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Crise économique : La Côte d’Ivoire "pleure" ses entreprises mortes

Publié le vendredi 7 janvier 2005 à 07h31min

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200 000 emplois perdus, 40 milliards de F CFA de dégâts, plusieurs centaines d’entreprises fermées : les violences de novembre dernier et le départ des expatriés ont mis l’économie ivoirienne à genoux. Pour longtemps.

Tout est bon pour rassurer les opérateurs économiques qui ont quitté la Côte d’Ivoire lors des violences de novembre dernier. Le Comité de crise secteur public/secteur privé mis en place par le ministre de l’Economie et des Finances préconise ainsi la mise en place d’une brigade spéciale pour assurer la sécurité des entreprises, le renforcement de la surveillance terrestre et aéroportuaire, l’allégement des charges fiscales pour 2004-2005, la défiscalisation des prêts contractés par les entreprises, le remboursement rapide des crédits de TVA, l’identification des aides et subventions à apporter aux sociétés...

"Tout tourne au ralenti"

Autant de mesures destinées à convaincre de rentrer les quelques 8000 étrangers, dont 73% des cadres travaillant pour les sociétés françaises selon le Mouvement des entreprises de France (MEDEF). Mais il en faudra plus à ces expatriés pour reprendre leurs activités. Début décembre 2004, Michel Roussin, président du comité Afrique du MEDEF, déclarait que "l’état d’esprit général n’est pas au retour".

A dix mois du scrutin présidentiel, la crainte de troubles liés aux blocages dans l’application des réformes politiques (révision du Code sur la nationalité, des conditions d’éligibilité à la présidence de la République, de la loi sur la commission électorale indépendante...) reste très vivace. Avec l’accalmie, seuls quelques opérateurs regagnent discrètement le pays pour s’enquérir de l’état de leurs sociétés, mais "tout tourne au ralenti", constate l’Ivoirien Daniel Bréchat, président du Mouvement des petites et moyennes entreprises. "J’ai rouvert, mais le travail n’est pas fait au tiers et ne peut pas servir à payer les salaires", continue-t-il.

La Côte d’Ivoire continue de ressentir durement les contrecoups des violences organisées par les Jeunes patriotes, les milices pro-gouvernementales, du 6 au 9 novembre dernier, en représailles à la destruction de la flotte aérienne par l’armée française. Des milliers de partisans du président Laurent Gbagbo s’étaient alors livrés à la chasse aux Blancs et à des actes de vandalisme sur des sociétés appartenant aussi bien aux expatriés qu’à des nationaux.

Déjà en janvier 2003, après la signature des accords inter-ivoiriens de Linas-Marcoussis en banlieue parisienne, les biens des étrangers avaient été la cible de pillages menés par des partisans du régime. Ces violences avaient poussé certains opérateurs économiques à délocaliser leurs entreprises dans d’autres pays de la sous-région (Ghana, Sénégal...). Face à l’insécurité incessante et à l’instabilité, la BAD (Banque africaine de développement)-, comme d’autres institutions internationales, avait quitté Abidjan pour Tunis. "Mais cette fois, c’est pire. Les conséquences sont plus dramatiques", constate avec amertume Paul Marie Vernon, gérant d’un complexe hôtelier à Abidjan aujourd’hui déserté.

40 milliards de F CFA de pertes

Selon la Direction des relations économiques extérieures (DREE) du ministère français des Finances, 144 filiales de sociétés françaises ont été pillées et détruites. "Cent vingt PME (Petites et moyennes entreprises, ndlr) ont disparu, 106 entreprises sont fermées ou n’ont pas repris leur activité à cause de la détérioration de leur outil de production", complète Diack Diawar, président du Conseil national du patronat (CNP). Un rapport du Comité de crise, qui regroupe gouvernement et opérateurs ivoiriens, estime l’ensemble des dégâts à environ 40 milliards de F CFA (environ 61 millions d’euros) et précise que près de 9 000 personnes disposant d’un pouvoir d’achat très élevé feront défaut sur le marché de la consommation.

Les entreprises françaises ne sont pas les seules touchées : "Des Ivoiriens ont eu leurs installations cassées. Ma société de vente de matériel informatique a été détruite. Il en est de même pour la pharmacie Leader et la Librairie de France qui appartiennent à des Ivoiriens. Nous sommes aussi sinistrés que les expatriés", réagit Michel Meya, ingénieur informaticien. Un bilan désastreux pour l’économie ivoirienne, qui repose en partie sur le dynamisme des entreprises étrangères.

La France, premier client du pays, y dispose à elle seule de 600 PME, soit plus de la moitié du total. Les ressources de l’Etat ivoirien sont aussi mises à mal : plus de la moitié des recettes fiscales proviennent des entreprises françaises. Il n’est pas évident que le gouvernement puisse payer les fonctionnaires durant les prochains mois.

Sur le plan social, le rapport estime que 200 000 emplois risquent d’être perdus du fait des pillages, du départ des expatriés et de la délocalisation de plusieurs entreprises et institutions. "Ma vie s’écroule car le patron est parti, traumatisé. Je venais à peine d’emménager dans un nouvel appartement. C’est la catastrophe pour ma fiancée et moi", se lamente Alain T., ancien responsable des ventes dans une entreprise française de bureautique. Il n’est pas le seul. Tous ceux qui se retrouvent au chômage sont désemparés ; certains ont même tenté de se suicider. La reconversion s’annonce difficile.

Yacouba SANGARE (SYFIA)

Le Pays

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