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500 FCFA : Billet maudit, pièce introuvable

Publié le mercredi 29 décembre 2004 à 07h10min

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Le 31 décembre 2004, sonnera le glas des anciens billets de la gamme 92. En effet, la BCEAO a maintenu cette date butoir, lors de sa conférence de presse du lundi 27 décembre 2004. A deux jours de la date fatidique, comment se comportent donc les Burkinabè, plus précisément les Ouagalais ?

A travers un micro-trottoir réalisé hier, certains nous ont exprimé leur galère, leurs mécontentements et les difficultés rencontrées pour faire le change desdits billets. Parmi les coupures concernées, celle qui fait surtout jaser est le billet de 500 FCFA, qui rencontre des difficultés d’écoulement, d’autant plus que la nouvelle pièce censée le « chasser » se fait rare.

• Ouédraogo Harouna dit "Harouna moinga", vendeur de cola depuis 1948 : "En ce qui concerne la démonétisation des anciens billets, nous n’avons pas grand-chose à dire puisque c’est la BCEAO qui gère son marché, détient son tam-tam et joue pendant que nous écoutons. Ce qui manque à cette campagne de retrait des billets, c’est le fait de n’avoir pas installé des postes publics pour permettre au citoyen lambda d’aller échanger ces anciens billets.

Dans cette opération, la BCEAO ne travaille qu’avec les banques alors que ces établissements ont leurs clients propres à eux. En plus, les échanges des anciens billets se passent en même temps que les clients accourent dans les banques pour soit verser de l’argent, soit en retirer.

Souvent on se marche dessus et ce n’est pas intéressant. C’est pourquoi je persiste avec mon idée de mise en place de postes populaires de retrait des anciens billets. A ce propos, j’ai loué l’initiative des 123 guichets supplémentaires au Sénégal ; ce qui a permis à ce pays de retirer 147 milliards de FCFA. Si on allait tenir seulement compte des établissements financiers, on n’aurait pas pu atteindre un tel montant.

Il faut, si possible, jouer aux prolongations dans cette opération parce qu’il y a des personnes qui croient même que celle-ci a été lancée pour les arnaquer ou les escroquer.

Autre problème : lorsque nous recevons même le nouveau billet de 10 000 F CFA d’un client, et qu’on doit lui remettre la monnaie, c’est le calvaire. En effet, les pièces de 500 FCFA n’ont pas été mises sur le marché en nombre suffisant.

Pour un commerçant il n’y a rien de plus énervant que ce genre de situation parce que si tu ne manages pas bien tes clients, tu ne les reverras plus à cause de cette situation."

• Johanna Guigma, gérante de cybercafé : "La durée de cette opération de retrait des anciens billets est vraiment courte. Pour un travail de cette importance et avec les informations qui circulent difficilement dans les localités les plus reculées, il aurait fallu commencer cette campagne depuis une année.

En outre, il n’y a pas assez de pièces de 500 FCFA en circulation. A ce sujet, nous rencontrons d’énormes difficultés avec nos clients. Depuis le 20 décembre 2004, dans notre "cyber", nous avons informé nos clients à travers un écriteau, voire une affiche, que nous ne prenons plus les anciens billets de 500, 5000 et de 1000 FCFA.

Et pour éviter tout désagrément avec un internaute, nous prenons le soin, à l’avance, de lui signifier cette mesure. Mais j’avoue que ce n’est facile de faire respecter rigoureusement notre décision, et les quelques anciens billets qui entrent dans notre caisse, nous nous en débarrassons rapidement en achetant du carburant, même si nous n’éprouvons pas forcément un besoin immédiat.

En décidant, depuis le 20 décembre 2004, de ne plus prendre les anciens billets, nous entendons résoudre les problèmes que nous rencontrons lorsque nous partons payer des factures dans certaines sociétés de la place.

Le plus souvent, on rejette nos billets, et comme nous ne travaillons pas directement avec les banques, nous préférons ne pas compromettre nos activités avec ces billets, dont la mort certaine est annoncée depuis un moment. Savez-nous qu’avant le 20 décembre 2004, je n’ai pas pu dépenser mon billet de 500 FCFA à Kombissiri, qui se trouve à côté de Ouaga ? Je voulais manger, mais les restauratrices ont carrément refusé de prendre mon billet en dépit des multiples explications. J’ai passé un sale temps là-bas presqu’à jeun."

• Jean Soala, pompiste à la Station ETAM : "A l’heure actuelle nous continuons de recevoir les anciens billets de la gamme 92, et cela jusqu’au 30 décembre 2004.

Nous savons que la date butoire est fixée au 31 décembre 2004, mais nous n’allons pas prendre des risques en acceptant les anciens billets ce jour, puisqu’il faut aller en banque les échanger. Bien que nous recevions les anciens billets des clients, ces derniers, en revanche, refusent de prendre les anciens billets que, de temps en temps, nous leur tendons. Notre plus grand problème, c’est les pièces de 500 FCFA, qui sont rares comme des larmes de crocodile.

Lorsqu’on vous tend 1 000 FCFA après avoir pris un demi-litre d’essence, il faut remuer ciel et terre pour trouver une pièce de 500 FCFA. Quelquefois on supplie le client de revenir plus tard chercher son dû ; c’est vraiment compliqué, cette histoire de nouvelle pièce."

• Claude Bassinga, concessionnaire de chasse à Koumbia : "Je salue cette opération de démonétisation, mais sa durée est très courte. Chez nous en province, le taux d’analphabétisme est très élevé ; ce qui pose le problème de la mise en œuvre de cette campagne de retrait. Dans le Tuy, où je réside actuellement, beaucoup de personnes éprouvent des difficultés à échanger leurs billets.

Même les caisses populaires ne peuvent pas récupérer les billets des pauvres commerçants de la localité, comme quoi elles n’ont pas été associées à cette opération. Conséquence : il y a l’anarchie, et c’est le citoyen, le consommateur, qui se retrouve avec quelques billets en poche, déjà périmés avant le jour J. C’est à la presse d’attirer l’attention des autorités et de la BCEAO pour qu’une solution soit trouvée à ce genre de situation.

Pour ma part, je propose la date de fin février comme date butoire tout en accentuant la campagne de retrait dans les localités les plus reculées et en associant bien sûr les caisses populaires des provinces. En plus, j’ai constaté que c’est la croix et la bannière pour disposer d’une pièce de 500 FCFA. On ne comprend plus rien ; qu’on nous dise quand même ce qui se passe."

• Bernadin Ouédraogo, habitant de Ouaga : "Depuis le lancement de la campagne de démonétisation, on constate que les gens s’exécutent, mais il y a vraiment des problèmes que beaucoup d’usagers rencontrent auprès de certains prestataires de services, et de commerçants. Bon nombre d’entre eux, en effet, boudent nos anciens billets avant la date du 31 décembre.

J’ai vécu de multiples situations de ce genre et je peux même vous exhiber 500 FCFA que je n’ose plus présenter à un commerçant, pour éviter les querelles. Je me dis que ceux qui ont de grosses sommes vont certainement arriver à les échanger, mais pour des gens comme nous autres ce n’est pas évident.

Certes je loue les efforts en matière de publicité, que la BCEAO ne cesse de déployer pour prévenir les gens de la date butoire, mais combien de villes ou de localités au Burkina Faso sont couvertes par la presse ? C’est pour dire qu’il faut développer, en plus, d’autres initiatives pour donner l’information à ceux des campagnes aussi."

• Gilbert Tiendrébéogo, boucher et assistant du gérant du bar le Destin à Dapoya : "Nous avons décidé à partir d’aujourd’hui (mardi 28 décembre 2004) d’arrêter de prendre les anciens billets de nos clients. Avant cela, ces derniers même refusaient déjà de prendre les anciens billets que nous leur tendions. En plus de ça, la pièce de 500 FCFA est vraiment rare dans les transactions.

Rien qu’hier lundi, nous disposions de monnaie d’une valeur de 50 000 FCFA en pièces de 200 FCFA, mais je vous avoue que nous avons beaucoup souffert lorsque celle-ci a été épuisée, parce que nous ne disposions même pas de pièces de 500 FCFA. C’est très grave pour l’économie du pays et de l’ensemble de la sous-région."

• Mme Sawadogo née Drabo Kadiatou (gérante de kiosque PMUB) : "Depuis le début de la démonétisation jusqu’aujourd’hui (Ndlr : hier 28 décembre 2004), je n’ai jamais refusé de prendre les billets concernés par cette opération. Seulement, à partir d’aujourd’hui, après l’arrêt des mises au tiercé du jour à 11 heures, nous ne sommes plus autorisés à recevoir ces billets-là.

Il faut dire que si les gros billets de la gamme 1992 sont devenus un peu rares, tel n’est pas le cas de ceux de 500 FCFA. Et les problèmes que je rencontre avec ces billets sont surtout liés à la quasi-inexistence des pièces de 500 FCFA. "

• Alassane Zemba, au restaurant de « Docteur », en face de la LONAB : "Les billets de la gamme 1992, surtout celui de 500 FCFA nous causent de sérieux problèmes. Nous avons, depuis quelque trois jours, arrêté d’en prendre. A

u cas où un client, après avoir mangé, nous tend un des billets de la gamme 1992, nous préférons demander à ceux que nous connaissons de nous payer plus tard. Si c’est une personne qui nous est étrangère et qu’elle n’a pas d’autres billets ou pièces non concernés par la démonétisation, c’est nous qui perdons bien sûr de l’argent.

Nos clients ne peuvent pas nous en vouloir, car si de grandes sociétés comme la SONBEL refusent de recevoir les anciens billets, ce n’est pas nous, petits débrouillards, qui accepterons de les prendre. (Ndlr : Nous avons effectivement fait un tour hier après-midi au siège de la SONABEL, où au guichet de renseignement on nous a laissé entendre qu’il n’était plus possible de payer sa facture avec les billets de la gamme 1992)."

• Mme Tiemtoré née Mamata Ouédraogo (vendeuse de dèguè) : "Depuis un certain temps, quand des clients habituels me tendent des billets de la gamme 1992, après avoir mangé, je leur demande tout simplement de repasser me payer. Ceux que je ne connais pas, s’ils m’avertissent avant de commander le couscous, je n’ai pas d’autre choix que de décliner l’offre. Aujourd’hui par exemple (Ndlr : 28 décembre 2004), j’ai refoulé, malgré moi, plus d’une dizaine de clients, qui détenaient surtout des billets de 500 FCFA. C’est une perte, mais qu’est-ce que je peux faire ?"

Propos recueillis par Hamidou Ouédraogo & Cyr Payim Ouédraogo

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