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L’invité de la Redaction : Zéphirin Diabré, président de l’UPC "La politique est un engagement (...), pas une profession pour moi"

Publié le mardi 2 octobre 2012 à 23h44min

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L’invité de la Redaction : Zéphirin Diabré, président de l’UPC

Il s’appelle Zéphirin Diabré. Il est né le 26 août 1959 et a assumé de hautes fonctions aussi bien au plan national qu’international. Ministre du Commerce, de l’Industrie et des Mines de 1992 à 1994, puis ministre de l’Economie et des Finances de 1994-1996, Zéphirin Diabré a été aussi le président du Conseil économique et social de 1996 à 1997 avant de démissionner pour enseigner à l’Université de Harvard aux Etats-Unis. Directeur général adjoint du Programme des Nations unies pour le développement, puis président Afrique et Moyen-Orient du groupe nucléaire AREVA, l’homme que Sidwaya a reçu comme Invité de sa rédaction est aujourd’hui, dans la politique. Depuis 2010, il est le président de l’Union pour le progrès et le changement (UPC). Pendant plus de deux heures, ce 13 septembre 2012, il a répondu sans détour aux multiples questions des journalistes à lui posées sur la politique, l’exploitation minière, l’actualité internationale…

Sidwaya (S.) : Depuis la création de votre parti en mars 2010, vous avez sillonné, tel un pèlerin, le Burkina Faso pour installer vos représentants locaux. A ce jour, à quel niveau êtes-vous avec l’implantation du parti ?

Zéphirin Diabré (Z.D.) : Depuis quelque temps, on gambade, province par province, pour lancer le parti. C’est une mission que nous nous sommes fixée dès la création du parti. Car une organisation politique n’est sérieuse que lorsqu’elle est mieux connue de la population. C’était donc un devoir pour nous de nous installer le maximum possible. Aussi, nos textes donnent une architecture qui indique que notre parti est structuré au niveau du village par un comité de base, des sous-sections au niveau des communes, une section au niveau provincial et une fédération au niveau de la région. Et pour respecter ces textes, nous avons installé des correspondants et non des coordonnateurs. Le terme correspondant a été retenu après de longues discussions.

Les militants ont vu que le coordonnateur va penser qu’il a le pouvoir déjà. Le rôle du correspondant est d’aider le parti à s’implanter dans toutes les localités du pays. Aujourd’hui, nous avons des représentants dans toutes les 45 provinces. Mais si ce sont les structures effectivement mises en place, la situation varie en fonction du dynamisme des correspondants, de la situation et des facilitations locales. Par exemple dans ma province, au Zoundweogo, il existe dans chaque village un comité de base, toute l’architecture du parti est mise en place. Nous faisons également de grands progrès dans les provinces comme la Tapoa, le Yatenga, le Noumbiel, la Bougouriba, le Poni, le Komandjari, le Houet, etc. Mais le problème que l’on a, dans l’expansion du parti, est le choix du correspondant. Il faut être prudent, car une erreur de casting se paie très cher.

S. : Quels sont les critères pour devenir un correspondant UPC ?

Z.D. : Il faut que la personne regarde dans la même direction que nous. Il faut qu’elle partage le contenu du manifeste de l’UPC et qu’elle soit d’accord pour travailler selon les règles définies par notre statut et règlement intérieur. A cela s’ajoutent des éléments liés à la personne. Parce que malheureusement en Afrique, les gens ne suivent pas les idées. Nous regardons quelle est la capacité de la personne à jouer le rôle de correspondant. Parfois, il y a plusieurs noms mais nous arrivons à trancher. Nous nous renseignons sur le passé politique des personnes proposées. Et le fait d’avoir milité déjà dans un autre parti n’est pas un problème, sinon moi-même je n’allais pas être là où je suis. Mais nous nous assurons qu’on ne nous envoie pas des sous-marins qui pourront se réveiller un beau matin contre le parti.

S. : D’aucuns considèrent la plupart de vos correspondants comme des rebuts d’autres partis. Est-ce vrai ?

Z.D. : Le terme rebut est peut-être trop fort pour les caractériser. Des gens peuvent être dans un parti, ils ne sont pas d’accord et ils s’en vont. Un rebut c’est quelqu’un qu’on a chassé, et si tel est le cas, c’est qu’il a commis une faute et on l’a exclu. Non, tel n’est pas le cas. Ce sont des gens, comme moi-même, qui militaient dans un parti et pour des raisons quelconques ont quitté pour d’autres partis. Et cela, on ne peut pas les interdire de se joindre à nous.

S. : Quelles sont vos ambitions pour les élections à venir ?

Z.D. : Comme tous les partis, nous vivons aussi les tractations pour la confection des listes électorales. A longueur de journée, il faut s’asseoir pour arbitrer, surtout que le parti n’a pas atteint une certaine maturité qui lui aurait imposé un critère démocratique de choix. Je vous assure que c’est difficile mais ce n’est pas un obstacle ; nous sommes en train de progresser dans la construction de nos listes. A mon avis, il n’y aura pas de grand problème. Par contre, on n’a pas un objectif particulier de siège à obtenir, et sur ce plan on est bien loti, puisqu’on part de zéro. Actuellement, on n’a ni conseiller, ni maire, ni député. Quand on part de zéro, on peut se donner des motifs de satisfaction quand on obtient un résultat différent de zéro. Mais nous espérons avoir le plus grand nombre de députés possible.
Nous ne voulons pas nous fixer un objectif. C’est prétentieux de déterminer un nombre et dire que c’est ce que nous voulons atteindre. Nous partons de zéro.

Le véritable enjeu d’une stratégie électorale est le choix des personnes qui doivent vous représenter. C’est le premier paramètre. Nous sommes dans un environnement où les gens suivent les individus ; ce qui fait que ce choix est très minutieux pour nous. Deuxièmement, il faut que les porte-voix du parti soient avertis sur les positions du parti sur les grandes questions qui intéressent la vie nationale. Troisièmement, il y a le déroulement lui-même des élections. Nous sommes instruits par l’expérience qui est que les réunions que les Américains appellent les « focus » sont beaucoup plus payantes électoralement que les grands meetings. C’est plutôt cette stratégie que nous allons adopter en nous appuyant sur les structures de base que nous avons.

S. : Vos ambitions c’est de couvrir tout le pays ?

Z.D. : Oui. On le fera à l’exception de quelques endroits où il y a des arbitrages qui sont en discussion entre camarades. On agit en pensant à demain. Sinon, dans l’ensemble, on va y aller.

S. : Qu’est-ce qui vous a poussé à quitter le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) ?

Z.D. : J’imagine qu’il y a beaucoup de gens qui se posent aussi la question. Tout procède d’une analyse que l’on fait d’une situation et de ce que l’on pense pouvoir être bien pour son pays. J’ai commencé mon engagement en politique avec l’ODP/MT, au moment où on passait du Front populaire à la démocratie. C’est à travers ce que l’on a appelé ouverture démocratique que nous avions été approché à l’époque pour rejoindre l’ODP/MT. Cela s’est fait sur la base d’un intérêt calculé, en ce sens qu’on cherchait des gens qui étaient capables de faire gagner des postes de députés. A l’époque, on sortait de la Révolution et le choix n’était pas facile. On avait deux groupes distincts qui se faisaient face. Il y avait les cadets sociaux qui, eux, sont passés de la Révolution, au Front populaire et continuaient à vouloir animer la nouvelle démocratie et pour laquelle on a une affinité générationnelle ou alors c’est l’ancienne classe qui ne s’était pas renouvelée à l’époque ou rajeunie. Le seul souci c’était une restauration.

Si on fait donc une analyse des quatre années de la Révolution et ce qui s’en est suivi, on retrouve du pour et du contre. Il ya des aspects fondamentalement positifs. Le sentiment de fierté nationale, l’idée de prendre notre propre développement en main, la santé, la promotion de la femme, la lutte contre la corruption par les Tribunaux populaires de la révolution (TPR) ; tout cela n’était pas mauvais. Cependant, il faut regretter les aspects qui n’étaient pas bons. C’était un régime de dictature. Il y a eu beaucoup d’abus en matière de droits de l’homme et les libertés d’expression n’étaient pas celles qu’on aurait souhaitées. Mais en allant à la démocratie, on se dit qu’on peut partager ses idées par des voies plus démocratiques. J’ai été élu à la tête du Zoundwéogo et immédiatement j’ai été appelé au gouvernement. Un gouvernement que je qualifie de gouvernement tête de liste.

A l’époque, le succès électoral vous mettait en pôle position pour occuper un poste ministériel. C’était normal parce qu’on cherchait une assise pour le pouvoir. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvé au gouvernement. Après, j’ai eu le sentiment que beaucoup de paramètres autour desquels on s’était réuni commençaient à ne plus être pris en compte. Deux choses m’ont tiqué. Le premier, c’est le choix et la distribution des responsabilités. Dans un parti normal où il ya des compétences, c’est la combativité politique qui doit donner la place aux militants. Au début c’était bien mais il y a eu un glissement par la suite où les critères de choix n’étaient plus cela. J’ai été député avant d’être ministre. La mode maintenant, c’est d’être ministre avant d’être député. Il fallait être député pour montrer à ta base avant de prétendre à un poste ministériel. Ensuite, il y a la question de la chose publique. Je pense que petit à petit on s’est laissé gagner par une sorte de laxisme.

Peut-être que cela est dû au fait d’être resté pendant longtemps au pouvoir. Des comportements pour le centième desquels on amenait les gens au TPR, il y a quelques années, on voit progressivement qu’il n’y a pas de volonté d’y mettre un terme. On voit actuellement qu’il n’y a pas une ferme volonté de lutter contre la corruption. C’est pour cela qu’à un moment donné, occupant des responsabilités éminentes, président du Conseil économique et social, j’ai demandé à ce qu’on me décharge, parce que je vais me donner un temps de réflexion à l’extérieur. En général, les gens attendent d’être limogés pour dire ensuite qu’ils ne sont pas d’accord avec le régime. Mais moi j’ai demandé à quitter. Et la personne à qui je me suis adressé m’a demandé : « on t’a fait quoi ? » Je lui ai dit que je voulais prendre du recul. Je suis allé avec des amis à l’Université de Harvard pour enseigner.

Avec des éminents professeurs, on voulait créer un cabinet pour conseiller les pays en matière de politique de développement. A l’époque, je ne savais même pas que je faisais une carrière internationale. Comme c’est un endroit où le système international puise un certain nombre d’éléments, l’offre est venue d’aller travailler au PNUD. Quand vous lirez notre manifeste, vous saurez qu’il y a trois domaines où on n’est pas d’accord avec la manière dont les choses se passent dans notre pays.

Le premier, c’est la construction de la démocratie. Nous avons comme l’impression que les gens veulent la démocratie mais ne la veulent pas entièrement. Il y a toute une élite politique, éduquée peut-être à la Révolution, qui ne veut pas l’alternance. Tout est mis en place subtilement ou non pour endiguer la vraie démocratie. On peut se poser des questions. Est-ce que notre démocratie n’est pas animée par des gens qui, eux-mêmes, ne croient pas en la démocratie. Le deuxième, c’est la question du développement et de l’économie. Les questions des inégalités sociales ne sont pas prises trop au sérieux. Cela est un élément qui peut déstabiliser une société et on le voit déjà dans les réactions des gens. Et pire, l’animation de l’économie aujourd’hui est devenue clanique. Ce n’est pas moi qui le dit, même les grands opérateurs économiques le disent. Si tu n’es pas d’un certain cercle, ton parcours économique pose problème. Au-delà de toute considération, c’est même un manque de rationalité économique. Une économie marche bien quand toutes les énergies y participent. Nous souhaitons que cela soit corrigé et notre manifeste prône le développement partagé.

Le dernier point de désaccord, c’est la manière dont nous gérons notre société. Nous ne disons pas que le pouvoir doit jouer au gendarme pour nous imposer des comportements. Il y a quand même une orientation à donner, surtout qu’on est un pays qui a une histoire, des traditions et des valeurs. Et la force publique, l’Etat doit faire en sorte de pouvoir les inculquer au maximum possible. Malheureusement, on a le sentiment qu’il y a une sorte de démission totale. On a une société qui va à vau-l’eau. Un enseignant m’a raconté que dans sa classe, il a des enfants traumatisés, parce que leurs parents ont divorcé. Il dit que ces enfants n’arrivent pas à travailler normalement. Les enfants qu’on abandonne dans les rues. Ce sont des phénomènes de société qu’un pays doit prendre à bras-le-corps. Comment prépare-t- on notre jeunesse ? Aujourd’hui, on peut aimer ou ne pas aimer, mais les Asiatiques modèlent leurs citoyens pour demain. Les Etats-Unis modèlent leurs citoyens pour demain. Nous, quel citoyen nous fabriquons pour demain ? Voilà quelques éléments qui nous opposent au régime en place.

S. : Si les imperfections que vous aviez soulignées au niveau du CDP venaient à être corrigées dans ce parti, feriez-vous un come-back ?

Z.D. : Non. Nous avons dit au forum de l’alternance que nous ne pensons pas que des forces comme le CDP soient intrinsèquement capables de faire ce qu’il y a lieu de faire. Chaque jour que Dieu fait, on voit que le chemin pris n’a pas changé.

S. : Le parti au pouvoir que vous fustigez a procédé à ce que l’on pourrait appeler des primaires. Comment cela se passe chez vous ?

Z.D. : Il est difficile de faire des primaires car nous n’avons pas une couverture intégrale de tous les 8 000 villages. Nous avons désigné des missions du bureau politique national par région qui, avec d’autres camarades, ont procédé par des concertations pour désigner les candidats par concertation. Mais s’il n’y a pas de consensus, on passe à des votes. Cependant, le vote, si on peut l’éviter on l’évite parce que ça peut frustrer. C’est une méthode qui donne de bon résultat et on avance bien.

S. : Il y a des Burkinabè qui estiment que vous avez de très belles idées mais disent que vous êtes un pion du CDP ou même du Président Blaise Compaoré ?

Z.D. : Vous avez raison car je le constate dans beaucoup de réunions que je fais. Je constate aussi avec beaucoup de bonheur que le pourcentage lié à cette question a considérablement diminué par rapport au début du parti où les jeunes dans les différents secteurs disaient qu’ils étaient inquiets parce que j’ai travaillé avec le parti au pouvoir. Aujourd’hui, ces soucis ne se posent plus trop. Je l’ai prouvé par mes déclarations, mes prises de position. Mon passage à Actu Hebdo (Ndlr : une émission de la Télévision nationale) a été un tournant dans la vie du parti sur cette question. Avec le temps, je vais le prouver. Malgré tout, il ne faut pas diaboliser les gens. Ce n’est pas une histoire d’être des ennemis. Nous voulons construire une nation. Si nos idées peuvent être prises en compte pour la construction du pays, cela est positif. Il peut même avoir des circonstances politiques douloureuses que nous ne souhaitons pas où toutes les forces du pays doivent s’unir pour sauver la patrie. Comme nous le disons dans nos manifestes, ce n’est ni par vengeance ni par haine personnelle vis-à-vis d’une personne.

S. : Vous avez quitté le CDP pour des questions d’idéologie. Certains pensaient vous voir dans la mouvance présidentielle. Vous êtes finalement parti dans l’opposition. Expliquez-nous pourquoi ?

Z.D. : Si je dois quitter le CDP et me mettre juste à côté pour dire que je suis de la mouvance présidentielle, cela me paraît un peu compliqué comme une position à prendre. Mais fondamentalement, c’est la nature des contradictions qui fait que nous ne sommes pas dans la mouvance présidentielle. Ils sont tous comptables de tous les maux que nous dénonçons. Nous n’avons jamais entendu la mouvance taper du poing sur la table pour dénoncer un problème. Nous avons des rapports qui s’accumulent dans les tiroirs mais aucun gros poisson n’a déjà été épinglé. Tout le monde attend que justice soit faite. Nous n’avons jamais vu un parti de la mouvance exiger cela.

S. : Est-ce qu’à votre niveau vous l’exigez ?

Z.D : Nous ne sommes pas en position d’exiger cela. Nous recommandons que les différents dossiers établis par les corps d’inspection mis en place par le gouvernement soient jugés. Pourquoi les infractions décelées par la Cour des comptes, l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat dorment dans les tiroirs ? Nous disons que c’est parce que ceux qui sont concernés dans les rapports font partie de la machine qui est au pouvoir qu’ils ne sont pas inquiétés.

S. : Qu’est-ce qui vous a motivé à vous affilier au chef de file de l’opposition politique à la différence d’autres partis se réclamant également de l’opposition ?

Z.D. : Le terme affiliation pose problème. Une affiliation en général est volontaire. En l’espèce, il y a un texte de loi qui dit que si un parti veut être considéré comme un parti de l’opposition, il doit faire une déclaration auprès du chef de file de l’opposition. Nous nous sommes dit qu’il faut être républicain. Notre avis est que la loi est mal rédigée. Le système de chef de file de l’opposition est bon dans les endroits où il y a deux camps notamment dans les systèmes anglo-saxons. Nous avons une tradition latine où il y a la majorité plurielle et l’opposition qui est éparpillée et vice versa, et en fonction des circonstances, on noue les amitiés. Notre tradition politique étant ainsi, on peut se poser des questions sur la nécessité ou la rationalité de chef file de l’opposition.

Foncièrement, je pense qu’on ne doit pas demander à un parti politique d’avoir une démarche administrative auprès d’un autre parti politique. Pour moi, si quelqu’un doit recevoir une déclaration d’opposition ou de majorité, c’est le ministère de l’Administration territoriale. Nous sommes allés au chef de file de l’opposition parce que la loi le veut ainsi, mais nous ne sommes pas dans une coalition. Ce qu’il y a de bien, le chef de file de l’opposition donne une plate- forme, un espace aux partis politiques pour leurs relations avec l’administration.

S. : Comment M. Diabré a-t-il pu accéder à son poste à AREVA ? Est-ce par vos compétences ou le pays vous a donné un coup de main ?

Z.D. : Dans le secteur privé, on a ce que l’on appelle des chasseurs de tête. C’est-à-dire, des cabinets de recrutement à qui les instituts demandent de trouver quelqu’un de tel profil pour telle fonction. Les cabinets cherchent des individus dans leurs réseaux, dans les institutions et secteurs privés. Ils vous demandent si vous êtes intéressé par une responsabilité à tel niveau. Si vous dites oui, ils vous mettent sur un short list et on envoie la liste à la société demandeuse. Celle-ci fait son entretien et choisit son candidat. C’est comme cela que j’ai été choisi.

S. : Les Burkinabè ne sont pas nombreux comme les ressortissants d’autres pays dans les hautes fonctions du système des Nations unies. Qu’est-ce qui explique cela ?

Z.D. : C’est une légende qui court beaucoup ; êtes-vous sûr de cela ? Le poste que j’ai occupé (Ndlr : Directeur général adjoint du PNUD de 1999 à 2005) est un poste qui tourne entre les régions. Actuellement, c’est une dame de Costa-Rica qui occupe le poste de directeur général adjoint du PNUD. De manière générale, les autres pays ont eu une longueur d’avance sur nous dans la fonction publique internationale car leur mentalité était beaucoup plus ouverte à cela. Dans les années 70, si vous parlez aux fonctionnaires actifs de notre pays, ils vous diront qu’on leur a proposé souvent des postes et qu’ils ont décliné tout simplement parce qu’ils ne voulaient pas quitter leur Haute-Volta. C’est avec les difficultés politiques que les gens ont commencé à changer de vision dans deux directions. D’abord l’idée que l’Etat n’est pas forcement le seul lieu de réussite.

Si on te dégage, il faut que tu vives. Deuxièmement, s’il n’y en a pas ici on peut aller voir ailleurs. Je rencontre beaucoup de compatriotes qui sont dans le système des Nations unies. Le nombre est important comparativement il y a de cela 15-20 ans. Par exemple au FMI, on a beaucoup de jeunes burkinabè ; c’est vrai, ils ne sont pas encore connus, ils sont à des niveaux juniors. Nos compatriotes ne sont pas des fainéants ; beaucoup sont dans les universités, travaillent bien et leurs dossiers sont appréciés avec bienveillance. Ils peuvent accéder aux postes de la fonction publique internationale.

S. : Est-ce qu’il y a une politique qui est menée pour encourager le départ des jeunes burkinabè vers ces universités ?

Z.D. : Nous avons entendu qu’il y a des politiques. Mais je n’ai pas encore vu de politiques mises en place. Ce sont des réseaux d’individus qui se perpétuent. Sinon l’Etat n’a pas pris des dispositions allant dans ce sens. Comme nous avons des jeunes que nous formons et que tous ne peuvent pas devenir des fonctionnaires, il faut avoir une démarche pour qu’ils puissent essaimer ailleurs. Quand je dis essaimer, il y a d’abord le secteur privé national et étranger. Il y a aussi le système international où nous pouvons nous mettre à l’affût et voir les postes pour lesquels des candidatures de Burkinabè peuvent être présentées pour être en compétition avec les autres.

S. : Par rapport à votre passage à AREVA, on dit que vous êtes devenu un pion de la France. Que répondez-vous à cela ?

Z.D. : Je pense qu’ils ne connaissent pas comment marchent les institutions multinationales. J’ai été recruté à AREVA par une direction qui était conduite par Anne Lauvergeon. J’appartenais à une direction et je cherchais une occasion pour revenir vers le pays. Je voulais quelque chose qui ne soit pas très contraignant. Nous avons trouvé un arrangement. Je travaillais beaucoup à partir de Ouagadougou avec les nouvelles technologies. Mais si j’étais un pion de la France, je ne serais pas parti avec Mme Lauvergeon. Une nouvelle direction est arrivée et dans les multinationales c’est comme cela que ça fonctionne ; l’équipe dirigeante cède sa place. Et par loyauté vis-à-vis de la personne avec qui j’ai travaillé, j’ai moi-même demandé à partir avant qu’on n’en parle pour tenir l’UPC. Et c’est normal ainsi, parce qu’on était une équipe qui avait une vision, une conception et je ne me voyais pas en train de servir quiconque d’autre. Si j’étais un pion de la France, est-ce que je serais parti ?

S. : Avez-vous déjà rencontré le Président Compaoré depuis que vous avez créé l’UPC ?

Z.D. : Non !

S. : Souhaitez-vous le rencontrer ?

Z.D. : Pas nécessairement.

S. : Le positionnement idéologique de l’UPC, gauche, droite, centre ou rien ?

Z.D. : Ça ne peut pas être rien (rires). Nous avons trouvé une formule pour trancher cette question. Nous avons abouti à la conclusion que le positionnement disant qu’on est de droite ou de gauche n’a pas de sens aujourd’hui. Par contre le positionnement autour de valeurs a un sens. Est-ce qu’on est pour l’école généralisée et gratuite jusqu’à 16 ans ? On peut être pour le capitalisme mais être d’accord pour ça. Ce n’est pas une valeur de droite ni de gauche mais de bon sens. Est-ce qu’on est pour un rôle plus important des femmes dans la société ? On n’a pas besoin d’avoir un choix idéologique pour dire qu’on est d’accord ou bien on n’est pas d’accord.

Est-ce qu’on est pour la préservation de l’environnement parce que c’est une ressource à préserver pour l’avenir de nos générations ? On peut être de droite ou de gauche et faire cela. La question qu’on doit se poser, c’est face à un problème, quelle est la meilleure solution pour réussir. Parfois ce sont des solutions de gauche. Je prends un exemple : moi je milite avec un certain nombre de personnalités dont Michel Rocard dans une petite structure qu’on appelle « le Réseau ressource ». Et nous sommes des avocats pour une gratuité de l’accès à l’eau, le droit à l’eau. L’eau doit être une ressource disponible pour l’être humain et l’Etat doit s’assurer que ça peut être gratuit. Mais dans ce réseau, il y a des gens de gauche et de droite. Concernant l’eau, ce n’est pas une question d’être de gauche ou de droite mais de bon sens puisque l’eau c’est la vie ; donc si elle manque à quelqu’un c’est un assassinat.

S. : De quoi vit aujourd’hui M. Diabré ? Et d’où tirez-vous les fonds pour la politique quand on sait que dans nos pays, le chef du parti paraît le principal bras financier ?

Z.D. : Ce sont deux choses différentes. Je suis un consultant. J’ai une expérience que Dieu m’a donnée dans le domaine minier et je suis consultant dans le financement des mines. Mais l’activité politique prend beaucoup de mon temps. Le financement du parti se fait essentiellement sur la base du sacrifice des membres du parti. Ce sont les correspondants départementaux, provinciaux. Nous n’avons pas de soutien comme le parti au pouvoir. Comme nous sommes un parti qui vient de naître, personne n’ose parier sur nous.

S. : Si vous aviez le chef du gouvernement devant vous, que lui diriez-vous sur sa gouvernance ?

Z.D. : D’abord, je ne parlerai pas de sa gouvernance à lui mais plutôt de la gouvernance. C’est important parce qu’on ne peut pas personnaliser la question. Mais sur la question de façon générale, on dira qu’il y a des efforts à faire car il faut passer aux actes. Sur le terrain de la corruption, il est bon que les dossiers qui ont été établis par les services de l’Etat aient une suite. Même si le juge va prendre les dossiers et dire finalement qu’il y a un non-lieu, au moins nous serons situés. Mais, on ne peut pas continuer comme cela. Je pense qu’il faudrait créer un tribunal spécial pour ce genre de dossiers car certains pays l’ont fait avec toutes les garanties juridiques. Le citoyen aura alors le sentiment que l’on prend à cœur la gestion de la chose publique. Mais il me semble que c’est l’aspect sur lequel notre pays a encore un gros souci.

S. : Le Burkina Faso a vécu une crise aiguë en 2011. Cette crise est-elle désormais derrière nous ?

Z.D. : Il faut le souhaiter. Personne ne veut vraiment souhaiter que son pays soit dans des turbulences. Tout ce qu’on peut demander est que son pays puisse vivre en paix, parce que tant qu’il n’ya pas la paix, il n’ya pas de développement. Mais pour que ce soit ainsi, il faut faire en sorte que les facteurs ayant entraîné la crise soient bien gérés. C’est là où on se demande si la leçon a servi. En réalité, c’étaient des facteurs entremêlés dans beaucoup de choses et comme c’est souvent le cas dans les irruptions politiques et dans plusieurs segments de la société. Entre les revendications des soldats qui disent que la hiérarchie ne prend pas bien soin d’eux et celles des élèves pour la justice de leur camarade tué dans de conditions obscures, c’est le sentiment général de la population qui est palpable et que nous entendons.

Il ya aussi le fait que les citoyens veulent souvent se rendre justice eux-mêmes. Tout cela montre qu’il y a un manque de confiance en l’autorité de l’Etat lui-même. Mais on aurait pu avoir des mesures fortes si on avait pris l’ampleur de la gravité du problème. Malheureusement, on les attend toujours. Même sur la question de la corruption, il aurait pu avoir des mesures fortes pour apaiser la population. Les gens ont le sentiment qu’il y en a pour qui c’est le nirvana, pour des raisons qui ne sont pas liées à leur mérite et c’est cela qui fait mal aux gens. Comme le dit quelqu’un, on était ensemble ici mais comme il est le copain de tel grand, il est brusquement devenu opérateur économique. Ce n’est même pas facile d’accepter cela. Les gens aiment que dans une société, chacun gagne selon son mérite. C’est cela que les gens respectent mais lorsqu’il ya des courtes échelles, c’est comme si les citoyens ne sont pas tous égaux. Et cette situation, les gens ne l’acceptent pas car le Burkina a une culture faite de sobriété et de discrétion.

Mais quand des comportements choquent cette culture, cela révolte. Et je vous dis qu’on entend cela dans la ville et dans les secteurs. Au secteur n°6 de Ouagadougou, une femme a soulevé la question et cela m’a vraiment édifié. Elle disait que pendant que certains n’arrivent pas à nourrir leurs enfants, on observe du gaspillage chez d’autres. Cela est un discours qui est nouveau parce qu’il y a de cela 30, 40 ans quand quelqu’un n’avait rien, il disait que c’est Dieu mais aujourd’hui quand il n’en a pas, il dit qu’on mange le laisser. Et cela est dangereux pour l’évolution d’une société.

S. : Dans vos discours, vous parlez de changements. De quel type de changement le Burkina Faso a-t-il besoin ?

Z.D. : Quand je prends trois domaines dans lesquels nous avons des contradictions, le changement y est décrit. Premièrement, il y a la manière de reconstruire la démocratie. Nous voulons reconstruire une démocratie républicaine et citoyenne. Les gens ne croient pas à notre système démocratique. La preuve est qu’ils ne votent pas parce qu’ils se disent que ce sont les mêmes qui gagnent toujours. Cela montre que les gens ont une aspiration au changement. Les deuxième et troisième points portent sur le développement mieux partagé et sur l’organisation de la société sur de nouvelles bases. J’ai même la faiblesse de croire, inspiré par l’expérience que j’ai vue dans d’autres pays que ce troisième volet est plus capital que les deux autres. Il est bon que nous éduquions nos enfants en intégrant en eux une sorte de fierté nationale. Sinon, nous ne construisons pas une société. L’autorité parentale n’existe plus. Qu’est-ce qui fait que nos familles étaient stables avant ?

Il y avait une autorité parentale. Les enfants sont aujourd’hui éduqués par la télévision. Il y a aussi la question de la responsabilité parentale. On ne peut pas mettre un enfant au monde et se conduire comme si l’on n’a rien fait. C’est une décision importante qui a été prise. L’Etat doit-il réagir face à ces problèmes ou non ? Je pense qu’il ne peut pas rester indifférent. Un père a des obligations vis-à-vis de sa famille. Nous pouvons dire que ces aspects relèvent du privé. Mais en fait, nous aurons dans le futur des individus qui ne pourront pas être utiles à la société. Nous n’avons pas de politique de la famille. En France, ils ont commencé à mettre les cours de moral en classe. C’est très important pour le développement.

S. : On assiste à l’ouverture, au Burkina Faso, de nombreuses sociétés minières. Est-ce là la clé de la croissance et du développement pour le pays ?

Z.D. : C’est en tout cas un facteur important de développement et de croissance. On voit des investisseurs qui arrivent, de l’emploi qui est créé à certains niveaux, de la valeur ajoutée qui est faite par l’extraction des minerais et on voit les ressources que cela peut procurer à l’Etat pour lui permettre de continuer son action. Mais on doit aussi être vigilants et savoir que nous ne sommes pas les seuls à avoir connu une histoire minière. L’un des premiers paramètres qu’il faut avoir en tête en matière de mine est qu’on parle d’une ressource qui va finir. Que ce soit le pétrole ou l’uranium, ça va finir et cela commence dès le premier coup de pioche. Mais la vie d’un pays ne finit pas au même moment. Il faut donc s’assurer que ce que la mine va donner servira le pays plus longtemps que ce cela va durer. Deuxièmement, on l’a vu avec le cas en Afrique du Sud, à savoir la question de la gestion des hommes et de la satisfaction de leurs besoins. Le secteur minier est réputé comme étant un peu très dur.

Il ya un 3e niveau de problème lié à l’évolution car les populations sont convaincues qu’elles sont propriétaires des richesses qui sortent de leur patelin. Quand vous allez exploiter une mine quelque part, c’est vrai que c’est pour le Burkina mais les populations se disent avant que c’est pour elles. On a vu ces genres de revendications à Dori avec des jeunes demandant de l’emploi. Un pays comme l’Inde a fait passer récemment une loi en la matière obligeant les sociétés minières à un certain nombre d’investissements locaux. Ce n’est pas une question autour de laquelle, il n’y a pas de pratiques ou d’expériences qui peuvent inspirer. D’autres pays ont examiné ce chemin et ont abouti à des manières de faire.

S. : Les paramètres que vous évoquez sont-ils pris en compte dans le contexte burkinabè ?

Z.D. : C’est difficile de donner une réponse globale mais ce qui est sûr c’est que la ressource va finir. L’utilisation qu’on doit faire de l’argent que l’on tire des mines est très importante. Ces sociétés minières appartiennent à qui exactement ? Qui est actionnaire ? Qui est propriétaire vraiment ? Est-ce que ce sont les noms qu’on voit ou bien il y a d’autres personnes derrière ? Ce sont des questions légitimes que le citoyen peut se poser puisque c’est notre richesse à nous tous. On n’a jamais demandé aux journalistes en leur disant : « On sait que vos salaires ne sont pas élevés mais qu’il ya des bons de souscription pour avoir des actions dans les sociétés minières ». Pourtant, on aurait pu faire cela. Si on peut être actionnaire là-bas, on ne sait pas qui est dedans et qui peut faire partie. Ce sont des questions qui alimentent beaucoup de conversations.

S. : Donc, on vole nos ressources ?

Z.D. : Moi, je n’emploie pas ce terme ; je ne dis pas cela mais je dis qu’on veut savoir. On ne vole pas, c’est nous qui leur avons donné nos concessions mais on aurait pu avoir une plus grande participation. Et l’une des manières de participer, c’est d’être acteur dans la mine. On pouvait dire par exemple que 15% était réservé à l’actionnariat populaire.

S. : Il y a aussi le problème de l’achat de l’or à terme, à savoir que les prix sont fixés quelle que soit l’évolution du cours.

Z.D. : C’est une question de négociation, mais au-delà du Burkina, c’est le problème auquel l’Afrique est confrontée. L’exemple est simple ; vous êtes dans votre pays avec vos ressources et malheureusement pour l’exploiter il faut des capitaux et ce n’est pas petit. Le coût de l’exploitation que AREVA fait à Imouraren au Niger, c’est 1,4 ou 1,5 milliard d’euros. Si un Etat a l’argent pour faire cela, il est propriétaire de tout. Mais l’argent et le savoir technologique font que nous sommes dépendants. Je regrette que nos pays n’aient pas eu une stratégie commune au plan minier. C’est vrai qu’un pays ne peut le faire mais plusieurs pays ensemble peuvent. Et ce n’est pas mauvais qu’on ait une mine d’or ici où le Burkina a 50%, la Côte d’Ivoire met 15%, le Niger 15%. C’est la communauté qui en bénéficie. Mais on n’a pas ce schéma qui nous permet d’extraire nos ressources et nous sommes toujours obligés de nous fier aux entreprises multinationales.

S. : D’aucuns pensent qu’il faut plutôt nationaliser les mines parce que le Burkina perd beaucoup dans l’exploitation minière. Quel est votre avis ?

Z.D. : C’est une politique risquée. On doit être un pays ouvert en ce sens que notre développement est financé par l’investissement. Cet investissement peut être domestique, local mais en général cela ne suffit pas. Ainsi, on a besoin d’un investissement étranger or il y a des décisions que vous prenez qui sont ce qu’on appelle en finance « les mauvais signaux ». Si vous commencez à faire cela, vous allez voir qu’il y aura un désengagement progressif des investisseurs.

S. : Quel regard portez-vous sur l’arsenal fiscal que le pays a, étant donné que le Burkina est passé d’un pays à faible potentialité minière à un pays minier ?

Z.D. : Je pense qu’en la matière, on a beaucoup appris. Nous avons des dispositions qui sont relativement attrayantes. C’est une question d’équilibre et on a jusqu’où aller pour ne pas perdre au niveau des recettes de l’Etat et jusqu’ où aller pour encourager ceux qui investissent tout en sachant que nous ne sommes pas le seul pays où les investisseurs viennent. Car nous sommes en compétition avec d’autres pays. En tant que patriote, je dis aux miniers que je rencontre que nous sommes les meilleurs par rapport à d’autres. Pour avoir une formule bateau, je dirai qu’en matière de fiscalité minière, ça va, même si on peut toujours améliorer.

S. : Toujours dans le secteur minier, on constate la présence de beaucoup d’investisseurs étrangers. Pensez-vous que la mondialisation contribue finalement à l’essor du Burkina Faso ?

Z.D. : Nous n’avons pas le choix de la mondialisation car c’est un fait qui s’impose à nous. C’est un fait qui s’impose par l’évolution naturelle de l’humanité. Et c’est l’explosion des communications et la destruction des barrières entre individus et pays. Vous êtes journaliste, quand vous rentrez et vous appuyez sur votre télévision vous êtes tout de suite informé de ce qui s’est passé à 9 heures à Los Angeles. Il y a 50 ans, ce n’était pas comme cela. Le deuxième corollaire lié à la mondialisation concerne la circulation des capitaux. Si on pouvait vivre en vase clos, on peut dire qu’il y a un choix mais il n’y a pas de choix. Et quand c’est comme cela, il faut faire en sorte de tirer avantage et ne pas laisser trop d’inconvénients et c’est là la véritable gageure. Par exemple, il y a un véritable inconvénient majeur au niveau de notre culture, de nos valeurs culturelles.

Car si vous vous mondialisez, plus vous avez des citoyens qui sont moins ancrés dans leurs cultures mais qui ont tendance à copier les autres. Je trouve que les pays asiatiques qui sont aussi exposés, ont réussi à garder leurs substrats culturels ; et pourquoi pas nous ? Sur le plan des capitaux, la mondialisation offre des potentiels énormes en termes d’investissement ; il faut alors aller les chercher. Par exemple, je vois qu’on lance toujours des emprunts de bons d’Etat, 30, 40 ou 50 milliards. A mon avis, emprunter dans la sous-région est une chose que nous devons dépasser maintenant. On doit emprunter sur le marché européen maintenant. Le Ghana et le Sénégal l’ont fait et quand vous arrivez là-bas, on parle en dollars, de 500 millions de dollars par exemple et c’est là que ça devient intéressant. Cela est un avantage que la mondialisation nous donne d’autant plus que nous disons que nous avons une bonne image. Les autres pays ont-ils une meilleure image que nous ? On ne peut dire oui ou non, mais cela ne nous empêche pas d’aller en compétition même si on ne sera pas au même niveau et tirer avantage de cela.

S. : La politique nationale du sport au Burkina Faso cadre-t-elle avec les réalités de notre pays ?

Z.D. : C’est au fruit qu’on va le savoir. J’ai parcouru le document il y a quelque temps mais ce qui est important ce n’est pas la politique que l’on déclame que l’on fait mais c’est de voir comment elle peut amener aux résultats. Mais je ne peux pas dégrader un travail fait par des compatriotes qui, je le pense, sont compétents en la matière. Par contre, je vois que dans certains domaines, les résultats tardent. Laissons de côté la défaite récente des Etalons mais je sais que c’est quand même frustrant. Quand on parle de ballon en Afrique, on fait référence à la Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Ghana, au Cameroun, à l’Algérie, au Nigeria, etc. On aura voulu de temps en temps qu’on cite le Burkina aussi. Pour revenir à la question, c’est bien que l’Etat ait une politique en termes d’orientation mais il faut qu’on ait dans la société des initiatives qui permettent de faire en sorte que le football ou les autres disciplines sportives soient encouragés. Et des volontés manquent souvent pour cela.

C’est vrai qu’il y a la question des moyens. Il y a des gens qui ont des moyens mais qui ne pensent pas qu’ils doivent s’investir dans ce domaine. Dans les autres pays, en plus de l’effort de l’Etat, il y a des individualités qui ont plus de ressources. Quand vous partez dans n’importe quelle commune par exemple, il ya toujours un monsieur qui sponsorise l’équipe de football locale. Il est capable de donner des maillots, des ballons et même d’acheter un car pour cette équipe. Ce sont de telles initiatives qui permettent d’accompagner le sport.

S. : Il y a quand même de coupe des maires, de préfets…

Z.D. : C’est bien, mais on le fait une fois en passant. Et le football, ce n’est pas cela. Par exemple dans un village, ç’aurait été bon qu’il y ait une équipe animée par quelqu’un comme on le voit dans certains pays.

S. : Faut-il insister sur le football ou investir dans d’autres sports ?

Z.D. : Le football fait partie de notre tradition. Et ne pas investir dans ce domaine c’est comme si nous avions une infériorité congénitale. Par exemple, on ne met pas l’argent dans le golf puisque ça ne fait pas partie de notre tradition sportive. Là on peut comprendre mais concernant le football, je dirai que tous les pays africains sont nés et ont grandi dedans même si certains ont dépassé d’autres.

S. : Mais les Burkinabè excellent dans le cyclisme ?

Z.D. : Oui mais nous avons en football des professionnels qui sont dans des clubs internationaux. C’est vrai, le cyclisme et la boxe sont des disciplines qu’on encourage autant qu’on le peut mais on ne peut pas abandonner le football. Ce n’est jamais plaisant d’être citoyen d’un pays dont l’équipe nationale se fait battre mais quelque part le football a dépassé le stade du sport. C’est devenu maintenant un facteur d’identité nationale. Quand un pays remporte la coupe, c’est comme s’il avait réussi. Et quand vous êtes battus, c’est comme si l’autre est mieux que vous. Alors que dans d’autres paramètres, le pays qui vous a battu n’est pas mieux que vous. C’est une question d’orgueil national mais il ne faut pas tomber dans l’opprobre. Je crois qu’il faut donner le temps au temps et tirer les enseignements de la manière dont on est organisé et essayer d’améliorer. Il ne faudrait pas qu’on se dise que nous sommes mauvais dans ce domaine-là et que nous n’y arriverons jamais. Il y a des pays qui étaient aussi bas que ça mais qui, progressivement, ont réussi à s’imposer. Il y a même des pays qui découvrent le football maintenant.

S. : Concrètement, qu’est-ce qui fait que le football national ne marche pas ?

Z.D. : Quand on voit une équipe nationale, on oublie que c’est le summum. Il y a tout un tas de choses à faire en bas et c’est ce que nous n’avons pas. Si vous n’avez pas de techniciens confirmés qui encadrent ces gens en province, c’est difficile. Avant, le football se pratiquait les dimanches ; aujourd’hui, il est devenu un travail à temps plein. Si vous voulez que votre championnat soit animé par des équipes de valeur, vous êtes obligé d’avoir des gens qui ne font que cela. Et c’est compliqué aujourd’hui car qui va assurer leur financement et les encadrer ? Ce n’est pas pour rien que les grands clubs coptent des directeurs généraux de sociétés d’Etat pour être leur président. Ce n’est pas pour leurs beaux yeux.

S’ils sont là, c’est pour leur porte-monnaie. Mais au niveau plus bas, dans les quartiers, il m’est arrivé d’être sollicité pour remettre des maillots dans mon village. Mais il aurait fallu que ce soit plus systématique que cela. Or, si nous n’avons pas cela, on ne va pas faire émerger une génération de base qui, elle, se bonifiera en montant pour intégrer l’équipe nationale. Il y a aussi la politique de placement à l’étranger. Il faut qu’on ait des écoles de formation qui soient telles qu’elles sortent des produits de valeur. Or, j’ai l’impression que nos jeunes se débrouillent et n’hésitent pas à suivre des intermédiaires peu scrupuleux qui viennent les flatter. Une école de football nationale aurait pu mieux organiser cela.

S. : Récemment, la Fédération burkinabè de football (FBF) a voté oui pour l’amendement de la Fédération algérienne qui écarte un certain nombre de cadres africains pour la gestion du football continental. Si vous étiez à la place du président de la FBF, auriez-vous cautionné cet amendement ?

Z.D. : C’est difficile de juger l’action de quelqu’un comme cela. J’imagine que s’il l’a fait, il a des arguments. Je ne connais pas le dossier dans tous ses composantes et compartiments. J’en ai eu connaissance peut-être moins que vous à travers ce que la presse en a dit. Ce que j’ai compris, c’est que l’Algérie a envoyé un amendement qui dit que pour pouvoir prétendre à la place de monsieur Hayatou (Ndlr : Issa Hayatou est le président de la Confédération africaine de football), il faut être ou avoir été membre du comité exécutif. Ce qui est gênant, ce n’est pas le paramètre en soi. Ce qui me gêne, c’est que ce sont des règles du jeu que l’on change en cours de match. Il y a bien longtemps qu’on l’a élu là-bas sans dire cela. Pourquoi cette fois-ci on en vient à sortir cette mesure qui écarte un certain nombre de personnes ?

C’est là où c’est critiquable. Certains nous diront non, c’est parce que les choses sont devenues plus complexes, et que quelqu’un peut venir parachuter. C’est comme dire qu’on ne peut pas quitter le poste d’instituteur de Falangoutou et venir être ministre de l’Education de base. Pourtant on doit bien pouvoir. C’est comme dire que pour être ministre, il faut d’abord être ministre avant ou bien pour être président, il faut être ministre. Cela n’est écrit nulle part. Contrairement à ce que l’on pense, le fait qu’une personne ne vienne pas du sérail apporte des visions nouvelles puisque ceux qui sont membres du comité exécutif et qui se frottent finissent par se formater eux-mêmes une certaine vision. Quelqu’un qui vient d’un autre horizon apportera une autre vision. Voilà ce que j’en ai conclu.

S. : Le président malien Dioncounda Traoré a sollicité l’appui militaire de la CEDEAO pour faire face à la situation qui règne au Nord du Mali. Cet appel à la CEDEAO est-il une solution à la crise malienne ?

Z.D. : Si elle ne l’est pas, il n’y en a pas d’autres. Il est clair que la crise malienne a pris une dimension qui est même plus que sous-régionale. N’oubliez pas qu’il s’agit-là d’éradiquer un mal pour lequel les pays occidentaux ont mené des actions à travers le monde qui sont d’une vigueur qu’on ne peut pas décrire. Trouver ça dans les frontières du Sahel, ça veut dire qu’on a un problème. Ce n’est pas un problème qu’un pays tout seul peut résoudre y compris le Mali avec tous le respect qu’on peut avoir pour eux. C’est bon que la CEDEAO s’en soit saisie et qu’il y ait eu cette requête. On a toujours besoin d’une assistance quelconque de l’extérieur pour réussir et ils en auront besoin. Je ne dis pas qu’ils auront forcément besoin de troupes. Mais il n’y a pas que les troupes dans une assistance. Il y a le matériel, l’information et même les images satellites qui permettent d’y aller. Si la CEDEAO peut apporter ce que demande le Mali pour lui permettre de compléter avec ce qu’il a pour y aller, à mon avis, c’est une bonne chose. Et comme c’est fait, en plus, sous un mandat qui va jusqu’aux Nations unies, au moins la légalité internationale est sauve. L’erreur à ne pas faire, c’est de se désengager en disant que le Mali n’a qu’à se débrouiller.

S. : Les Maliens refusent que les troupes de la CEDEAO interviennent dans leur pays ; que faut-il faire dans ce cas ?

Z.D. : On ne peut pas croiser les bras. Puisque c’est eux-mêmes qui demandent qu’il n’y ait pas de troupes au sol, il faut leur donner l’assistance qu’ils ont demandée. S’ils se rendent compte qu’ils peuvent le faire avec et qu’ils le font, tant mieux. S’ils essaient et que c’est compliqué, peut-être qu’ils vont revenir demander autre chose. Mais vous ne pouvez pas donner à quelqu’un plus que ce qu’il vous a demandé. Mais je comprends aussi que l’armée et la nation elle-même aient un certain orgueil car c’est une affaire entre Maliens. C’est vrai qu’il y a AQMI et autres qui viennent de l’extérieur mais ce sont les Touaregs qui ont commencé la chose. Les Afghans et les Pakistanais ont trouvé un terrain fertile pour aller s’exercer au Jihad puisque de l’autre côté ça chauffe. Il faut donc les déloger ; on n’a pas le choix.

S. : Le journal Jeune Afrique a publié une information selon laquelle le Burkina alimenterait le MUJAO en armes. Quel est votre commentaire sur cette information ?

Z.D. : C’est une information publiée par Jeune Afrique. Elle est d’une certaine gravité. Comme vous et moi, nous n’avions pas les éléments qui étayent cette information qui accuse notre pays. A mon avis, il n’y a que les autorités qui peuvent faire la lumière et apporter le démenti qu’il faut si tel est le cas. En tant que patriote, on se met en réserve pour ne pas accuser son propre pays quand on n’a pas tous les éléments. Quelque part aussi, on a son orgueil chatouillé quand on dit cela de son pays. Sur des questions internationales comme celle-là, il faut qu’on ait la bonne vision de la chose pour ne pas l’alimenter. Un pays, c’est une continuité. Il faut toujours voir les choses de cette manière. Ce n’est pas la propriété de celui qui est à la tête ; c’est une continuité et parfois un homme politique doit faire attention à l’endroit de certaines questions en se rappelant que le pays est une continuité et que le plus important, c’est le Burkina lui-même et pas nos querelles de chapelle.

S. : La Côte d’Ivoire a enclenché un processus de réconciliation malheureusement marqué par des arrestations et des procès contre les partisans de l’ancien régime. Peut-on de cette façon réussir la réconciliation ?

Z.D. : Les pays ont leur évolution et quand les actes sont commis, il arrive que la justice demande des comptes à ceux qui les ont commis. J’imagine que c’est dans ce cadre. C’est un aspect dans une approche globale de la réconciliation. Le fait de se réconcilier n’empêche pas aussi de dire la vérité d’une certaine manière. Qu’on noue un dialogue vite entre les deux camps et que la suspicion qui existe entre eux passe et qu’on trouve les voies et moyens pour collaborer ensemble pour pouvoir assurer la paix et la stabilité dans le pays. Ils sortent quand même de dix années d’un traumatisme énorme. Une économie importante pour la sous-région qui vit comme étant la vitrine pour ce qui est de cette partie de l’Afrique dans laquelle nous avons des millions de compatriotes qui vivent. Personne ne peut souhaiter autre chose que la paix pour ce pays.

S. : On a l’impression de se retrouver en face d’une justice de vainqueur car les exactions ont été commises de part et d’autre et c’est un camp qui est accablé.

Z.D. : C’est ce que vous et moi voyons mais comme c’est un continuum, peut-être que sur l’autre camp, il y a des actions qui sont envisagées. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a un principe de base qui est que pour la réconciliation, on doit avoir le sentiment que tout le monde est traité sur un pied d’égalité. C’est un jugement que vous apportez, nous, nous observons en nous disant qu’il y a un an que le nouveau régime s’est installé. Jamais on n’a entendu le chef d’Etat ivoirien dire que ceux qui ont commis des exactions dans son camp ne seront pas poursuivis par la justice. Peut-être qu’il faut se donner un peu plus de temps pour voir.

S. : Faut-il libérer Laurent Gbagbo comme le demandent ses partisans afin qu’il y ait la réconciliation ?

Z.D. : Ce n’est plus du ressort de la Côte d’Ivoire. Une fois qu’on est à la CPI (Ndlr : Cour pénale internationale), ce sont les règles de droit qui s’appliquent. Pour établir la culpabilité de quelqu’un à la CPI, le dossier n’est pas petit. Les gens vont jusqu’au bout. Regardez pour Charles Taylor, il a fallu des années et des années, des pages et des pages de documentation. Les magistrats sont très regardants sur les chefs d’accusations. Si c’est non, c’est non. On peut bien gesticuler mais c’est fini. Le dossier est entre des mains qui nous dépassent tous.

S. : A la CPI, on a l’impression que ce sont les Africains qui sont visés. Quel sentiment cela vous fait ?

Z.D. : C’est vrai, il n’y a que des Africains qui sont alignés à la CPI alors qu’on se dit que dans d’autres régions du monde, il y a aussi des gens qui mériteraient de se retrouver là-bas. Comme George Bush, d’après certaines ONG, qui estiment que certaines guerres qu’il a déclenchées n’étaient pas opportunes.

S. : Comment appréciez-vous la démarche engagée par le Sénégal pour juger Hissène Habré ?

Z.D. : Au moins, ce nouveau gouvernement ne s’est pas débiné. Parce qu’on faisait tourner l’opinion en rond avec des propositions qui n’en finissaient pas. Là au moins, il y a une avancée décisive. Je crois en ce nouveau gouvernement car en quelques mois, il a progressé plus vite que l’ancien régime pendant des années. Donc je me dis que tout cela augure quelque chose de différent.

S. : Quelle appréciation faites-vous de la politique française en Afrique sous François Hollande ?

Z.D. : Sa politique est conforme aux intérêts de son pays. Que ce soit le régime de droite ou de gauche, ce qui compte d’abord ce sont les intérêts de la France. Ce sont des puissances et dans le cercle des relations internationales, ce qui compte pour ces pays, c’est d’abord leurs intérêts. Il y a aussi sans doute la différence d’un certain nombre de valeurs autour desquelles on aime bien les voir parler et prendre position. Mais que ce soit eux ou d’autres, malheureusement, c’est parfois à géométrie variable.

S. : Les Américains voteront leur président le 6 novembre 2012. Qui des candidats Barack Obama et Mitt Romney soutenez-vous dans cette élection ?

Z.D. : En général, c’est le programme que je regarde. Le programme de Obama est beaucoup plus proche de ce que nous prônons dans notre manifeste que celui de Romney qui est celui du Parti républicain. Deuxièmement, le président Obama a quand même hérité d’une situation qui était très difficile. Ce n’est pas lui qui a amené la crise. Il est tombé en plein dedans. Mais tous les économistes disent que les mesures qu’il a eu à prendre, c’est ce qu’il faut. C’est normal, il était entouré des meilleurs que l’on puisse avoir en la matière. Dans chaque pays, les personnels de compétence sont bien connus. C’était les meilleurs qu’il avait et c’est indéniable. Par contre, le problème est qu’il y a un temps de réponse de l’économie et c’est là où le politique a des problèmes.

L’opinion veut la réponse immédiate et l’économie s’accorde un temps de réponse. Quand vous prenez une mesure au plan économique, ce n’est pas le lendemain que l’on voit les effets. Alors que le citoyen n’aime pas attendre cela. Pour prendre un exemple beaucoup plus prosaïque qu’on a observé notamment dans les alternances, quand un nouveau régime arrive au pouvoir, il commence des projets qu’il soumet à des financements, le cycle est tellement long qu’en général, ce n’est pas fait avant cinq ans. Mais quand c’est comme cela, on dit qu’il est venu et il n’a rien fait. Donc ce n’est pas toujours facile en matière de changement, de pouvoir réussir. Mais ça, c’est un cas particulier.

S. : Il y a la crise de la dette qui fait sombrer des Etats comme la Grèce. Quelle leçon l’Afrique peut-elle tirer de cette situation ?

Z.D. : Ce qui est intéressant pour nous autres, c’est qu’en fait ces pays sont en train de vivre exactement la situation qu’avaient vécue les pays africains à la fin des années 80 et qui les a amenés au Programme d’ajustement structurel (PAS). Ce qu’on leur demande de faire, c’est de s’adonner au PAS. Ce n’est pas plus compliqué que cela. C’est l’austérité. On leur demande de diminuer les fonctionnaires et de diminuer les pensions des retraites. C’est ce qu’on nous a fait faire ici dans les années 90. L’Afrique ne doit pas tirer leçon d’eux mais c’est plutôt eux qui doivent tirer leçon de nous. D’ailleurs, des économistes ont écrit, y compris madame Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) que ce qu’on leur demande, quand on exigeait cela aux pauvres pays africains qui criaient, ils ont tous cautionné à l’unanimité. Aujourd’hui, ils voient que ce n’est pas facile.

Ici on a même diminué les salaires, on a privatisé et on a envoyé des gens à la retraite anticipée. C’est ce qu’on leur demande. Il faut qu’ils viennent nous demander comment nous avions fait afin que nous puissions le leur expliquer. C’est intéressant que par le retournement de l’histoire, on en soit arrivé-là.

S. : L’actualité internationale est marquée présentement par la crise en Syrie. Que faire pour un dénouement de cette crise syrienne ?

Z.D. : On est dans une situation de guerre civile qui, visiblement, met en cause la légitimité du régime actuel sans compter les actes de barbarie auxquels il se livre. Quand il y a une guerre civile de cette nature, on aurait aimé qu’il y ait un passage à une autre situation politique beaucoup plus consensuelle et démocratique avec le départ du système. Mais là c’est compliqué parce que l’extérieur ne peut pas aider puisqu’il y a un véto toujours brandi par la Russie et la Chine. D’ailleurs, ce véto est une manière de faire payer les Occidentaux, l’intervention en Libye. Et en plus, ils ont leurs intérêts aussi ; ce qui montre que pour ces grands pays, c’est d’abord cela qui compte chez eux. Ils ne s’occupent pas de la souffrance des peuples.

C’est un régime féroce qui est dictatorial de père en fils d’ailleurs. Rappelez-vous que le père de Bachar al Assad, Hafez, était appelé “le Boucher”. Tuer 5000 personnes ne représentait rien pour lui et c’est une minorité qui contrôle l’armée essentiellement et qui règne sur une majorité. Il y a un réflexe de minorité qui doit rester longtemps au pouvoir. D’abord, transmission dynastique et rien que cela pose un problème du point de vue de la nature du régime. Ce n’est pas un système démocratique. Or, il serait quand même bon qu’on en arrive-là dans tous ces pays comme on l’a vu avec le Printemps arabe.

S. : Le problème est que les combattants viennent d’ailleurs car disent-ils, ils sont en Jihad.

Z.D. : Quand une guerre civile commence comme ça, tout le monde y trouve son compte. Chacun des camps fait appel à des aides. On a dit que les Iraniens vont aider aussi les milices du régime en place. Chacun bat le rappel de ses troupes. Et puis il y a ceux qui aiment pêcher dans les eaux troubles car ceux dont vous parlez sont malins puisqu’ils voient venir et ils savent que dans leur culture, pour prendre le pouvoir demain, il faut qu’on dise que vous êtes parmi les combattants. Comme l’opposition n’est pas très organisée, si on peut avoir une force organisée qui vient les aider, il est clair que dans le partage du pouvoir après, ils pourront avoir leur part comme cela a été fait ailleurs. Ils ont infiltré et c’est logique car ils mènent leur stratégie. Ils ont des Frères Musulmans qui sont discrets et quand ils sont là, ça aide à aller plus vite et à changer les choses. Mais une fois que le régime est tombé, quand on dit d’aller aux élections, ils sont structurés et organisés et ils remportent haut les mains le scrutin.

Ils disent au départ qu’ils n’appliqueront pas la charia mais dès qu’ils ont le pouvoir, ils préparent l’opinion à accepter la charia comme règle de base du pouvoir. Le problème des religions c’est qu’on ne peut pas les réprimer. Même si vous le faites par l’Etat et qu’il n’y a pas un travail à la base, il sera persistant dans les cellules humaines. Que la religion devienne une religion d’Etat, c’est compliqué. C’est le problème qu’on a au Mali. On est tous contre la charia mais il y a des gens qui sont convaincus que c’est ça qu’il faut. Mais ils ne sont pas moins Maliens que les autres.

S. : Si vous devriez faire le choix entre la Chine populaire et Taïwan, lequel préféreriez-vous ?

Z.D. : La Chine populaire. Parce que c’est l’Etat qui est le plus reconnu par les instances internationales. Il est membre du Conseil de sécurité des Nations unies et à ce titre-là, j’estime que même si je ne suis pas son ami, je n’ai pas à gagner quelque chose en devenant son ennemi. Deuxièmement, le développement de la Chine a des aspects qui sont intéressants pour nos pays. C’est en trente ans que les Chinois ont réussi comme tout d’ailleurs les pays émergents. On ne peut pas dire que la Chine n’a pas changé. Ce n’est même pas un pays en développement. La Chine est un pays développé car c’est aujourd’hui la deuxième économie mondiale après les Etats-Unis. Ce qui est intéressant, c’est que dans l’histoire de l’humanité aussi loin que l’on puisse remonter, on n’a jamais vu un pays occuper le premier rang pendant plus de deux siècles.

Le Portugal, l’Espagne, l’Egypte, l’Angleterre, Rome ont dominé à tour de rôle le monde. Cela dure, mais ça n’a jamais dépassé deux siècles. Donc cela voudrait dire que le numéro un actuel a du souci à se faire. Les USA ont été la puissance le siècle passé mais déjà là, ils sont presque à égalité. La Chine est un partenaire financier important pour l’Afrique qui investit. On peut critiquer mais c’est à chacun de négocier ce qui se passe. Par contre c’est vrai, son système politique peut aussi être critiqué puisque c’est un système qui est toujours un peu axé sur le parti unique. Mais ce qui est gênant, c’est qu’il y a la réussite et le développement.

S. : Que fait Zéphirin Diabré de ses temps libres ?

Z.D. : Ça dépend des périodes. Maintenant, on est en plein dans la politique donc il n’y a pas de temps libre. Mais de manière générale, entre les activités de travail que l’on mène tant qu’on peut et les activités politiques, je suis plutôt versé vers le tennis sur le plan du sport. Je fréquente les courts de tennis de temps en temps. En dehors de cela, j’aime bien regarder les documentaires à la télé sur les évènements qui se sont passés avant. On n’est pas contemporain, donc on veut comprendre. Souvent sur Planète, il y a toujours quelque chose qui évoque un peu une page de l’histoire de l’Afrique et du monde et on apprend beaucoup de choses.

S. : D’une manière générale, pensez-vous que la liberté de la presse a quelque peu évolué au Burkina ?

Z.D. : Elle a beaucoup évolué à mon avis, il faut être positif. Mais cela n’a pas été un cadeau. Ce sont des conquêtes arrachées. Voyez ce qui s’est passé avec Norbert Zongo, il y a quelques années, vous avez dû passer par des épisodes douloureux et payer le prix de la sueur et du sang. Mais ce n’est pas fini, il faut continuer. Il y a encore de grandes conquêtes qui attendent car c’est un combat permanent. Dès que vous baissez la garde, les pouvoirs établis, qu’ils soient de l’Etat ou dans tous les milieux, ils vous écrasent. Aujourd’hui, vous faites des commentaires que Sidwaya n’aurait pas faits il y a dix ou quinze ans. C’est aussi les aléas du temps. La presse privée également a évolué. Quand vous regardez les manchettes des journaux, on ne parle plus en termes voilés. Si quelqu’un est mis en indexe, on dit son nom et on dévoile le montant de la somme. De plus en plus, on avance.

S. : Et le professionnalisme des journalistes qu’en dites-vous ?

Z.D. : Je me dis que les médias pour la plupart sont animés par des gens qui ont été formés pour. Les citoyens vis-à-vis des médias, quand ça les concerne, ils ont tendance à croire qu’on n’a pas dit exactement leur expression. Quand ils font une action et qu’on en parle, ils voudraient qu’on en parle davantage en termes laudatifs. Ils n’aiment pas les critiques or c’est le rôle des médias. Mais je n’ai pas connaissance d’un comportement de la presse ici qui irait en travers de la déontologie. Il y a un retour de boomerang donc les gens font beaucoup attention.

S. : Quels sens donnez-vous aux mots suivants ?

Politique
C’est un engagement, une passion mais ce n’est pas une profession pour moi.

Amitié
C’est très important dans la vie. C’est le socle de la solidité de soi-même.

Trahison
C’est l’une des choses que j’espère avoir le moins possible mais c’est aussi l’une des choses à laquelle je m’attends en tant que leader politique.

Vie
C’est un long fleuve tranquille dans lequel il y a plusieurs vies pour chacun d’entre nous.

Mortt
C’est le destin de tout être humain, l’essentiel est que le moment venu, on soit satisfait de ce que l’on a fait sur terre.

Argent
C’est important pour faire beaucoup de choses mais pas l’essentiel.

Famille
C’est l’essentiel en ce sens que lorsque tout est perdu, il y a au moins ça qui vous reste.

Pouvoir
C’est important en tant qu’instrument pour changer et avancer mais il devient dangereux quand c’est un instrument pour jouir.

Travail
C’est une donnée cardinale qui conditionne le succès et dont j’aurais aimé qu’il caractérise chaque jour le Burkinabè en tant qu’individu.

Formation

C’est très important de donner aux citoyens la capacité d’acquérir la connaissance à la fois théorique et pratique. C’est l’un des moteurs de l’excellence .

La Rédaction

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