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Blaise Compaoré lance son « appel du 18 juin » à tous les Maliens pour construire la paix (2/2)

Publié le samedi 22 juin 2013 à 17h39min

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Blaise Compaoré lance son « appel du 18 juin » à tous les Maliens pour construire la paix (2/2)

Mardi 18 juin 2013. 17 h 30. Blaise Compaoré prononce son discours de clôture de « la cérémonie de signature de l’accord préliminaire à l’élection présidentielle et aux pourparlers inclusifs de paix au Mali ». C’est un discours plus politique que protocolaire. Blaise sait que, comme venait de me le dire Djibrill Y. Bassolé, « c’est maintenant que ça commence ».

S’il en souligne le « caractère équilibré, réaliste et pragmatique », il note ses deux aspects essentiels. 1 - c’est d’abord un accord en vue de la « tenue de l’élection présidentielle » ; 2 - « il ouvre la voie à des pourparlers inclusifs visant l’établissement d’une paix définitive, la sécurité sur toute l’étendue du territoire national, la réconciliation de la nation malienne avec elle-même, l’avènement et la consolidation d’une bonne gouvernance dans toutes ses composantes politique, économique, sociale et culturelle, vecteur de développement et de bien-être partagés ».

C’est une vraie feuille de route pour l’ensemble de la classe politique malienne ; mais ce n’est pas là l’essentiel. L’essentiel sera dit quelques instants plus tard : « Le processus de sortie de crise par le dialogue que vous venez de matérialiser à travers le présent accord doit consolider et accélérer la dynamique d’édification d’une nation malienne prospère, riche de sa diversité, de son unité et de sa cohésion, d’une nation malienne mobilisée pour enrayer les fléaux de l’extrémisme religieux, du terrorisme, des trafics illicites et de la criminalité transfrontalière ». C’est reconnaître-là que la crise malienne a bien deux aspects.

Deux aspects soulignés par Blaise Compaoré lors de son point de presse à Vienne (cf. LDD Burkina Faso 0366/Lundi 17 juin 2013). Un double aspect bien oublié ces dernières semaines alors que l’attention est focalisée sur la négociation au sujet de Kidal, autrement dit la question Touareg. La région est confrontée à une situation sécuritaire difficile qui s’est aggravée non seulement du fait de l’impéritie du gouvernement de Bamako à l’égard de la situation qui prévalait dans le Nord-Mali mais également des « accommodements » (on pourrait même dire la « connexion ») entre certaines des « élites » du Nord et du Sud avec les… « islamistes radicaux », les « terroristes », les « mafieux ».

Il s’agit donc de changer la donne politique au Mali. Et ne pas penser que Bamako pourra perpétuer demain les pratiques d’hier une fois que l’élection présidentielle aura été organisée. Blaise Compaoré le dit fermement. Son discours est une « exhortation ». Et la « forte mobilisation de la communauté internationale » vient en renforcer l’impact. Il rappelle ainsi que, si la médiation a été menée sous la responsabilité des Burkinabè, l’UA, l’UE, l’OCI, l’ONU lui « ont apporté un appui constant et multiforme ». Il fait même référence à l’engagement de l’Ivoirien Alassane D. Ouattara, président de la Cédéao, et du Nigérian Goodluck Jonathan, médiateur associé, dont « l’engagement personnel » a permis « la réussite de cette mission ».

Il ajoute dans cet éloge le nom de Dioncounda Traoré et il sera le seul, tout au long de cette cérémonie, à faire référence au président par intérim de la République du Mali. Ce qui est aussi une façon de le placer en face de ses responsabilités. On ne peut pas être plus clair ? Si, et le président du Faso va également citer, sans en privilégier aucun, les Etats « dont l’implication à nos côtés à permis d’atteindre les objectifs que nous nous sommes assignés » : Algérie, France, Mauritanie, Niger, Tchad et Suisse. Il est 17 h 40. Bassolé arbore un énorme sourire de soulagement. Emmanuel Beth, l’ambassadeur de France (dont on dit qu’il est en fin de mission), me dit : « ça va mieux ; maintenant, c’est fini ». Tiébilé Dramé qui, depuis plusieurs semaines, en tant que conseiller spécial du président malien a été l’interlocuteur de la médiation et de la « communauté internationale », est assailli par une foule de journalistes.

Depuis qu’il a pris ses habitudes à Ouaga, il s’est imposé comme l’homme incontournable. Il poursuit dans ce rôle, évoquant « un tremblement de terre pendant dix huit mois », alors qu’il apparaît comme le « dindon de la farce » de cette cérémonie : aucun des intervenants n’a prononcé une seule fois son nom et après avoir été sur le devant de la scène le voilà remis dans la coulisse du fait de l’irruption inattendue du colonel Moussa Sinko Coulibaly, certes ministre de l’Administration territoriale (et à ce titre directement concerné par la présidentielle de juillet 2013), mais aussi un proche de l’ex-chef de la junte, le capitaine Sanogo… !

Faut-il parler d’éviction ou de mise sur la touche de Dramé ? On évoque son intransigeance, son absence le vendredi 7 juin 2013 qui a obligé à reporter la cérémonie d’ouverture (cf. LDD Burkina Faso 0362/Vendredi 7 juin 2013), son impréparation, le lendemain, alors qu’on s’attendait à une intervention structurée, son retour inattendu à Bamako le lundi 10 juin 2013, son retour « Inch Allah » à Ouaga qui n’aura lieu qu’en fin de semaine après que Bassolé ait rejoint Bamako pour mettre les pendules à l’heure burkinabè. Candidat à la présidentielle 2013, Dramé a pris en compte l’état d’esprit régnant à Bamako : homme de la médiation, il risquait d’apparaître comme l’homme de la capitulation face aux Touareg, abhorrés par la population depuis le massacre d’Aguelhok, en janvier 2012. Mais, manifestement, cette situation n’était pas perçue par les « spectateurs » de la cérémonie du 18 juin 2013.

Alors qu’on pensait la journée terminée, Dramé va réapparaître dans le scénario. Pas dans son meilleur rôle. L’article 24 de l’accord préliminaire stipule que tous les « groupes armés » qui s’y reconnaissent peuvent y adhérer s’ils s’engagent « à respecter toutes ses dispositions sans condition ». Blaise Compaoré avait souligné que c’était une « vertu cardinale de l’accord ». A 18 h, après une brève interruption de séance, MNLA et Haut Conseil de l’Azawad vont céder la place au Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) et à la Coordination des mouvements des forces patriotiques de résistance du Mali. Ils étaient apparus à Ouaga alors que la phase finale de la médiation était entamée. La presse avait évoqué des « groupes retardataires ». Dans l’après-midi du 8 juin 2013, ils seront reçus par le président du Faso. Sans que l’on sache vraiment qui ils étaient ni ce qu’ils représentaient.

Ahmed Ould Sidi Mohamed, secrétaire général du MAA, avait d’ailleurs considéré qu’il s’agissait « plutôt d’une prise de contact avec le médiateur qui, apparemment, est de bonne fois, en nous conviant* ». Me Mohamed Bady, coordonnateur du MAA, était tout autant incertain dans ses déclarations : « A l’issue des négociations, nous verrons si nous allons prendre part ou non à l’élection prévue pour bientôt* ». On ne peut pas être plus désobligeant. A en croire la rumeur, ces groupes seraient inféodés à Dramé qui entendait ainsi ne pas avoir, face à lui, que le MNLA et le HCA, les « durs » du Nord.

Voilà donc les « retardataires » appelés à partager le repas pris en commun. Autrement dit à adhérer à l’accord préliminaire. Lecture par Bassolé de cet acte d’adhésion. Parole aux deux groupes qui se disent « groupes armés non terroristes non indépendantistes ». L’intervenant rend hommage à l’action de Tiébilé Dramé. On lui signale que le représentant du gouvernement est le ministre de l’Administration territoriale. Ah, il « n’avait pas constaté sa présence » mais le trouve très bien aussi. On pense rêver. Mais non. Fin d’intervention. Blaise va alors poser la question : une seule intervention pour les deux groupes ? Oui, affirme Ahmed Ould Mohamed, secrétaire général du MAA, qui n’est pas intervenu ; il se reprend et dit qu’au sujet du « respect sans condition » de l’accord, il a « un complément » à apporter. Il le cherche, ne le trouve pas ; ses collaborateurs non plus. Cela tourne au gag. Il s’arrête là. Ouf. Il est 18 h 20. Le président du Faso peut lancer son « appel du 18 juin ».

* Propos recueillis par Alban Kini, Sidwaya du 10 juin 2013.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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