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Le duo Obama-Mandela écrase de sa stature mythique le séjour du président US en Afrique du Sud.

Publié le mardi 2 juillet 2013 à 21h10min

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Le duo Obama-Mandela écrase de sa stature mythique le séjour du président US en Afrique du Sud.

Nelson Mandela est mort depuis plusieurs jours pour ne pas dire plusieurs semaines. Pas médicalement ni officiellement bien sûr ; mais personne ne peut croire un instant qu’il sortira vivant du Medeclinic Heart Hospital de Pretoria où il est « soigné ». En Afrique, une page va être tournée. Il était l’icône du continent et, plus encore, une icône africaine reconnue internationalement. Il symbolisera non seulement un juste combat mais, avant tout, un combat qui a été gagné alors que cette victoire aura été longtemps inespérée.

Ceux de ma génération, qui ont vécu l’arrestation, la condamnation, l’emprisonnement de Mandela, n’ont jamais imaginé qu’il serait un jour libéré et présiderait par la suite aux destinées d’une Afrique du Sud qui aurait rompu avec l’ignominie de l’apartheid. Les héros de l’Afrique étaient, jusqu’alors, des hommes morts qui avaient échoué dans leur combat (à commencer par Patrice Lumumba, figure emblématique de l’Afrique post-coloniale). Mandela a changé la donne : un homme emprisonné a vaincu le pire système dictatorial (qui, par ailleurs, ne manquait pas d’alliés au plan international). Vivant ou mort, Mandela écrase tous les « héros » passés de l’Afrique, à commencer par les « pères des indépendances » et les « maudits » de la lutte anti-coloniale (d’autant plus « maudits » que l’Afrique indépendante, occupée à encenser les présidents en place, a occulté leur combat).

En débarquant en Afrique du Sud alors que le vieux leader est arrivé au moment de sa vie où il va lui falloir « laisser filer l’ancre par le bout », le président US, Barack Obama, a surfé sur le « modèle Mandela ». Avec ce talent qu’on lui connaît. Et cette image de premier président afro-américain des Etats-Unis. Un symbole fort que le président Jacob Zuma n’a pas manqué d’évoquer dans ses propos lors de la conférence de presse conjointe : « Vous êtes liés par l’Histoire. Vous êtes les premiers présidents noirs dans vos pays respectifs ».

Ayant affirmé cela, Zuma, tout naturellement s’est effacé derrière l’icône sud-africaine et lui a laissé le devant la scène. Après tout, il n’est pas mauvais pour lui d’apparaître comme l’héritier direct de « Madiba ». L’Afrique du Sud ne se porte pas si bien que cela, économiquement, politiquement et socialement ; et la fracture ouverte le 16 août 2012 avec l’assassinat de 34 mineurs grévistes à la mine de Marikana n’est pas encore refermée. Et puis 2014 se profile à l’horizon. Ce sera la première élection sud-africaine à laquelle participeront les « born free », ces Sud-Africains qui n’ont pas connu l’apartheid. Alors il n’est pas mauvais qu’Obama, le leader de la première puissance mondiale, vienne faire du battage autour de l’héritage de Mandela, l’homme qui a apporté la démocratie en Afrique du Sud tout en lui permettant d’échapper à la guerre civile.

Devant la jeunesse de Soweto puis les étudiants de l’université du Cap, Obama a donc déroulé le tapis rouge de la mémoire au vieux combattant de l’ANC avec ce savoir-faire que maîtrisent les communicants de la Maison-Blanche, des plans « com » qui ont des allures de shows à l’américaine mais qui sont toujours particulièrement efficaces. Il n’est pas un seul pays dans le monde où le chef de l’Etat soit capable d’une telle performance avec une telle conviction. On ne peut pas dire, pourtant, que le discours d’Obama à la jeunesse africaine brille par son originalité et qu’il soit en rupture avec ceux que « l’Occident » assène à l’Afrique subsaharienne depuis plus d’un demi-siècle.

A Dakar, Obama avait été dans la retenue : pas de discours ; pas de débat public (cf. LDD Sénégal 0193/Jeudi 27 juin 2013). A Pretoria et au Cap, il s’est longuement exprimé sur l’Afrique du Sud, l’Afrique et le monde. Un discours « Made in USA » dont le fondement est des plus classiques : il faut progresser sur deux fronts en même temps, celui des avancées économiques et celui des avancées démocratiques.

Les quatre piliers de la stratégie globale des Etats-Unis en Afrique subsaharienne sont les suivants :
1 – Promotion des opportunités et du développement ;
2 – Stimulation de la croissance économique, du commerce et des investissements ;
3 – Promotion de la paix et de la sécurité ;
4 – Renforcement des institutions démocratiques. L’intégration de l’Afrique dans l’économie mondiale, la transparence en tout, y compris dans les affaires « parce que le développement économique ne peut pas se faire dans l’incertitude », voilà la voie que propose Obama à l’Afrique.

Deux ans après les « printemps arabes » (qui trouvent un nouveau souffle en Egypte) et alors qu’en Turquie, au Brésil, en Egypte… la population (et particulièrement les jeunes diplômés) descend dans la rue pour manifester son « ras-le-bol » des dirigeants politiques au pouvoir, on ne peut pas dire que le discours d’Obama soit, ouvertement, un message d’espérance. C’est que le chef de l’Etat américain a fait la part belle à l’économique plutôt qu’au politique et surtout qu’au social. Mais il ne faut pas s’y tromper : Obama est convaincu que le changement en Afrique viendra bien plus des populations que de ses leaders. Et en encensant à longueur de journée Mandela, c’était dire que la génération actuelle n’est pas à la hauteur de la tâche. Y compris en Afrique du Sud. Obama n’a pas la mémoire courte et se souvient du massacre des mineurs de Marikana.

« L’Afrique se lève » avait proclamé, auparavant, Zuma. Il se pourrait aussi que l’Afrique, bientôt, se soulève. La phrase a été prononcée à Soweto par Obama : « Les jeunes Africains doivent demander des comptes à leurs gouvernements ». C’est dire qu’il faut cesser, sur ce continent, d’en appeler à la « communauté internationale » et qu’il est temps pour l’Afrique de prendre en mains son destin. C’est selon Obama, la leçon de Mandela. Il a d’ailleurs enfoncé le clou.

Quand Zuma a évoqué la question de l’octroi à un pays africain d’un siège de membre permanent du Conseil de sécurité, Obama a répondu qu’il était normal que l’Afrique, en tant que continent, siège au Conseil. Mais qu’il fallait prendre conscience que cela signifiait assumer, aussi, son lot de responsabilité et impliquait de cesser de jouer au petit jeu des « non-alignés ». Il l’a dit clairement : c’est « un fardeau » et on en « paye la facture » tous les jours. Certes, ce discours était à destination aussi des membres permanents du Conseil de sécurité qui n’assument pas au quotidien leur part de responsabilités (Chine, Russie…), mais c’était aussi un avertissement à l’Afrique. Qu’elle assume sa tâche. Il l’a dit encore au sujet du débat sur l’ouverture du continent africain à de nouveaux partenaires « émergents ». Washington n’a rien contre eux mais « quiconque débarque ici ne vous veut pas nécessairement du bien ».

Il a rappelé que, sur le continent africain, les Etats-Unis n’avaient pas de passé colonial et que de ce fait une relation de confiance s’était instaurée entre l’Amérique et l’Afrique. Il a rappelé aussi que, contrairement à d’autres, l’Amérique n’avait pas besoin des ressources naturelles de l’Afrique. Ce qu’il souhaite, c’est que l’Afrique se développe et devienne un marché pour les produits « Made in USA ». Et pour que l’Afrique se développe, il faut produire de la valeur ajoutée, créer des emplois et rompre avec la corruption. Or, à l’entendre, en Afrique les « émergents » ne produisent pas de valeur ajoutée, ne créent pas d’emplois mais favorisent la corruption. C’est à l’Afrique de veiller à ce que les retombées de son partenariat avec d’autres soient positives pour les populations. A bon entendeur salut.

Et pour montrer que l’Amérique assumait son « fardeau » (mais aussi souligner que l’Afrique subsaharienne pouvait bien avoir des exigences mais était loin encore d’assumer ses responsabilités : plus de 85 % des populations des zones rurales vivent sans électricité !), il a annoncé la mise en place d’un plan « Power Africa » : 7 milliards de dollars pour permettre à l’Afrique d’accéder à l’électricité par l’exploitation de ses ressources minérales mais aussi la mise en œuvre de nouvelles sources d’énergie ; géothermie, hydraulique, éolien, solaire...

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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