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Abidjan accueille le congrès d’une Internationale libérale de plus en plus « africaine ».

Publié le mercredi 24 octobre 2012 à 23h08min

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Abidjan accueille le congrès d’une Internationale libérale de plus en plus « africaine ».

Bien évidemment, cette « Internationale libérale » n’a rien à voir avec les glorieuses « internationales » qui ont marqué l’histoire du mouvement ouvrier, de la Ière (1864) à la IVème (1937), de Karl Marx à Léon Trotsky. Sauf que la Ière Internationale (Association internationale des travailleurs) et l’Internationale libérale ont, toutes deux, Londres pour siège.

Cette Internationale libérale a aujourd’hui 65 ans (elle a été fondée en 1947 sous la dénomination d’Union nationale des partis libéraux) et il faut bien reconnaître qu’elle ne s’est guère illustrée au pouvoir dans le monde alors que le « libéralisme » qu’elle prétend représenter et promouvoir est le fondement de la vie économique et politique d’une part non négligeable de l’humanité. Parmi la grosse cinquantaine de partis membres, bien peu ont un ancrage national significatif. Ni les Etats-Unis, ni la France, ni l’Italie… n’y sont représentés. Et les deux plus beaux fleurons de cette Internationale libérale sont le PDS au Sénégal et le RDR en Côte d’Ivoire.

Le 58ème congrès de l’Internationale libérale (IL) s’est donc tenu à Abidjan, au Palais des Congrès de l’Hôtel Ivoire, du 19 au 21 octobre 2012, à la suite de l’assemblée générale du Réseau libéral africain (17 et 18 octobre 2012). Belle victoire pour Alassane D. Ouattara qui a pris, voici deux ans, l’ascendant politique sur Laurent Gbagbo qui avait été l’enfant gâté de l’Internationale socialiste. Alors que c’était l’anniversaire de la naissance officielle (18 octobre 1905) de Félix Houphouët-Boigny, la rencontre d’Abidjan n’a pas manqué d’être symbolique. D’autant que le plus prestigieux des participants n’était autre que Macky Sall, le nouveau président de la République du Sénégal, qui assure, en quelque sorte, la continuité historique puisque le PDS d’Abdoulaye Wade* a tracé la voie du pouvoir au RDR de Ouattara.

Abidjan a d’ailleurs été un « drôle d’endroit pour une rencontre » entre Sall et ses anciens amis du PDS, celui-ci étant le seul parti sénégalais membre de l’IL. ADO n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler que le RDR avait été parrainé par Wade lorsqu’il a fait acte de candidature à l’IL en 1996. Et il a tenu à « rendre un hommage mérité » à celui qui « a perçu très tôt l’essence du libéralisme et l’opportunité qu’offrait cette pensée pour l’Afrique ». Notons que le député européen néerlandais Cornelis Johannes (Hans) van Baalen, président de l’IL, et la députée européenne belge Anne-Marie Cécile J. (Annemie) Neyts-Uyttebroeck, son ancienne présidente (1999-2005), mais aussi l’ancien ministre belge, ancien commissaire européen au développement, Louis Michel, avaient fait le déplacement jusqu’à Abidjan. Etait également présent le néerlandais Albert Gérard Koenders, ancien ministre de la Coopération et du Développement, représentant spécial du secrétaire général des Nations unies en Côte d’Ivoire depuis le 1er septembre 2011.

Président de la Côte d’Ivoire, président en exercice de la Cédéao, ADO ne pouvait que se réjouir de la présence de ces personnalités qui, à travers l’IL, apportent « un projet de société, une vision du monde, un ancrage idéologique fondé sur une éthique politique, sociale, culturelle et économique ». « Etre libéral, a assuré ADO, c’est veiller à ce que la « production économique », la création de richesses servent d’abord et surtout aux citoyens, à la prospérité de la société et au plus grand nombre ; c’est aussi réduire la pauvreté et créer des emplois, notamment pour les jeunes. C’est ce que nous appelons le libéralisme à visage humain ».

ADO a souligné que la liberté prônée par les « libéraux » se traduisait par « le respect du droit à la vie, à la propriété privée, à la liberté d’expression et au refus de la discrimination ». Ces « principes essentiels », il a tenu à les inscrire « dans la même cohérence que les grandes valeurs de l’Afrique ancienne » rappelant que « la charte du Mandé ou la charte de Kroukan-Fougan (1235), qui consacre ces grandes valeurs, a été à la base de la prospérité des peuples de cet empire durant toute la période précoloniale ». Il a ajouté : « C’est parce que nous avons abandonné ces grandes valeurs après l’accession de nos Etats à la souveraineté nationale que notre développement a été fortement contrarié. Les violences politiques, les violations des droits de l’homme, le manque de transparence dans nos économies, et l’absence de principes de démocratie ont empêché les peuples africains d’accéder au progrès économique et à la prospérité durant une bonne partie du XXème siècle ». Il a enfin évoqué, au sujet des événements qui se sont déroulés en Afrique de 1990 à 2010, « une révolution démocratique ».

C’est la très emblématique Henriette Diabaté, qui a été par le passé secrétaire générale du RDR, aujourd’hui grande chancelière de l’ordre national de la Côte d’Ivoire, qui a prononcé le discours de clôture des travaux du 58ème congrès de l’IL. Un vibrant hommage a été rendu à Félix Houphouët-Boigny qui a « créé en Côte d’Ivoire les conditions du développement et de la sécurisation de l’investissement privé, tout en mettant en œuvre – et je le cite – « une politique sociale des plus hardies » mais aussi à ADO qui, premier ministre de 1990 à 1993, en « désengageant l’Etat des secteurs de la production pour élargir les bases de l’investissement privé tout en réduisant l’endettement de l’Etat […] venait de démontrer, pour la première fois, ses qualités d’homme d’Etat libéral ». Le discours d’Henriette Diabaté a été politique, ivoirien et « ouattariste » : ADO est « un homme digne et respectable », « un homme de parole qui tient ses engagements si besoin sans état d’âme », « un modèle d’homme d’Etat libéral et sans conteste un atout dans la construction de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique ». Le message d’Henriette Diabaté tient ainsi en quelques mots : « Vous pouvez faire confiance à Ouattara ».

Le congrès de l’IL, qui a mis l’accent essentiellement sur la problématique africaine, a été l’occasion pour Abidjan de se repositionner sur la scène internationale et continentale alors que la Côte d’Ivoire traverse une période particulièrement troublée et que le doute s’installe, parfois, au sein de la population et des communautés africaine et internationale. Koenders, représentant de Ban Ki-moon en Côte d’Ivoire, s’est montré enthousiaste : « La renaissance de la Côte d’Ivoire et la relance de son économie sont le gage d’une plus grande prospérité dans toute la sous-région ouest africaine […] Ce pays, qui est le pivot du développement économique et social, doit retrouver sa place de locomotive ».

La visite d’amitié et de travail de Macky Sall à l’occasion de ce congrès de l’IL (je rappelle que c’est le PDS de Wade qui est membre de cette organisation et non pas le parti de Sall) a été l’occasion de réactiver les relations entre Abidjan et Dakar (déjà privilégiées au temps de Wade) dans un jeu de bascule des générations : Wade était l’aîné d’ADO ; cette fois, c’est ADO l’aîné de Sall. Notons encore que le leader de l’opposition guinéenne, Cellou Dalein Diallo, dont le parti est membre de l’IL, a profité de sa présence à Abidjan pour dénoncer « les difficultés [de son pays] essentiellement liées à l’organisation des élections législatives, mais aussi aux violations répétées des droits humains en République de Guinée » (le parti du président Alpha Condé est membre de l’Internationale… socialiste).

* Je rappelle que le dimanche 18 mai 2008, à Belfast (Irlande du Nord), Abdoulaye Wade a été porté à la présidence honoraire de l’Internationale libérale. Au lendemain de sa qualification pour le second tour de la présidentielle 2010, Alassane D. Ouattara et son staff de communicateurs s’étaient rendus à Dakar. Hystérie de l’équipe de Laurent Gbagbo : dénonciation d’une « conspiration », d’une « ingérence intolérable du Sénégal dans les affaires intérieures de la Côte d’Ivoire », rappel de l’ambassadeur ivoirien à Dakar, convocation de l’ambassadeur sénégalais en Côte d’Ivoire, déclaration d’Alcide Djédjé, conseiller diplomatique de Gbagbo : « On n’a pas le droit de conspirer en vue d’une déstabilisation », etc.
L’Internationale libérale avait, dès le mardi 10 août 2010, officiellement apporté son soutien à Alassane D. Ouattara, vice-président de l’IL, pour la présidentielle 2010, le « meilleur candidat » parce qu’il « a présenté un programme qui prend en compte le renforcement de l’unité nationale basé sur le dialogue et la tolérance et des solutions économiques cohérentes et révolutionnaires ». L’Internationale socialiste s’était bien gardée de tenir le même discours à l’endroit de Gbagbo.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche DIplomatique

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