LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Fleuristes à Ouagadougou : Les déodorants naturels

Publié le lundi 20 décembre 2004 à 07h20min

PARTAGER :                          

"Couleurs de vie", "parfums de senteur", "porte-chance" ou "porte-bonheur", les fleurs embellissent les recoins des individus de par le monde entier. Les fleuristes de Ouagadougou proposent multiples variétés de fleurs à diverses fins : embellir le cadre de vie, art médicinal ou source de bonheur.

Entre suavité de la nature et goût de vivre au contact des "poètes" du jour, les fleuristes laissent découvrir leur métier.

Charles Baudelaire, un poète français a écrit "Les fleurs du mal" . Les fleuristes,eux, écrivent l’histoire du commerce des fleurs au jour le jour.

"Queue de renard", "paralia", "Cactus", "Déodonias", des noms variés pour des goûts divers. Les fleurs sont des épices qui agrémentent la sauce de la vie de l’homme comme l’exprimait le poète.

Il est 9h30 mn quand notre véhicule, après avoir échappé aux embouteillages de la circulation de Ouagadougou, gare à proximité de l’hôpital Yalgado Ouédraogo non loin du barrage. A peine avons-nous mis les pieds à terre qu’un groupe de jeunes s’avance vers nous. "Oui, monsieur, qu’est-ce qu’on peut faire pour vous ?" lance l’un d’eux tandis qu’un cercle se forme autour de nous.

Après l’exposé de notre requête, les jeunes fleuristes se prêtent volontiers à nos questions. Dieudonné Nooba est jardinier fleuriste depuis une dizaine d’années. Il a pris des "galons" dans ce métier puisque, aujourd’hui Dieudonné fait des voyages sur le Ghana et le Togo pour se procurer des fleurs rares. "J’achète 800 à 1000 pieds de fleurs lors de mes voyages", explique-t-il. Jouant avec ses clés comme pour faire passer son tract en cette matinée du mercredi, Dieudonné Nooba fait de bonnes affaires : "Le commerce des fleurs marche bien à certaine période de l’année. Par exemple, pendant la saison pluvieuse, je vends beaucoup de fleurs", révèle l’homme, le visage grave et sérieux et perlant de sueurs.

A côté de lui, son collègue est expert dans la description du mode d’emploi des fleurs. "Ici nous avons des fleurs médicinales, des porte-chance, des porte-bonheur". Joignant l’acte à la parole, il saute la rangée des pots de fleurs et nous entraîne dans la visite de ses chefs-d’œuvre. "Voici "l’Aloès verra" la plante médicinale, à l’intérieur il y a un liquide blanchâtre". Que soigne-t-elle ? Hésitations. L’homme jette un regard à son collègue et avoue son ignorance : "Bon ! Ce sont les docteurs qui savent ce que ça soigne sinon nous savons en tout cas que ça soigne des maladies".

"Baobab chacal" : la fleur porte-bonheur

Le commerce des fleurs n’échappe pas à la dure loi du marché. "Les clients sont exigeants, ils apprécient la bonne variété", nous affirme Dieudonné avec un sourire aux lèvres. De ce fait, les coûts varient de 100 FCFA à 100 000 FCFA. Provenance de la fleur et qualité obligent. Le "Baobab chacal", la fleur "porte-bonheur" coûte 3 000 FCFA tandis que "l’arbre du voyageur", la "porte-chance" s’acquiert à 37 500 FCFA. Selon Dieudonné, les fleurs importées coûtent plus cher que les locales.

Faisant un détour sans sandales près de "l’arbre du voyageur", il nous explique sa posologie "Pour éviter d’avoir un accident sur la route au cours du voyage, il suffit de couper une feuille de cette fleur et de la mettre dans votre poche ou dans votre sac de voyage. Et c’est gagné pour vous". Mystère de la nature.

A l’approche des fêtes de fin d’année c’est l’occasion pour les uns d’embellir l’intérieur de la maison ou les abords de son domicile. Pour les friands de beauté, les fans des belles choses, c’est l’occasion rêvée. Un client, Richard Minoungou vient interrompre les échanges. Les fleuristes s’acharnent sur lui et chacun va de son commentaire sur la qualité de son produit : "Monsieur, cette fleur sera très bien pour votre maison", lance l’un d’eux. "Ce bougainvillier est bon pour vous", lance un autre en courant prendre le pot de fleur. Son voisin immédiat s’amuse à l’empêcher de passer et des injures fusent dans l’air en langue nationale mooré.

Un troisième ne sachant comment appâter le client face aux envolées dithyrambiques de ces collègues, le saisit par la main gauche et l’entraîne vers ses fleurs. L’intéressé au vu de ce cafouillage ne s’est plus à quel "saint des fleurs" se vouer. "Gardez votre calme", clame M. Minoungou. "Je veux un sapin et un citronnier", explique l’homme en manœuvrant pour sortir de l’étau des jeunes fleuristes. Chaque fleuriste court chercher "la perle" demandée.

Après moults tractations, M. Minoungou se procure deux arbres de Noël (en fleur) et deux citronniers pour la modique somme de 300 FCFA l’un. Venu de Djibo pour une réunion, M. Minoungou, responsable de l’association APN Sahel a été séduit par les "ingrédients" de la nature. "Il est bon d’avoir des fleurs à la maison. Cela contribue à l’embellissement du cadre de vie et rend la vie plus agréable. Il serait intéressant que chaque Burkinabè ait un "pied" chez lui", témoigne-t-il.

Malgré le fait que nous discutons, le fleuriste d’à côté, ne veut pas lâcher son client. Il le harcèle dans son dos : "Monsieur, les acacias de cette taille seront bien dans votre cours". Agacé, à la limite d’exploser, Minoungou se retourne et lance au jeune homme : "J’ai dit ça va comme ça non ?". Le fleuriste retourne avec ses deux fleurs sous les railleries de ses collègues.

Harmonie des sons et des couleurs : bain de vie

Les fleuristes adorent leur métier. Ils en parlent avec passion. Ils ne s’offusquent pas de rouler leur bosse entre les puits et leurs pots de fleurs, arrosoirs en mains. Quand les fleurissent discutent de ce boulot sensationnel pour eux, ils touchent du bois. D’abord, ils récoltent le sable idéal pour faire pousser les fleurs. Ensuite, ils confectionnent des sachets dans lesquels, ils mettent le sable de couleur noire avant de planter, soit des grains de fleur, soit des pousses de fleurs. Enfin, il faut l’arroser matin et soir afin de lui donner vie. Les fleurissent ont leur casse-tête chinois ; la saison sèche avec son lot de tarissement des puits.

C’est à l’aide de charrettes ou de camion benne qu’ils se procurent le sable en raison de 1 500 FCFA le chargement de sable de charrette et 37 500 FCFA le camion benne. Quant aux arrosoirs, le double revient au fleuriste à 7 500 FCFA. Une micro-entreprise que celle des fleuristes ! En cette journée du mercredi, la poussière et le soleil font remarquer leur présence. La première décolore les fleurs par son dépôt sur les feuilles, le second illumine de ses rayons les feuilles. Face au bitume ou alternent klaxons et coups de freins, certains fleuristes échangent calmement. Certains après avoir arrosé leur jardin se redonnent un peu de force avec les gâteaux.

D’autres, assis sur la barrique d’eau regardent les enfants mettre le sable dans des pots de fleurs. C’est sur ces entrefaits que Dominique Nama, jeune fleuriste depuis 10 ans apprécie la couleur de vie que lui procurent les déodonias. "Celles-ci sont des fleurs qui sentent bon lorsqu’elles sont dans la cour" affirme le jeune homme. Quand il se tourne pour nous montrer une autre fleur, ses pieds foulent l’eau versée par les multiples arrosages. Dominique sans y prendre garde montre l’azakié : "l’azakié que voici peut produire des fruits plus gros que la papaye". Les fleurs donnent du goût à la vie, une couleur de vie qui s’écoule souvent dans les cœurs comme l’ondée sur la rosée.

Quand on imagine le langage des fleurs dans les échanges entre les humains, l’on accorde tout de suite une place de choix à ces êtres de couleur. Evoquez la rose dans une conversation, les amoureux suivront vos regards. Quand vous parlerez de rose rouge, ils vous répondront "l’amour pur" ; de rose blanche, "la paix", la rose jaune, "la jalousie".

Les fleuristes en possèdent et en vendent beaucoup à l’approche de la St Valentin. Au contact de la nature, si nous n’en profitons pas, l’histoire des fleurs nous reprochera le fait que si elles n’existaient pas il aurait fallu les créer pour embellir notre existence.

Daouda Emile OUEDRAOGO (ouedro1@yahoo.fr)
Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina : Une économie en hausse en février 2024 (Rapport)