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Université de Ouagadougou : Une visite sous haute tension pour le Premier ministre Tiao

Publié le lundi 18 mars 2013 à 23h02min

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Université de Ouagadougou : Une visite sous haute tension pour le Premier ministre Tiao

Le Premier ministre Luc Adolphe TIAO s’est rendu ce lundi matin dans les deux pôles universitaires de la capitale afin de mesurer l’avancée des travaux et s’adresser aux enseignants et étudiants. Ces derniers lui ont réservé un accueil pour le moins mouvementé.

La théorie du « bouc émissaire », développée par René Girard dans l’ensemble de son œuvre, s’est parfaitement illustrée, ce lundi matin, à l’université de Ouagadougou. La venue du Premier Ministre n’aura pas pu empêcher l’ire estudiantine de s’exprimer, parfois de façon violente. Cristallisée sur la personne du Premier Ministre, la déception des étudiants s’est muée en rancœur tenace vis-à-vis d’un gouvernement qui, selon eux, ne tient pas ses promesses en matière d’éducation.

« Année blanche », manque d’infrastructures, manque de lits disponibles en Cité U, système boursier à revoir… Les jeunes ouagalais ont, semble-t-il, de bonnes raisons d’être en colère mais n’utilisent pas forcément les méthodes les plus efficaces pour se faire entendre. Récit d’une matinée électrique.

Ouaga 2 : visite compliquée pour les journalistes

Le cortège officiel est arrivé sur le site universitaire de Ouaga 2 à 8h ce lundi 18 mars. A l’entrée de ce vaste chantier en périphérie de la capitale, on aperçoit une pancarte sur laquelle on peut lire la description des travaux : « délai d’exécution : 12 mois ». Le chantier ayant été lancé en 2011, on comprend qu’il ne sera pas terminé à temps.

En effet, mis à part le bloc administratif, les deux amphithéâtres jumelés ainsi que quelques salles de cours et les sanitaires, le reste des bâtiments est encore à l’état embryonnaire. Coiffés d’un casque de protection – privilège auxquels nos crânes, pourtant fragiles, de journalistes n’auront pas droit – le premier ministre fait son entrée dans ce qui devrait être la cité universitaire. Construite par la société Cincat International, cette bâtisse pourrait abriter 400 lits superposés. Ces derniers constituant déjà un sujet de discorde entre le maître d’œuvre et le chef du gouvernement qui estime que la superposition des couchettes ferait davantage penser à une caserne militaire qu’à des logements pour étudiants.

Mis à part les encouragements répétés du Premier Ministre auxquels répondirent les sempiternelles litanies des constructeurs : problèmes liés au terrain etc., il est impossible pour nous, journalistes, d’entendre quoi que ce soit des discussions entre les différents protagonistes.

En effet, les bousculades entraînées par chaque déplacement du Premier Ministre et des officiels forcent la sécurité à nous tenir trop à l’écart de ce qui se dit. En ce qui concerne la visite du bloc administratif et des amphithéâtres jumelés, nous n’avons tout simplement pas pu y participer et pour cause ; notre car n’étant pas assez rapide pour suivre le cortège ministériel, il nous a fallu partir avant ce dernier, en oubliant par la même un de nos confrères qui, en bon samaritain, était parti nous chercher de l’eau…

Université de Ouagadougou : l’amphi est en colère

Une fois arrivée à l’université de Ouagadougou, le Premier Ministre s’est d’abord livré à une visite express des chantiers en cours. Au sujet du pavillon comprenant un grand amphithéâtre de 1264 places ainsi que deux salles de 623 places chacune, les constructeurs seraient « à peu près dans les délais ». Exhortant ces derniers à « tout faire pour que l’échéance soit respectée », le Premier Ministre promet de revenir au mois de juin pour constater l’avancée des travaux. Autre chantier important : celui du bâtiment abritant la section Odonto-Stomatologie de la faculté de médecine. Ici, toujours la même antienne : « les travaux avancent ».

L’entrée dans l’amphi D libyen se fait sous les huées des manifestants réunis devant l’édifice. A l’intérieur, professeurs et étudiants attendent avec impatience le Premier Ministre accompagné par le Ministre des enseignements secondaire et supérieur, le Ministre de l’économie et des finances ainsi que le Président de l’université de Ouagadougou.

Privés d’accès à l’amphithéâtre déjà bondé, une centaine d’étudiants restés à l’extérieur tentent alors de forcer l’entrée sans succès. Frustrés, ils feront entendre leur mécontentement en frappant sur les portes d’entrée principales. Après avoir chanté l’hymne national, tout le monde a pris place pour écouter l’allocution du Président de l’Université. Dans une atmosphère très tendue, ce dernier a rappelé les difficultés qui pèsent sur l’Université de Ouagadougou (manque de salles, de matériel etc.) et a jugé l’aide du gouvernement « encore trop insuffisante ».

Après cette intervention plutôt applaudie par l’assemblée, c’est au tour du Ministre des Enseignements de prendre la parole et d’avancer des données chiffrées sur le coût et l’avancée des travaux. Point d’applaudissements cette fois-ci de la part des étudiants qui répondront « c’est faux » à chacune de ses assertions. Les coups sur les portes de l’amphithéâtre se font alors de plus en plus nombreux et violents.

C’est enfin au tour du Premier Ministre de prendre la parole mais, à peine monté sur l’estrade, il se verra freiné dans son élan par une coupure de courant sans doute provoquée par les manifestants restés dehors. Quelques pierres atterrissent devant les gradins, forçant le Premier Ministre à lancer un appel au calme sans micro. Décidés coûte que coûte à poursuivre la cérémonie, le Premier Ministre vient saluer les récipiendaires décorés pour leurs travaux avant de pouvoir reprendre la parole suite au rétablissement du courant.

Rappelant que cela doit rester « un moment d’échanges », M. Tiao promet aux étudiants de rencontrer les représentants des syndicats au cours de l’après-midi. Il a également rappelé que le nombre d’étudiants ayant réussi aux examens a considérablement évolué au cours des deux dernières années. Déplorant le retard pris dans les travaux en cours, il a néanmoins reconfirmé la volonté du gouvernement à ne pas faillir à sa volonté d’améliorer l’enseignement secondaire.

En raison des manifestations, la rencontre entre les étudiants et M. Tiao s’est vue écourtée. A la sortie du campus, la voiture du Premier Ministre essuiera de nouveaux jets de pierres. Quant à nous, journalistes, nous serons une fois de plus empêchés de faire notre travail par certains manifestants qui, de manière agressive, nous interdiront de filmer et de prendre des photos. Sur l’avenue Charles de Gaulle, les pneus commencent à brûler. Le vrai « brasier » se trouve pourtant en face, à l’université. Malheureusement, le « pompier Tiao » n’aura pas su l’éteindre.

Pierre Mareczko (Stagiaire)
Lefaso.net


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