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MAXIME NIKIÈMA, GESTIONNAIRE DE PROGRAMME DU REN-LAC : « Sous la Révolution, il y avait une volonté politique affichée pour lutter contre la corruption »

Publié le mardi 16 octobre 2012 à 07h53min

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MAXIME NIKIÈMA, GESTIONNAIRE DE PROGRAMME DU REN-LAC : « Sous la Révolution, il y avait une volonté politique affichée pour lutter contre la corruption »

Aujourd’hui 15 octobre 2012, marque le 25e anniversaire de la fin du Conseil national de la Révolution. Ledit Conseil, s’était illustré dans la lutte contre la mauvaise gestion du bien public, notamment à travers ses Tribunaux populaires révolutionnaires (TPR). Un quart de siècle après, le gestionnaire de programme du Réseau national de lutte-anti corruption (REN-LAC), Maxime Nikièma, jette un regard rétrospectif sur les TPR et donne quelques pistes de solutions pour une véritable lutte contre la corruption.

Sidwaya (S.) : Pouvez-vous nous faire l’état des lieux de la corruption de nos jours au Burkina Faso ?

Maxime Nikièma (M. N.) : En cette année 2012 et ce, depuis pratiquement la fin des années 90, on peut dire que la corruption est devenue systémique et même endémique, dans la mesure où elle touche tous les secteurs sociaux, politiques et économiques.

S. : Quel regard comparatif portez-vous sur la lutte contre la corruption menée aujourd’hui et celle conduite au temps de la Révolution d’Août 1983 ?

M. N. : En août 1983, la corruption n’avait pas atteint le niveau systémique dans notre pays. Elle était plutôt embryonnaire et ne concernait que quelques hauts cadres de l’administration publique ou même quelques responsables politiques. Cependant, il faut reconnaitre qu’il y avait une forte volonté politique affichée pour lutter contre la corruption à cette époque. Cela s’observait par un certain nombre de signaux forts qui avait été donnés par la Révolution. Il y a eu l’institution des Tribunaux populaires de la Révolution (TPR) avec inversion de la charge de la preuve. Ça veut dire qu’il n’appartenait pas à l’accusation de prouver que vous avez été corrompus, mais c’est à vous de prouver que vous avez acquis ces richesses de manière honnête. Un autre signal fort qui a été donné dans la lutte contre la corruption, c’est la déclaration publique du patrimoine des premiers responsables. C’est sous la Révolution que les autorités ont institué la déclaration du patrimoine des responsables politiques et administratifs de haut niveau. La déclaration qui se fait aujourd’hui, est une déclaration qui n’est connue de personne, alors qu’en 1983, la déclaration du patrimoine était rendue publique ! C’est vrai qu’on observe de plus en plus une volonté de lutter contre la corruption dans les discours politiques, mais sur le terrain, l’absence de volonté politique est manifeste.

S. : Donc pour vous, il faut des tribunaux spéciaux avec des garanties juridiques pour juger les suspects corrompus et corrupteurs afin de servir d’exemple ?

M. N. : Point besoin de tribunaux spéciaux pour juger les suspects présumés corrompus ou corrupteurs. Le non jugement des acteurs de corruption relève plus d’une absence de volonté politique que d’une insuffisance d’instruments juridiques, même si ces derniers ont besoin d’être renforcés.

S. : Préférez-vous les Tribunaux populaires de la Révolution aux juridictions actuelles dans la lutte contre la corruption ?

M. N. : Les TPR ont eu le mérite d’attirer l’attention des administrateurs et des usagers des services publics sur le caractère sacré du bien public. Celui qui en abuse doit s’attendre à tout moment, même plusieurs années après, à être invité à rendre compte. De ce point de vue, l’inversion de la charge de la preuve en matière de corruption instituée par les TPR a été un pas qualitatif. Mais il faut souligner que le non-respect des droits de la défense a été un des points faibles de ces TPR. Avec les instruments juridiques que nous avons, s’il y a une bonne volonté politique de lutter contre la corruption, on peut utiliser ces instruments, pour mener efficacement la lutte.

S. : Comment le gouvernement actuel peut-il gagner la lutte engagée contre ce fléau aux conséquences multiples ?

M. N. : Il y a la nécessité de consolider l’arsenal juridique existant. C’est dans ce sens que le Réseau des parlementaires engagés contre la corruption (Burkindi) et le REN-LAC ont initié une proposition de loi pour renforcer le cadre juridique. Cette proposition de loi a été transmise au gouvernement. Deuxièmement, il faut un engagement politique fort des plus hautes autorités du pays, à l’instar de celui observé dans la lutte contre le Sida et l’excision. Troisièmement, il faut que les autorités mettent fin à l’impunité des acteurs de corruption. Tous les auteurs d’actes de corruption connus doivent être poursuivis et jugés conformément à la loi. De ce point de vue, les huit engagements du Premier ministre après sa visite à l’Autorité supérieur de contrôle d’Etat (ASCE), indiquent déjà, une piste si on veut appliquer toutes les recommandations de l’ASCE. Mais, on doit aller au-delà, car il n’y a pas que les rapports de l’ASCE. Avant cette structure, il y a eu la Haute autorité de coordination de lutte contre la corruption (HACLC) qui a identifié des cas de corruptions et de malversations qui aujourd’hui, sont dans les oubliettes. Il y a aussi les rapports de la Cour des comptes. Il faut même aller au-delà même des structures étatiques parce qu’il y a des Organisations de la société civile (OSC) telles que le REN-LAC qui font des investigations et qui arrivent à donner des pistes, à identifier des acteurs de corruption...

S. : Le REN-LAC combat la corruption. Depuis votre existence, que notez-vous comme progrès dans la lutte contre la corruption au Burkina Faso ?

M. N. : Il a contribué fortement à faire passer la corruption de concept-tabou en une réalité sociale préoccupante au Burkina Faso. En matière de lutte contre la corruption, le REN-LAC est aujourd’hui une référence incontournable au Burkina Faso et en Afrique. Ces résultats, le REN-LAC les a acquis en documentant la corruption, en informant, en sensibilisant les citoyens, les communautés et les autorités aux méfaits de la corruption.

S. : Quels sont les enseignements que vous tirez de la lutte contre la corruption au Burkina Faso ?

M. N. : La lutte contre la corruption est un combat de longue haleine dans la mesure où vous n’êtes pas toujours appréciés par ceux que vous mettez en cause. C’est en persévérant que le REN-LAC a pu traverser les 15 années de la position d’organisation qui était indexée par le gouvernement comme indésirable. A la création du REN-LAC en 1997, il était perçu comme une structure qui voulait mettre du sable dans le couscous des membres du gouvernement. Aujourd’hui, le REN-LAC a acquis une notoriété si bien que le gouvernement, lui-même, est amené à travailler avec notre organisation.

S. : A quoi servent les rapports du REN-LAC ?

M. N. : Les rapports du REN-LAC servent à documenter la corruption. On ne peut lutter contre un ennemi qu’on ne connaît pas. Or, les rapports du REN-LAC permettent de mieux connaître la corruption, à informer les citoyens sur ses méfaits, ses causes et ses conséquences. En un mot, les rapports du REN-LAC servent à lutter contre la corruption.

Paténéma Oumar OUEDRAOGO

Sidwaya

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