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Fraude et évasion fiscales : Les sanctions encourues

Publié le mercredi 5 janvier 2005 à 07h04min

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Chaque 31 décembre est consacré par les textes, et notamment le Système Comptable Ouest Africain (SYSCOA) et le code des impôts, comme la date de clôture des bilans et comptes de gestion des entreprises.

L’administration fiscale attend de ces contribuables que les déclarations de revenus soient conformes à la réalité de leurs affaires. C’est donc dire qu’elle est très regardante envers tous les cas de diminution ou de manipulation de la base imposable. Sont de ces cas la fraude et l’évasion fiscales.

Définitions

La fraude et l’évasion fiscales font partie des actes ou des comportements qui ont pour finalité la contestation du pouvoir fiscal, c’est-à-dire le refus de l’impôt. Ce sont des formes de résistance, conscientes ou non, à l’ordre fiscal.

Le code des impôts n’a pas expressément donné des définitions légales de ce que sont la fraude et l’évasion fiscales. Si l’on s’en tient à la doctrine (française), la fraude fiscale peut être définie comme « une infraction à la loi commise dans le but d’échapper à l’imposition ou d’en réduire le montant » (voir P. Beltrame, l’impôt, éd. M.A., 1987). Il y a au moins deux éléments qui doivent être réunis pour qu’il y ait fraude fiscale :
- l’élément matériel : la fraude fiscale est concrète pour l’administration fiscale. Elle aboutit à la dissimulation de tout ou partie de la base imposable ; il y a donc un manque à gagner pour le Trésor public. L’élément matériel consiste donc à augmenter les charges et/ou à réduire les recettes de l’entreprise. Cet élément matériel doit cependant être démontré par les services des impôts en cas de contrôle.
- L’élément intentionnel : c’est l’élément le plus important car le plus difficile à prouver. L’infraction est constituée lorsque le contribuable à qui l’on reproche la fraude l’a fait de manière délibérée, de manière intentionnelle. A ce niveau, il y a lieu de faire la différence (comme l’a du reste fait le code général des impôts français) entre l’acte volontaire, donc frauduleux et l’acte involontaire. Il s’agit alors de distinguer, dans l’application de la loi fiscale, la bonne ou la mauvaise foi du contribuable, la bonne foi étant l’erreur involontaire (on parle également de simple erreur) et la mauvaise foi étant l’acte frauduleux.

A côté de la fraude fiscale, il y a l’évasion fiscale, qui est la manifestation évidente de la « manipulation » de la loi fiscale par le contribuable. Le contribuable parvient à échapper à l’impôt, c’est-à-dire qu’il minore volontairement la base imposable (soit en augmentant les dépenses, soit en diminuant les recettes) sans pour autant violer la loi fiscale. Pour cela, il va lire attentivement les textes fiscaux et va donc profiter de certains vides juridiques, ou (faits plus nouveaux dans nos pays) en se servant des nombreuses possibilités qui lui sont offertes au plan sous régional ou international. On peut tout simplement dire que dans l’évasion fiscale, le contribuable "respecte" les textes fiscaux.

On voit donc que les deux notions, même si elles apparaissent différentes, aboutissent au mêmes résultats. C’est la raison pour laquelle certains refusent de faire la distinction entre les deux et estiment qu’il est mieux de corriger le vide juridique en révisant la loi fiscale, ce qui est réellement plus simple à dire qu’à faire, surtout lorsque l’on est en face de l’évasion fiscale internationale.

Manifestations

Les causes de la fraude et de l’évasion fiscales sont multiples et extrêmement variées. Il serait hasardeux de se risquer à les citer ou à déterminer laquelle des causes est la plus pratiquée ou la plus déterminante. On peut cependant citer pèle mêle (et sans que cela ne soit exhaustif) l’inadaptation du système fiscal, le refus des contraintes (dans le sens du caractère obligatoire ou contrayant de l’impôt), l’idéologie (certaines théories vont jusqu’à denier à l’Etat la faculté de diriger "la vie" des hommes et des femmes qui composent un pays), l’étatisme (à ne pas confondre avec l’idéologie), les mentalités, le goût des risques, la conjoncture économique, la pression fiscale ou même l’appât du gain.

Les manifestations de la fraude fiscale sont aussi variées. Au regard des constats, on peut citer entre autres les cas :
- d’omissions volontaires de déclarations : le contribuable ne déclare pas par exemple l’IUTS de ses employés à la date retenue ;
- de dissimilation de revenus : le contribuable ne déclare pas tous les revenus ou ne déclare rien du tout. La tentation est ici grande quand on sait que le système fiscal burkinabé (et du reste de la plupart des pays francophones) est du type déclaratif et que les moyens mis à la disposition des agents pour le contrôle fiscal restent encore insuffisants ;
- d’organisation par le contribuable de son insolvabilité : il s’agit pour le contribuable de montrer à l’administration fiscale que la matière imposable n’existe plus, suite à de mauvaises affaires ou de faillite de son entreprise. C’est par exemple d’un contribuable qui, sachant qu’il sera sous le coup d’un contrôle fiscal, vend les biens de l’entreprise, ou les met « sous le couvert » de son conjoint, ou même dissout par anticipation son entreprise par des voies somme toutes légales ;
- d’omissions de passation d’écritures ou de passation d’écritures inexactes ou fictives : même si le résultat fiscal est différent du résultat comptable (du fait de l’indépendance du droit comptable et du droit fiscal), il faut souligner que c’est le second résultat qui détermine le premier résultat.

On détermine le résultat comptable, puis on applique les règles propres à la fiscalité pour parvenir au résultat fiscal. Cela veut dire que si en comptabilité, toutes les écritures ne sont pas passées, il y a le risque de fraude fiscale ;
- d’autres manifestations sont aussi perceptibles et touchent de manière spécifique certains impôts tels que la TVA, la production de pièces fausses ou inexactes en vue de bénéficier d’une exonération fiscale, etc.

En ce qui concerne l’évasion fiscale, les manifestations sont plus difficilement perceptibles, en raison de la nature même du phénomène. On peut néanmoins citer les cas de l’utilisation de la TVA par le contribuable comme une trésorerie. La TVA récupérée et qui n’est pas encore reversée à la date limite est utilisée par le contribuable pour augmenter le volume de ses affaires, et ainsi il dispose de revenus sans frais en réalité.

Répression

La fraude et l’évasion fiscales sont-elles condamnées par la loi ? Autrement, le contribuable qui s’adonne ou qui est reconnu coupable de fraude et/ou d’évasion fiscales peut-il être poursuivi ?

En ce qui concerne la fraude fiscale, la réponse est évidente. De par sa définition, il n’y a pas d’hésitation. La fraude fiscale étant une violation de la loi fiscale est punie par la loi. Au Burkina, la loi désigne principalement le code des impôts, le code de l’enregistrement et du timbre, le code des douanes et le code pénal.

En effet, le code des impôts par exemple, même s’il ne définit pas expressément la fraude fiscale, détermine les sanctions qu’encourt un contribuable qui ne déclare pas ses revenus ou qui les déclare insuffisamment. Ces sanctions consistent essentiellement en des pénalités ou en des majorations d’impôts à payer en sus des droits simples. Sur le plan pénal, la fraude fiscale étant un délit peut être aussi l’objet de répression devant les tribunaux.

Même si au Burkina, on n’a pas encore connu des peines d’emprisonnement pour fraude fiscale, il n’empêche que ce sont des armes à la disposition du pouvoir judiciaire. En fait, la question réside beaucoup plus dans la distinction entre l’erreur volontaire (donc frauduleux) et l’erreur involontaire (une simple erreur). Dans le droit burkinabé, il n’y a pas de réelles différences, en matière de sanction, entre les deux actes.

En somme, que l’acte soit volontaire ou involontaire, le contribuable sera sanctionné, au moins par des pénalités ou des majorations. Le code des impôts traite aussi des cas de récidive en partant probablement de l’hypothèse que la récidive est toujours volontaire. Autrement le contribuable qui a mal appliqué la loi fiscale, mais qui est de bonne foi, sera sanctionné selon les mêmes règles que s’il était de mauvaise foi. Cette attitude du législateur burkinabé n’est pas celle qui se pratique dans d’autres pays. En France par exemple, la bonne ou la mauvaise foi sont des éléments qui comptent dans l’application des sanctions : "....

si le contribuable a omis de bonne foi d’appliquer correctement les textes en vigueur, il y aura une simple erreur dont le redressement par les services fiscaux ne comportent généralement pas de majorations ou pénalités, sous réserve des intérêts de retard » (conseil des impôts, rapport au Président de la République, 1977)
La répression de l’évasion fiscale est encore plus difficile. Pour qu’il y ait répression, il faut une infraction. Néanmoins certains auteurs pensent que l’on peut utiliser la théorie de l’abus de droit pour réprimer l’évasion fiscale. Cette justification, même si elle est contestable, a l’avantage de mettre à l’abri la responsabilité du législateur dans la rédaction des textes.

L’importance de ces deux phénomènes est aussi difficile à évaluer, notamment en termes de manque à gagner pour le Trésor public. On se souvient que le Ministre de l’Economie et du Développement, devant la représentation nationale, a chiffré la fraude fiscale à quelques milliards de francs CFA. Dans tous les cas, il est évident que dans le contexte de libéralisation des échanges et d’harmonisation des législations fiscales, il est à craindre qu’il y ait une amplification de leurs effets.

Amadou N. YARO
Professeur
Directeur Général du Centre d’Enseignement
à Distance de Ouagadougou
Tel : 50 39 66 37
Email : eliou @ fasonet.bf

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