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Les Etalons en Tunisie : La déception de l’année

Publié le vendredi 31 décembre 2004 à 07h35min

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Rarement mobilisation aura été aussi grandiose autour du onze national du Burkina, dans le cadre d’une coupe d’Afrique des nations de football. En effet, pour Tunisie 2004, le peuple burkinabè et le Tout-Etat, à travers l’Initiative nationale de soutien aux Etalons (INSE), ont mobilisé presqu’un milliard de FCFA pour la préparation de l’équipe et d’autres volets.

Mais sur le terrain, les résultats n’ont pas répondu à l’attente du public sportif. Un but seulement marqué en trois sorties et une déconvenue face au Kenya ; c’est vraiment la grosse déception de l’année, au regard des ressources qui ont été dégagées pour la circonstance.

Pour les éliminatoires de la CAN 2004, le Burkina Faso était dans le groupe 4 avec la République centrafricaine, le Congo Brazzaville et le Mozambique. Contrairement aux éditions précédentes, la particularité de la compétition était qu’il y avait une seule place à prendre. C’est-à-dire que le pays qui terminait en tête du classement était seul qualifié pour la phase finale. Avant que le tournoi ne débute, ils étaient nombreux ceux qui pensaient que les Etalons marcheraient sur leurs adversaires. Mais après la phase aller, ce sont les Diables rouges du Congo qui, contre toute attente, tenaient les commandes, avec 7 points, suivis des Etalons (4 points).

Les Mambas du Mozambique et les Fauves de Bazoubangui fermaient la marche. A trois longueurs du leader, les commentaires allaient bon train et le doute avait commencé à trotter dans l’esprit de bon nombre de supporters du onze national. C’est donc sous la pression que les poulains de Jean Paul Rabier vont débuter la deuxième phase des éliminatoires. Avec deux matches à domicile et un autre à l’extérieur, ils n’avaient plus droit à l’erreur. Le premier match retour, c’était le 7 juin 2003 contre les Mambas au stade du 4-Août. Les Etalons, gonflés à bloc devant leur public, l’avaient emporté par 4 buts à 0.

Du coup, on s’était remis à espérer. Deux semaines plus tard, sur ce même stade, ils allaient encore remettre ça en dominant les Diables Rouges (3-0). Le Burkina, à cette étape, totalisait 10 points tandis que le Congo en avait 8. C’est à Bangui qu’il fallait désormais aller chercher la qualification. Le Congo, quant à lui, jouait à domicile contre le Mozambique, et compte tenu de certains facteurs, il s’agissait pour les Burkinabè de gagner coûte que coûte à l’extérieur.

Conscients une fois de plus de l’enjeu, les joueurs ont mis tous les atouts dans leur camp en réussissant à frapper un grand coup dans l’antre des Fauves (3-0). A Brazzaville, dans ce duel à distance entre le premier et le deuxième du groupe, les Congolais avaient été tenus en échec par les Mozambicains (0-0). Les Etalons venaient ainsi de confirmer qu’ils font partie des pays désormais habitués à la CAN, avec une cinquième participation d’affilée.

L’appel de la nation

Trois mois après les éliminatoires, c’est le 20 septembre 2003, à Tunis, que la CAF a procédé au tirage au sort de la phase finale (24 janvier au 14 février 2004). Comme on le sait, le Burkina Faso a tiré le Sénégal, le Mali et le Kenya. Maintenant, il fallait se donner les moyens pour la préparation dans l’optique de faire bonne figure, surtout qu’il y avait deux gros calibres dans ce groupe B. A quatre mois du tournoi, on a trouvé la potion magique à travers l’Initiative nationale de soutien aux Etalons (INSE) dont le but était de collecter des fonds pour appuyer le onze national.

Notons au passage qu’une partie des souscriptions devait aussi prendre en charge les juniors, qui préparaient la coupe du monde de leur catégorie aux Emirats arabes unis à partir du 29 novembre 2003. « Les Etalons et moi, c’est la victoire ». C’est le slogan qu’on pouvait lire sur des affiches, dans les différentes artères de la ville de Ouaga, de Bobo et même dans les autres provinces. La Chambre de commerce, d’Industrie et d’Artisanat pilote l’opération sous la houlette d’El Hadji Oumarou Kanazoé. Le 11 novembre 2003, l’INSE entre dans sa phase pratique des souscriptions volontaires.

Lors d’une cérémonie solennelle à la maison du Peuple de Ouagadougou, le président de l’INSE, El Hadji Oumarou Kanazoé a donné le ton en souscrivant pour 100 millions de FCFA. Les charges de la coupe du monde et de la CAN 2006 avaient été évaluées, on le sait, à 1 milliard cent millions de FCFA. Lors de cette même cérémonie, Hamadé Ouédraogo, le président du comité technique de coordination de l’INSE, avait invité chacun à faire parler son portefeuille selon ses moyens.

Pour les besoins de la cause, on avait fait des tickets de souscription de 100, 500, 2000 et 5000 FCFA pour permettre aux Burkinabè de toutes conditions, de répondre à l’appel de la nation. Les personnes qui ont du foin dans leurs bottes ainsi que les sociétés et entreprises étaient priées de contribuer substantiellement. C’est ainsi qu’O.K., qui a été le premier à souscrire, a lâché un chèque de 100 briques, comme indiqué plus haut. Ceux qui lui ont emboîté le pas ce jour-là furent Apollinaire, Compaoré qui a remis 25 millions, Lassiné Diawara, 20 millions, Mamadi Sanoh, 10 millions et Simone Zoundi, 1 million.

Au total ce sont 156 millions de FCFA qui ont été récoltés, rien que lors de cette cérémonie de lancement à Ouaga. Des cérémonies similaires ont eu lieu à Bobo le 13 novembre, à Ouahigouya le 15 novembre et à Koupela le 16 novembre. Il y a eu de l’engouement pour cette opération et le message est passé dans tout le Burkina. Le vendredi 8 janvier 2004, l’INSE organise une grande soirée de Gala à l’intention des joueurs à la salle des banquets de Ouaga 2000.

A cette cérémonie, on notait la présence du Président du Faso, et la plupart des convives étaient des opérateurs économiques. A cette même date, plus de 750 millions de FCFA avaient déjà été récoltés à travers tout le pays. A ce gala, plus de 65 millions de FCFA en espèces, chèques ou sous la forme d’intention de souscription sont venus étoffer la somme déjà récoltée. Le clou de la manifestation fut la remise des couleurs nationales par le premier capitaine des Etalons, le Président du Faso, à Rahim Ouédraogo en l’absence du capitaine Mahamoudou Keré.

L’émotion flottait visiblement dans la salle et tout le monde était debout, les yeux embués de larmes. On a entonné, à l’unisson, le Ditanyé ou si vous préférez, l’hymne de la victoire, de petits drapeaux en main. Le président n’a pas parlé ce jour-là, mais avec la remise du drapeau, il n’y avait pas meilleure manière pour fouetter l’orgueil des joueurs pour qu’ils prennent conscience de leur mission. C’est comme des soldats qui montent au front. Maintenant que le peuple a joué sa partition, la balle était désormais dans le camp des Etalons. Deux jours après le gala, le sélectionneur national, Jean Paul Rabier et ses poulains prennent l’avion pour Toulon, en France, afin de fourbir leurs armes.

Grandiose fut la cérémonie d’ouverture

C’est le 21 janvier 2004 qu’ils ont débarqué à Tunis où ils ont élu domicile à l’hôtel Renaissance en même temps que le Syli national de Guinée. La Tunisie est déjà prête à accueillir la grand’messe du football africain. Tunis en ce samedi 24 janvier, invitait l’Afrique entière dans la petite cité de Radès pour la cérémonie d’ouverture de la 24e édition de la coupe d’Afrique des nations.

A la tribune d’honneur, outre le président tunisien Ben Ali, il y avait d’éminentes personnalités, notamment le président malien Amadou Toumani Touré, le président de la FIFA, Joseph Blatter, le président de la CAF, Issa Hayatou, le secrétaire général de l’Union arabe de football, Othman Al Saad, le président de la Confédération asiatique de football, Mohamed Houmam, le président de la Fédération internationale de hand-ball, Hassan Mustapha, et le président du conseil supérieur du sport en Afrique, Mohamed Moussa.

Bien d’autres personnalités sportives internationales et des champions célèbres assistaient également à la cérémonie d’ouverture, qui a été précédée par le défilé des équipes participantes. Dans une succession de fresques aussi belles les unes que les autres, la cérémonie d’ouverture, qui a été grandiose, a réuni 2500 artistes : de jeunes gens et de jeunes filles appuyés par 500 élèves de l’Académie militaire.

Tout y passa, des Carthaginois aux Phéniciens en passant par l’Afrique forestière, dans un ballet de lumières, de sons et de feux d’artifices. Hannibal, sur son cheval blanc, régna sur le terrain comme jadis sur une partie du monde. La faune africaine s’y invita l’espace d’un tableau. Un vaisseau phénicien arriva jusqu’au stade par mer et puis par terre, mais choisit de rentrer par les airs. Ce que nous avons vu ce jour-là était merveilleux et, il faut le dire, la Tunisie venait de rompre nettement avec les spectacles fait de clichés, parfois galvaudés.

Début prometteur pour les Etalons

Après le spectacle aux couleurs tunisiennes et africaines, place fut enfin laissée au football avec le match d’ouverture de cette CAN 2004, qui a opposé la sélection tunisienne à son homologue du Rwanda. Dans un stade plein à craquer où l’on rivalisait avec les fumigènes, les Aigles de Carthage se sont imposés par 2 buts à 1. Une victoire sans trop de panache, mais la Tunisie a tout de même réussi son examen de passage pour ce match inaugural. Et c’était l’essentiel car le syndrome de 1994 était toujours présent. Cette année-là, on se rappelle, la Tunisie qui accueillait la CAN avait été battue par le Mali par 2 buts à 0.

Maintenant, intéressons-nous à notre équipe les Etalons, dont la première sortie dans le groupe B était contre le Sénégal le lundi 26 janvier (19h heures locales) au stade olympique d’El Menzah. Dans un fax urgent à quelques heures du coup d’envoi, le président Sénégalais Abdoulaye Wade a demandé à ses chers Lions de donner la pleine mesure des qualités intrinsèques du fauve : la rage de vaincre, la détermination dans l’action... Mais cet encouragement n’a pas fait effet puisque les Lions se sont emmêlés les pattes devant les Etalons qui ne se sont pas laissés dompter.

Dans cette rencontre, bien qu’ayant été dominés sur l’ensemble du match, les nôtres auraient même pu sortir victorieux. Après une première mi-temps difficile face à un adversaire qui avait la mainmise sur le jeu, la sélection burkinabè a su réagir en seconde période. Et cela après avoir fait le plus dur en résistant aux assauts adverses. Au cours des 45 dernières minutes, les joueurs se sont battus avec courage, indépendamment de ce qu’on pouvait attendre d’eux sur le plan physique. D’ailleurs, à un certain moment, il nous est revenu à l’esprit qu’ils sont investis d’une mission.

En tout cas, les nôtres ont tenu la dragée haute au grand favori du groupe B auréolé de son parcours mémorable au mondial 2002. On n’oubliera pas qu’Abdoulaye Cissé a gâché deux nettes occasions de buts qui auraient peut-être influé sur le résultat. Ce qu’on peut retenir de cette première sortie, c’est que les Etalons venaient de réussir le plus difficile. Avec 1 point arraché de haute lutte, ils étaient bien dans la course pour le second tour, et à Ouaga on ne jurait que par eux.

Ecran de fumée

Le 30 janvier 2004 face aux Aigles du Mali, qui avaient signé, d’entrée, un succès face aux Harambee Stars du Kenya. A défaut de gagner, un score de parité n’aurait pas été catastrophique. Mais les hommes de Rabier n’ont pu imposer leur style puisque battus par 3 buts à 1.

Visiblement, ils n’avaient pas suffisamment récupéré après leur débauche d’énergie face aux Sénégalais et en avait payé le prix cash. Menés 2-0 à la pause après avoir fait preuve quelquefois de naïveté en défense, les Etalons sont sortis du brouillard dès le début de la seconde période, pour réduire la marque à la 50e minute par Dieudonné Minoungou. On se remit à espérer, d’autant que l’équipe esquissa quelques coups, mais hélas, sans pouvoir concrétiser. Fraîcheur et spontanéité lui ont fait défaut. Et on ne peut s’empêcher de penser que son nul devant le Sénégal ne constituait en fait qu’un écran de fumée.

Les Aigles se mettront hors d’atteinte à la 75e minute et se voyaient ainsi qualifier pour les quarts de finale. Dans l’autre match, les Sénégalais ont eu raison (3-0) d’un ensemble kenyan qui, malgré sa bonne volonté, n’a eu que son courage pour seul argument. Après deux matches chacun, la situation des quatre formations était la suivante : 1er Mali : 6 points + 4 ; 2e Sénégal : 4 points + 3 ; 3e Burkina Faso : 1 point - 2 et 4e Kenya : 0 point - 5.

Mathématiquement, le coup était encore jouable pour les Etalons. Pour s’accrocher à l’ultime chance, les Burkinabè doivent battre les Kenyans, au moins par 3 buts à 0, tout en espérant que les Sénégalais tombent par ce même score face aux Maliens. On ne jouait plus au football, on s’adonnait désormais à la calculette des probabilités. Et, à dire vrai, on voyait mal les Lions laisser les Aigles voler si haut. Dès lors, pour beaucoup de Burkinabè présents à Tunis, ce ne serait déjà pas mal si on quittait la compétition la tête haute, face aux Harambee Stars.

L’humiliation

Le 2 février 2004, à Bizerte, les inconditionnels étaient donc convaincus que la victoire ne nous échapperait pas. Mais, à l’arrivée, c’est le Kenya (3) qui jubile et le Burkina (0) qui pleure. Pour ce dernier match, les Etalons ont été trop moches avec une défense qui fondait comme beurre au soleil, un milieu sans repères et une attaque aux pétards mouillés. Les hommes de Rabier n’ont jamais réussi à surnager et se sont noyés face à l’énergie et à l’efficacité kenyanes. Ils ont étalé de nombreuses insuffisances, aussi bien dans le jeu, dans la finition que dans la stratégie d’attaque qui ne pouvaient pas leur faire espérer le miracle.

Les déchets dans le jeu en mouvement sautaient aux yeux. C’est vrai que ce jour-là des joueurs n’ont pas joué à leurs postes, mais l’équipe n’a jamais su élever le rythme et user d’une maîtrise technique pour contrarier les Kenyans. Ces derniers, qui ne voulaient pas rentrer à la maison avec 0 point, étaient en tout cas présents au niveau de l’agressivité. La solidarité et l’engagement ont été leurs atouts premiers.

Doit-on toujours penser qu’il était écrit quelque part, que le scénario de la rencontre ne serait pas celui auquel on avait pensé initialement ? C’est au moment où il fallait quitter Tunis avec les honneurs que cette équipe du Burkina a sombré. Absent tout au long de la partie avec un football sans consistance et totalement dispersé, on peut dire que cette défaite face au Kenya, dont on ne vendait pas cher la peau, fut une sanction méritée.

Au bout du compte donc, en trois sorties, on avait perdu deux fois, partagé une fois les points, encaissé 6 buts et scoré une seule fois. 1 milliard pour 1 but, comme l’avait écrit un confrère de la place, il faut avouer que c’était plutôt cher payé. Les raisons de la débâcle de Tunis avaient pour noms : physique trop juste, gestion tactique approximative, désordre manifeste dans le jeu, défaillances individuelles. Cette élimination prématurée a eu pour conséquence l’amertume au pays, surtout que les moyens n’ont pas manqué pour accompagner l’équipe dans son aventure.

On a placé la barre très haut et cette confiance s’est transformée en désillusion, même si pour beaucoup de supporters cette déroute nous faisait une fois de plus redescendre sur terre pour constater le vrai niveau de notre football. Car en fait, depuis notre 4e place à la CAN 98 que nous avons accueillie, on nous a fait croire à tort que nous étions entrés dans la cour des grands. A l’évidence, il fallait encore travailler, beaucoup travailler.

Le pardon

Somme toute, tout a été dit sur le comportement des joueurs après leur incroyable échec face aux kenyans. Mais retenons que les joueurs, qui ont eu d’énormes regrets après leur prestation, ont demandé pardon. Ils avaient le sentiment d’avoir essayé jusqu’au bout, mais que ça n’a pas marché. La fin de l’aventure a été catastrophique et c’est avec beaucoup de tristesse qu’ils ont quitté le tournoi. Quand ils ont regagné leur hôtel après la mémorable déculottée du 2 février, beaucoup n’ont pas mangé cette nuit-là.

D’autres sont descendus tout juste de leurs chambres pour prendre soit des oranges soit une bouteille d’eau. Le lendemain, on causait par petits groupes dans une ambiance de quasi deuil. On savait intérieurement qu’au Faso, le peuple se remettrait difficilement de ce désastre et ne leur pardonnerait pas de si tôt leur mauvaise prestation. La psychologie sportive nous enseigne qu’il faut accepter une défaite dans la sportivité, et essayer de voir où étaient les grains de sable qui ont enrayé la machine. Aujourd’hui, nous devons donc transformer cette déception en motivation pour une autre qualification à la CAN 2006.

C’est vrai qu’après la phase aller, qui a pris fin en octobre dernier, les Etalons sont dans une situation délicate dans le groupe 2, mais rien n’est encore joué. Avec 6 points en 5 matches, ils sont à trois longueurs des Bafana Bafana (9 points), deux des Blacks stars et des Simbas (8 points chacun) et un point du Cap-Vert (7 points). L’Ouganda (4 points) ferme la marche dans ce groupe. La phase retour débute à partir du 25 mars 2005 et on attend de l’équipe de Todorov un véritable élan collectif et cette capacité à relever le défi.

Justin Daboné
L’Observateur Paalga

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