Après une
telle attitude, c’est la déception, y
compris chez les spectateurs les plus
neutres. Les autres partis de la
mouvance des refondateurs ne
brillent pas mieux. Au contraire, ils
déclinent tous sur le plan électoral.
Celui qui fait le plus de bruit
aujourd’hui, l’Autre Burkina d’Alain
Zoubga est sorti bredouille des
élections couplées de décembre
2012. Aucun élu national, aucun élu
local. Pourtant, il a obtenu un
portefeuille ministériel au même titre
que des partis comme l’UPR et la
CFD/B qui ont eu respectivement
cinq et deux députés ; 434 et 438
conseillers municipaux. Les autres
têtes d’affiches des refondateurs, le
RDEBF de Ram Ouédraogo et le
PITJ de Soumane Touré ont même
fait mieux que le parti de Zoubga
puisqu’ils ont engrangé
respectivement 07 et 64 conseillers
municipaux. Pourquoi n’ont-ils pas
eu de postes ministériels au même
titre que celui qui a fait moins
qu’eux ? La réponse pourrait être
dans les promesses de postes de
sénateurs. Dans ce long et houleux
débat, ils n’ont pas pris position
publiquement. Dans la logique de la
politique de « concessions », ils
pourraient compter sur le chef de
l’Etat pour leur accorder quelques
postes de sénateurs dans son quota
de 29. Ce n’est pas une nouveauté
car la caractéristique commune de
tous ces partis, c’est qu’à un moment
ou à un autre, ils ont eu à participer
à la gestion des affaires avec le
pouvoir en place. De 1992 à 2012, ils
ont tous eu des portefeuilles
ministériels et des sièges au niveau
de l’Assemblée nationale.

Aujourd’hui, ils veulent boucler la
boucle en accompagnant le pouvoir
dans sa stratégie de perpétuation
forcée.

Abdoulaye Ly

MUTATIONS N° 32 du 1er juillet 2013. Bimensuel burkinabé paraissant le 1er et le 15 du mois (contact :mutations.bf@gmail.com ; site web : www.mutationsbf.net)

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Vos commentaires

  • Le 13 juillet 2013 à 05:49, par laji souley En réponse à : Marche de l’opposition La frilosité du pouvoir

    Le CDP a la responsabilité de la paix au Faso. Le CDP connait certainement le conte moaga du margouillat qui est devenu chef. Il raconta son couronnement à sa femme. Il montra son bonnet rouge coiffé sur sa tête à sa femme qui s’inquieta de l’absence des enfants lors de son couronnement. Le vieux margouillat se moqua de sa femme et dit qu’il faut laisser les enfants à leurs jeux. Fini de parler, le margouillat sorti pour faire le tour du propriétaire. Et voilà que les enfants armés de batons et de lance pierre chasse le margouillat-roi. Essoufflé, sa femme lui rappela sa mise en garde d’être couronné roi sans les enfants. La morale de l’histoire, si les enfants ne participent pas au couronnement du roi, ce sont les enfants qui chasseront le roi. Au BF, la seconde revolution ne viendra pas de ceux qui ont un téléphone et ont accès au net. Le feu partira d’un non loti et la police même anticriminelle ne saura pas de qui. Beaucoup du CDP sauveront leur peau en s’envolant, mais l’histoire retiendra qu’ils ont été sourd aux appels. Le CDP n’a pas besoin de diviser la population. Elle est au pouvoir, c’est à elle de créer le consensus. L’on peut être couronné roi et voir les batons à ta trousse. Monsieur Maurice a été élu à 99% en 1965. Il a été chassé en 1966. Morsi a été élu. Un an jour pour jour il est parti. Même ceux qui aiment le Président Blaise et Monsieur François ne regarderont pas calmement la police tuer leur enfants et frères sans réagir. Et les rescapés sortiront et justifieront leur retournement de veste. Daigne Dieu, éclairer le Président Blaise afin que dans son silence, il n’allume pas le feu au BF avec tout ce qu’il a fait pour le BF. Nous prions pour qu’il puisse se promener libre comme le président JB, le Président Saye ZERBO en allant par ci par là aux baptême et autre mariage de ses cousins. Ca doit être dur en ce moment d’incertitude ou tous ses lieutenants crient au complot contre lui. mais la sagesse de Dieu aidera le PF. Que Jesus et saint Blaise aide le PF et le protègent.

  • Le 13 juillet 2013 à 12:26, par Yero Salomon En réponse à : Marche de l’opposition La frilosité du pouvoir

    Merci Ly pour la solidite de l’analyse. Bon courage au journal Mutations.

  • Le 13 juillet 2013 à 15:05, par PONI FC En réponse à : Marche de l’opposition La frilosité du pouvoir

    Soutien à l’opposition, les vrais problèmes du pays sont là, au lieu de s’attaquer a cela, le pouvoir réfléchit comment il peut bien profiter des ressources du pays. Je profite de l’occasion attirer l’attention du ministre de la fonction Publique qui se trouve actuellement sur un fauteuil injectable, la régionalisation des corrections indemnitaires des agents de la fonction publique, quels résultats au enregistre. Exemple : depuis sa mise en application en janvier 2013, aucun agents de la fonction publique de la région du Sud-ouest n’a connu une suite favorable à son dossier de correction. Les agents chargés de traiter les dossiers de correction se moquent des demandeurs en justifiants tout simplement qu’il n’y a pas de réseau. A bon entendeur salut

  • Le 14 juillet 2013 à 12:36, par Merci Ly En réponse à : Marche de l’opposition La frilosité du pouvoir

    Très belle analyse qui explique pourquoi le Burkina est en train de tomber bien bas avec son futur sénat. Les manges mils seront bel et bien là le 28 juillet pour se faire élire.... mais tout aura une fin. Ce qui s’est passé hier en Egypte et par les urnes au Sénégal va finir par arriver ici. J’ai l’espoir que celui qui va succéder à Blaise va balayer les grands voleurs aux cols blancs de la république et s’il faut construire une nouvelle Maco, je suis prêt à cotiser car on pourra récupérer des centaines de milliards pour enfin jeter les fondations d’un burkina émergent réel pour tous et, non un burkina émergent pour quelques individus dans leur bunker de Ouaga 2000. Si on récupére la moitié de l’argent volé, on peut se passer de l’aide pendant au moins 3 ans dans ce pays.

  • Le 14 juillet 2013 à 12:48, par Alexio En réponse à : Marche de l’opposition La frilosité du pouvoir

    L Amerique qui est la plus grande democratie du monde,son president n a pas le droit de nommer ses Senateurs. Les Senateurs nommes par le President ne seront jamais independants politiquement plus ou moins i leur mpartialite pour la cause democratique. Puisqu ils doivent lutter pour le bien etre du peuple et non pour le President. Mr Laji Souley chaque Burkinabe a la responsabilite du maintient de la paix et la cohesion sosiale et non un parti politque du nom de CDP comme vous le preconisez. La paix sosiale ils sont entrain de la demontee par deverouillage de l Article 37 qui va nous faire rebondir en arriere , si cela deviendra une realite dans l avenir.

  • Le 14 juillet 2013 à 16:18, par ALTERNANCE 2015 En réponse à : Marche de l’opposition La frilosité du pouvoir

    tres belle analyse M. LY. je me suis toujours demande pourquoi Alain ZOUBGA a ete nomme ministre alors qu’il n’a aucun elu ni national ( depute) ni local ( conseiller municipal). et meme si le CDP voulait l’utiliser pour legitimer son foutu senat, il aurait pu chercher quelqu’un de plus representatif.

  • Le 14 juillet 2013 à 17:50, par le visionnaire En réponse à : Marche de l’opposition La frilosité du pouvoir

    La paix n’est pas un mot, c’est un comportement.
    Le Burkina ne peut accéder à la paix , s’il ne se lève pas. Que pensent Blaise Compaoré et son pétit frère, que nous allons les laisser truquer l’article 37 ? ; l’article 37 est l’article de la MORT, intouchable. Les poules mouillées c’est comme cela qu’on les appelle.
    Je m’adresse maintenant aux charognards qui sont autour du pouvoir, qu’il est tard de quitter les rangs, nous allons vous traquer dans ce Ouaga là. Rappelez vous ce qui s’est passé en Egypte. Ici nous allons vous traquer, vous juger et vous condamner conformement à la loi.
    Ce n’est pas la peine de rouler avec des 4 fois 4 remplies de carburant car vous n’aurez pas le temps de fuir.Et priez Dieu que la securité vous pêche à temps ; si non c’est le peuple qui va se charger de vous. Et vous connaissez la suite. Ce jour sera le jour de THOMAS SANKARA et ses compagnons, de NORBET ZONGO et ses compagnons, de DAVID OUEDRAOGO, de OUMAROU CLEMENT OUEDRAOGO et j’en passe car la liste est exaustive.
    LA PATRIE OU LA MORT, NOUS VAINCRONS.

  • Le 15 juillet 2013 à 07:26, par ibrahimo En réponse à : Marche de l’opposition La frilosité du pouvoir

    six modifications de la constitution depuis son adoption en 1991, cette constitution a perdu sa légitimité, car le peuple qui l’avait voté ne la reconnait plus. Il nous faut une nouvelle constitution après 2015

  • Le 15 juillet 2013 à 10:58, par Le Sage. En réponse à : Marche de l’opposition La frilosité du pouvoir

    "Ceux qui choisissent de ne rien choisir sont ceux là qui demain sont les bénéficiaires et les véritables défenseurs de ce qu’ils ont vilipendé hier".
    De qui se moque Monsieur KOUANDA en cette période de ramadan où la retenue et le respect des autres doivent être plus que jamais observés. Mais en politique, tous les coups sont permis même en dessous de la ceinture. Mais le résultat est toujours catastrophique. Quelle que soit la durée de la nuit, le jour finit par se lever. Et quelle que soit la puissance d’une armée, le peuple aura toujours raison de ses dictaeurs et autres apprentis-sorciers qui ne facilitent pas la tâche à notre Président Blaise COMPAORE.

  • Le 15 juillet 2013 à 13:05, par zazu En réponse à : Marche de l’opposition La frilosité du pouvoir

    le cdp et son maitre savent que leur malheure pourrait venir de la ville de Koudougou comme celui de Kadafi est venu de bengazi. c’est ce qui explique la presence des Zoubga et compagnie d’UNDD dans ce gouvernement pour amadouer la population de Koudougou aujourd’hui ils se trompe tous viendra de ouaga et ça ne saurait tarder. comme toute lutte de liberation, je sais que certain d’entre nous tomberons sous le coup de balles assassines mais prouvu que cela serve à la liberation de notre pays. que Dieu sauve le peuple intègre du Burkina

  • Le 21 juillet 2013 à 08:32, par PONI FC En réponse à : Marche de l’opposition La frilosité du pouvoir

    le pouvoir en place doit songer au bien être de sa population, le Burkina Faso est devenu un pays ou la vérité et la justice sont deux mots inexistants dans le dictionnaire du Gouvernement. Attention, comme le disait Emile Zola dans son roman la vérité en marche, je cite : "La vérité et la justice sont souveraines car elles font la grandeur des nations". Soutien pour la marche du 28 juillet

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