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Rood Woko : A quand la fin de l’agonie ?

Publié le mercredi 29 décembre 2004 à 07h09min

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Où en est-on avec le dossier hypersensible de la réhabilitation du marché central de Ouagadougou ? En effet, suite à l’incendie, le 27 mai 2003, de ce véritable poumon économique au coeur de la capitale, beaucoup attendaient avec impatience la concrétisation des promesses du gouvernement de délier les cordons de la bourse pour faire face aux frais de réfection du plus grand centre commercial du pays par le volume des transactions qui s’y font et par le nombre de ceux qui en tirent profit.

Certes, le budget de l’Etat avait dégagé en 2003, près d’un milliard 300 millions de FCFA au titre des grosses réparations au profit de Rood-Woko en 2004.

Malheureusement, ces promesses semblent n’avoir été que de simples intentions, puisqu’en matière de réparations, Rood-Woko porte encore les stigmates de ce désastre. Cette situation a semé le doute dans les esprits et exacerbé la frustration des ex-usagers du marché, d’autant plus qu’aucune explication officielle n’a été fournie jusque-là par les pouvoirs publics. Et si oui, elle s’est limitée à ceux qui sont dans le secret des dieux, alors que les pouvoirs publics avaient fait désormais de la communication gouvernementale, leur credo. Toujours est-il qu’on peut s’interroger sur les causes de cet attentisme. Laxisme ou calcul politicien ou les deux à la fois ?

Il est avéré qu’en Afrique, les périodes électorales sont généralement le printemps des promesses et que passé ce délai, tout est reversé au musée de la démagogie. C’est ainsi qu’en reconduisant pour un milliard 500 millions de FCFA le volet réfection de Rood-Woko, certains se demandent, à tort ou à raison, si ce ne sont pas des motivations électoralistes qui guident les pouvoirs publics, le temps que la fièvre électorale baisse, pour ensuite retomber dans une attitude d’indifférence une fois les suffrages de l’électoral récoltés.

On peut se demander d’ailleurs s’il y a eu une étude préalable de l’ampleur du désastre de Rood-Woko et à partir de laquelle les besoins chiffrés par le gouvernement pourraient être considérés comme fiables. Enfin, y a-t-il eu concertation entre pouvoirs publics, commerçants et consommateurs (démocratie participative, transparence et bonne gouvernance obligent) en vue d’éviter d’éventuelles erreurs ? Il nous paraît superflu de revenir sur les causes de ce désastre qui a fait couler beaucoup de larmes, de salive, d’encre et même de sang.

Au-delà des accusations mutuelles (indiscipline des commerçants, irresponsabilité, faiblesse et clientélisme des pouvoirs publics qui ont laissé s’installer une certaine anarchie dans ce marché car guidés par le seul souci de renflouer leurs caisses) ne faudrait-il pas finalement crever cet abcès qui perdure ? Maintenant que le vin du désastre est tiré, dans l’intérêt bien compris des différents acteurs, il y a urgence à réhabiliter ce marché.

Cela relève d’un geste de salubrité politique, sécuritaire, socio-économique et culturelle. L’incendie de Rood-Woko, c’est le moins que l’on puisse dire, a laissé sur les carreaux, des centaines de commerçants du secteur informel qui sont devenus de véritables sans "étalage fixe" et qui pourtant, n’échappent pas au harcèlement fiscal des services de l’Etat. Dans cette course à la recherche du minimum vital pour la survie, beaucoup se sont cassé la gueule.

Désormais, c’est le régime du système généralisé de la débrouille et plus grave, le spectre de la fraude et de la corruption à grande échelle. Autant de pertes pour les services fiscaux. Persuadés qu’au Burkina le provisoire s’est parfois transformé en situation définitive, certains ont refusé de s’installer dans les sites aménagés par le gouvernement. Ces sites sont par ailleurs proposés à des prix hors de portée de commerçants ruinés par cet incendie.
En plus, il y a le fait tangible qu’à quelque chose malheur est bon.

En effet, la catastrophe de Rood-Woko a eu pour conséquence le renforcement de la maturité politique et l’affermissement de la conscience citoyenne des commerçants qui semblent ne plus se laisser manipuler par les politiciens. Ce nouvel état d’esprit s’est manifesté lors de la marche du 18 novembre contre la cherté de la vie. Il y a un an, personne n’aurait imaginé une marche collective entre syndicats, membres des organisations de la société civile et commerçants.

Ces différents groupes se regardaient en chiens de faïence. Mieux, les commerçants, s’étant laissé séduire par certaines allégations politiciennes, accusaient hier les syndicats d’avoir été les véritables pyromanes de Rood-Woko. Il a fallu la répression de leur mouvement pour qu’ils sachent de quel côté se situent leurs intérêts.

La récente radicalisation de la position des commerçants qui se sentent actuellement des alliés objectifs de la fronde syndicale depuis la marche de protestation du 18 décembre, est un signe avant-coureur d’agitations futures qui devraient inciter les gouvernants à éviter les errements, le laxisme d’antan et la prolongation de l’agonie de Rood-Woko. Il y va de la stabilité sociale et politique du pays qu’on ne saurait éternellement garantir à coups d’éphémères prébendes.

Hier, pôle d’attraction et véritable bourse des pulsations et du brassage de toutes les composantes de la société, Rood-Woko, ne serait-ce que du simple point de vue esthétique, ne mérite pas cette situation de cimetière livré aux rongeurs et aux charançons. Mais ce qui importe plus, c’est la manière objective et sans complaisance avec laquelle l’occupation des lieux sera opérée. C’est en tout cas le passage obligé si l’on ne veut plus retomber dans les mêmes travers et aboutir à une nouvelle catastrophe.

Le Pays

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