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ONU : Qui veut la tête de Kofi Annan ?

Publié le lundi 6 décembre 2004 à 13h07min

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Un sénateur américain du parti républicain, Norm Coleman, vient de demander la démission de Kofi Annan de ses fonctions de Secrétaire général des Nations Unies. C’est ce que rapporte le "Wall Street Journal", dans sa livraison du mercredi 1er décembre 2004.

Ce parlementaire, membre de la sous-commission permanente des investigations chargée d’enquêter sur le programme "pétrole contre nourriture" mis en place en 1996 pour "répondre, à titre de mesure temporaire, aux besoins humanitaires du peuple irakien", estime que la démission de Kofi Annan se justifie dans la mesure où "la plus vaste opération de fraude de l’histoire de l’ONU s’est déroulée sous sa direction".

Il en conclut que "aussi longtemps que M. Annan sera au pouvoir, le monde ne sera jamais capable de connaître l’entière étendue des pots de vin et des paiements sous la table qui ont eu lieu sous le nez du collectif de l’ONU". Cependant, pour un autre sénateur, démocrate celui-là, également membre de la même sous-commission, cette sentence sans appel de son collègue républicain n’a aucun fondement.
L’on peut se poser la question de savoir si ce sénateur qui envoie des flèches à Kofi Annan n’est pas la caisse de résonance d’un maître invisible qui entend régler ses comptes avec le Secrétaire général de l’ONU.

Sinon, comment comprendre que c’est seulement en 2004 que les résultats de cette enquête sont publiés par une commission qui devait investiguer sur un programme institué depuis 1996 ? Par ailleurs, le moment choisi pour la divulgation des conclusions de cette enquête paraît suspect. Il intervient en effet, après la victoire de Bush à l’élection présidentielle. Si on ajoute à cela le fait que cet appel à la purge au sommet de l’ONU a été rejeté par un parlementaire démocrate, on peut s’interroger sur l’impartialité d’un homme pressé d’aller vite en besogne.

Après la victoire de Bush, il était certain que le climat des relations internationales, déjà lourd sous son premier mandat, allait devenir orageux. Investi pour quatre ans encore, Bush qui vient de faire appel aux faucons les plus retors dans son administration, n’épargnera rien pour détruire comme après le passage d’un orage, les obstacles qui se dressent sur sa trajectoire. En première ligne, l’ONU censée incarner le respect du droit international.

Pour y parvenir, quoi de plus normal que de la décapiter, en exigeant le départ d’un secrétaire général critique sur la manière des Etats-Unis de vouloir gérer le monde. Kofi Annan, quoi qu’on dise, à travers l’ONU, a tenté d’être l’empêcheur des Etats-Unis de mener une politique qui broie les humbles et fait le bonheur des plus forts au nom d’une unipolarisation dont ils veulent être les seuls pilotes. Le Secrétaire général aura tout tenté pour que la présomption d’innocence soit accordée à l’Irak avant que la preuve de l’existence d’armes de destruction massive ne soit établie ainsi que l’hypothèse de leur utilisation par Saddam Hussein ne soit avérée. On connaît la suite.

Les USA, obéissant à leur réflexe codifié qui consistait coûte que coûte à mener une guerre préventive au prix d’un mensonge d’Etat, ont allègrement ignoré le droit international. Kofi Annan, même s’il a pu retarder le déclenchement de cette guerre d’occupation en réussissant à instaurer des débats de procédure, ne pouvait que prendre acte de cette force primant le droit dans une organisation dominée par les Etats-Unis.

Pour les USA, le rôle du Secrétaire général devait se limiter à exécuter et non critiquer la politique de Washington. Cependant, sur de nombreux sujets qui sont le fait des Etats-Unis, Kofi Annan a refusé d’avaler sa langue. C’est le cas actuellement de la flagrante violation des Conventions de Genève de 1949, à ce jour ratifiées par 188 pays dont les USA et qui codifient les règles applicables aux conflits armés.

De façon spécifique, la 3e Convention, en son article 17, stipule que "les prisonniers politiques ne pourront subir aucune torture ou contrainte pour les forcer à livrer des informations". Or l’armée américaine qui a bel et bien soumis des détenus irakiens à d’avilissantes tortures, a donc violé le droit international humanitaire. Que dire des prisonniers de Guantanamo qui croupissent dans leurs geôles sans jugement ? Que dire encore de la caution donnée par les USA, par leurs nombreux vétos, à Ariel Sharon surnommé "la victoire en tuant", pour mener son terrorisme d’Etat dans les territoires palestiniens ?

En fait, tout en se réjouissant de l’impuissance du Secrétaire général de l’ONU à infléchir leur politique dans le monde, les USA ne pardonnent pas à Kofi Annan sa liberté de ton critique à l’égard de leur comportement. Washington considère en effet, à tort ou à raison, qu’il devrait être récompensé pour services rendus à Kofi Annan, dont il avait dicté le choix après l’éjection de Boutros Boutros Ghali qui avait payé au prix fort, ses bravades vis-à-vis de l’oncle Sam.
Pendant longtemps, en effet, Kofi Annan a été considéré comme l’homme des Américains et l’héritier testamentaire de leur diplomatie aux Nations Unies.

On l’a vu, marchant dans les décombres de l’ex-Yougoslavie, sous les balles des troupes de l’OTAN sous commandement américain. Par contre, face au génocide programmé au Rwanda, son attitude avait été perçue comme une sorte d’indifférence. Au moment où il est de plus en plus question d’accorder une ou deux places à l’Afrique en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, les USA envisageraient même la création d’une autre structure pour liquider l’ONU.

A défaut, ils sont prêts à limoger Kofi Annan. Après Matar MBow à l’UNESCO, Boutros Boutros Ghali à l’ONU, Washington veut-il accréditer la thèse selon laquelle les Africains auraient un quotient intellectuel en dessous de la moyenne ?
Pour Washington en tout cas, il est plus que jamais d’actualité, cette supplique "Dieu, prenez soin de mes ennemis, mes amis je m’en charge". En effet, après avoir "pacifié" l’Irak, du moins croient-ils, et imposé partout leur vision du monde, les Etats-Unis croient le moment venu de fouetter leurs amis.

Le Pays

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