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Concessionnaires de chasse : "Les chasseurs sont des clients"

Publié le vendredi 31 décembre 2004 à 07h41min

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C’est à la faveur de la réforme du secteur de la faune, que les concessionnaires ont trouvé opportun de s’organiser en consortium. Il s’agit en fait d’une association dénommée "Le royaume du trophée" qui regroupe la quasi-totalité des concessionnaires des zones de chasse, à savoir 15 sur un total de 28.

Son objectif principal est de travailler à améliorer la qualité de la chasse au Burkina. Le regroupement permet surtout de participer à des salons à l’étranger, en Europe particulièrement, pour vendre la destination Burkina. Mais, il y a quelques problèmes.

"Le Pays" : Comment en êtes-vous arrivés à créer "Le royaume du trophée" ?

Nouffou Compaoré : La promotion des concessions de chasse à l’étranger revient excessivement cher. Pour participer à un salon de chasse en France, ne serait-ce que le week-end (vendredi - samedi - dimanche), il faut pas moins de 8 millions pour le stand, et 12 quand c’est au Etats-Unis.
Ces salons sont très spécialisés et en ces endroits nous recrutons des clients potentiels. On est obligé de se mettre ensemble pour limiter les frais.

L’Etat reproche à certains d’entre vous de ne pas respecter tous les termes du protocole, les investissements recommandés ne sont pas effectifs partout...

Nous avons effectivement des obligations vis-à-vis du cahier des charges. En tant que partenaires de l’Etat et des populations riveraines, nos membres essayent tant bien que mal de respecter les termes même s’il y a quelques difficultés.

Concrètement, le problème se situe à quel niveau ?

Il s’agit des investissements pour aménager les sites. Vous savez que tout cela est à notre charge. Les banques classiques rechignent parce que c’est un secteur nouveau qui nécessite des investissements lourds. La plupart d’entre nous investissent sur fonds propres. Ceux qui ne le peuvent pas ne peuvent donc pas respecter le cahier des charges comme il se doit.

Tout est à notre charge : infrastructures d’accueil, pistes, salines etc. Dans le protocole d’accord, l’Etat devait également remplir sa part de contrat en nous aidant à travers le code d’investissement, pour faciliter le développement du secteur. Voyez, les sociétés minières bénéficient énormément d’avantages fiscaux mais elle laissent des tranchées après leur départ. Nous, concessionnaires avons l’obligation de faire des salines, de lutter contre le braconnage pour assurer la viabilité des zones de chasse. Ceci dit nous sommes répertoriés au régime D du code des investissements mais depuis, nous ne bénéficions pas des avantages y liés.

Revenons sur le partenariat tripartite entre l’Etat, vous et les populations. A quel niveau situez-vous les chasseurs nationaux organisés en association ?

Nous considérons les chasseurs nationaux comme des collaborateurs. Avant d’être des concessionnaires, nous sommes aussi des chasseurs. Nous avons collaboré avec eux pour mettre en route cette réforme. C’est grâce à l’ensemble de tous les acteurs que nous sommes arrivés à mettre en place ces outils de travail à travers le consensus.

Cependant les chasseurs étaient les grands absents de la cérémonie de lancement de la campagne. La rumeur dit que les chasseurs et vous n’êtes pas en très bon termes !

C’est un fait que j’ignore.

De l’avis de certains chasseurs, ils ne sont pas les bienvenus sur les sites des concessionnaires, qui préfèrent de loin les étrangers.

Je ne crois pas que nous puissions leur refuser cela. Ce sont des partenaires et ensuite ce sont des clients. J’ignore, pour ma part ce problème. Il est peut-être nouveau !

A quel régime sont les chasseurs nationaux ?

Très franchement, en matière d’organisation de la chasse, il y a ce qu’on appelle la programmation. Les chasseurs qui viennent de l’étranger sont souvent programmés un mois à l’avance. Nous avons un quota fixé par le ministère qu’il ne faut pas dépasser. Il est également interdit de faire des surcharges de zone. Par exemple, sur notre concession (Arly) on ne peut pas faire quatre grandes chasses par semaine !

S’il se trouve qu’on a déjà quatre chasses programmées et qu’un Burkinabè se présente, on ne peut pas le prendre dans la même période. Mettre plusieurs personnes en même temps crée de l’insécurité et menace aussi l’équilibre de la faune et le respect des quotas.
Les clients, pour être programmés versent des acomptes et on bloque la période choisie pour eux. Quand c’est saturé, on fait des propositions de dates.
Et puis, au niveau des tarifs, les nationaux ont un taux spécial qui est à 50% moins cher par rapport celui des expatriés et des chasseurs qui viennent d’Europe. C’est comme pour les permis de chasse l’hébergement, les sorties terrain, etc.

C’est donc plus un problème de calendrier que de prétendue discrimination, selon vous ?

Absolument.

A propos des quotas, il ressort du bilan du ministère, que les concessionnaires (certains en tous cas) ne les respectent pas et que vous ne déclarer pas les vrais chiffres d’affaires.

L’établissement des quotas relève entièrement du ministère chargé de la gestion de la faune. C’est lui qui impose les quotas suivant les zones. Il les fixe après un travail technique qui permet de prélever sans dommage sur la faune différentes espèces. Pour ce qui est des bilans chiffrés, tout le monde ne maîtrise pas l’outil proposé pour le faire. Notre association a d’ailleurs commandité une étude à cet effet pour trouver un outil efficace et consensuel.

Pour vous, qu’est-ce qu’un chasseur professionnel ?

Ce sont ceux qui viennent pour les trophées, pas pour la viande. Techniquement, on dit que le chasseur doit chercher un beau trophée. Cela veut dire : ne pas tirer sur un jeune ou sur une femelle. Il tire sur un vieux mâle. Souvent même, c’est le solitaire qu’il faut rechercher. Il y a des chasseurs qui paient pour un safari d’une à deux semaines et qui rentrent quelquefois bredouilles sans tirer un seul coup de feu parce qu’ils n’ont pas vu le trophée qui leur convenaient.

Le métier de concessionnaire nourrit-il son homme ?

Oui ! Si on travaille sérieusement. Il y a des investissements à faire dans le temps. Et il ne faut pas être pressé. Ce n’est pas de l’import-export. Il y a en parmi nous qui ont investit pendant trois ans et n’ont tiré aucun coup de fusil.
Le problème, c’est de trouver des gens qui ont l’amour de la chasse et qui veulent investir sans récolter tout de suite.

Cela dit, il y a des moutons noirs comme dans toute profession, et l’intérêt de l’association, c’est de formuler des règles de conduite et une éthique du métier pour être en adéquation avec la nécessité de préserver la nature et la faune et en même temps gagner de l’argent.
La notoriété du Burkina en matière de chasse est un fait. Il s’agit de la consolider et de travailler à avoir plus de touristes.

Propos recueillis par Abdoulaye TAO
Le Pays

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