Lefaso.net : Il s’est tenu du 19 au 21 septembre la 1ère conférence des investisseurs de Bagrépôle. Est-ce que les attentes de la Banque Mondiale sont atteintes ?

Djibrilla Issa : Bien sûr. L’objectif de la 1ère conférence des investisseurs du pôle de croissance de Bagré était de permettre au gouvernement de présenter aux investisseurs potentiels les atouts et les potentialités du pôle de croissance de Bagré, les opportunités qui leur sont offertes et les attentes du gouvernement. Nous sommes satisfaits rien qu’au regard du nombre des investisseurs présents à cette conférence. Il y a eu environ 600 personnes dont 120 investisseurs internationaux et plus de 300 investisseurs nationaux. Des discussions ont aussi permis à la Banque mondiale et aux investisseurs qui étaient là de comprendre les attentes des investisseurs. De ce fait, je pense que l’objectif a été atteint.

La Banque Mondiale a alloué plus de 57 milliards de francs CFA pour le projet parce qu’il va aider à créer des emplois au profit des jeunes. A quoi servira ce financement ?

La Banque Mondiale a, en effet, fait un don de 115 millions de dollars. Ce financement a été approuvé depuis juin de l’année passée et il est effectif depuis novembre 2011. Le financement va servir à faire trois choses essentielles. Il va servir à construire des infrastructures critiques comme les canaux d’irrigation, des pistes d’accès au périmètre, une extension du réseau de fourniture d’électricité, d’adduction d’eau potable dans la zone.

Le 2e volet sera la mise en place de services critiques dont les investisseurs auront besoin pour s’installer dans la zone. Ces services seront entre autre la facilitation de l’installation de services bancaires, de réparation, de fourniture d’internet, des services dont les gens ont besoin pour vivre à Bagré et bien d’autres.

Le 3e élément sera l’appui institutionnel pour une meilleure gestion de la zone. Il va s’agir de renforcer les capacités de gestion de la zone. L’Etat a déjà créé une société d’économie mixte qui est la maîtrise d’ouvrage de Bagré. Cette entité a donc besoin de renforcement de capacité pour faire par exemple les dossiers de passation de marchés, la gestion financière, le suivi-évaluation, la gestion environnementale et sociale. C’est-à-dire assurer une gestion durable des ressources disponibles à Bagré.

Quelles sont les conditions de ces financements ?

Selon les termes de la Banque mondiale, ce financement est un don. C’est un financement de 115 millions de dollars qui a été accordé au gouvernement du Burkina Faso.

Bagrépôle est un projet gigantesque. Quelles sont ses chances d’aboutir ?

Avant de parler des chances d’aboutissement de ce projet, parlons d’abord des objectifs du pôle de croissance de Bagré. Le gouvernement voudrait utiliser le potentiel existant à Bagré, notamment le barrage qui a créé une retenue d’eau d’une capacité de 1,7 milliards de mètres cubes, la terre, l’électricité, et financer des infrastructures complémentaires et attirer les investisseurs privés à Bagré tout en assurant une cohésion entre les petits exploitants, les exploitants moyens et les gros exploitants. Il s’agira en clair de créer une synergie entre les trois groupes d’exploitants pour accroître la production agricole, créer des emplois au profit de la population de Bagré et de celle du Burkina Faso. Ce sont là les objectifs poursuivis par le gouvernement en créant le pôle de croissance de Bagré.

Bagré existe depuis des années et le gouvernement y avait déjà mis les moyens. Il s’agira là de passer à une autre échelle en incitant de gros exploitants à se joindre aux plus de 3000 petits exploitants qui y sont déjà. Je pense là que le gouvernement a mis en place tous les éléments nécessaires pour atteindre ces objectifs avec l’appui de la Banque mondiale et les ressources propres du gouvernement.

Quelles sont les opportunités qu’offre le pôle de croissance de Bagré au secteur privé ?

Le projet consiste pour le gouvernement d’utiliser l’argent public pour attirer des investisseurs privés. La logique est la suivante. Le gouvernement sait qu’il existe un potentiel à Bagré et pour son exploitation, il faut des infrastructures et des services complémentaires afin que des privés viennent investir pour d’une part assurer une rentabilité de leurs investissements et d’autre part pour créer de la richesse et des emplois.

Quel rôle réel peut jouer le secteur privé dans la concrétisation de ce projet ?

Pour être très concret. Le gouvernement va financer, au niveau de l’irrigation, l’installation de canaux primaires. Le secteur privé va louer des terres et financer les autres parties de l’irrigation qui reste c’est-à-dire les canaux secondaires et le système d’irrigation pour exploiter les parcelles. Le secteur privé va de ce fait créer des emplois et de la richesse.

Des fournisseurs de service vont également s’installer à Bagré pour offrir des services dans le domaine de l’agriculture au secteur privé. Certains vont s’installer pour faire la réparation des engins, pour fournir de l’internet aux gens, fournir des engrais aux producteurs. Toutes ces personnes vont fructifier leurs affaires à Bagré. Ce sera entre autres le rôle du secteur privé à Bagré.

Quel accompagnement peut bénéficier le secteur privé de la part de la Banque Mondiale dans le cadre de ce projet ?

Si les ressources de la Banque mondiale financent la réalisation d’infrastructures publiques, c’est déjà un appui pour le secteur privé. C’est-à-dire qu’on facilite l’installation du secteur privé. En financement des canaux d’irrigation, la construction des routes, la mise en place du système d’électrification de la zone, la Banque mondiale fait déjà quelque chose d’important. En prévoyant aussi un fond à coût partagé pour permettre aux fournisseurs de service de s’installer plus facilement à Bagré, c’est un rôle que le gouvernement est en train de jouer avec l’appui de la Banque mondiale pour aider les investisseurs à s’installer.

Que deviendront les petits exploitants qui sont déjà sur le terrain ?

Le gouvernement avait fait des choix. Il avait voulu un schéma qui va incorporer les petits producteurs, donc des nationaux, les moyens et les grands producteurs qui peuvent des nationaux ou des internationaux. Il faut donc une synergie entre ces trois groupes. Les petits exploitants sont aussi considérés comme partie prenante du projet de Bagré. Ces gens vont aussi bénéficier de la terre, de l’eau et leurs entreprises seront aussi rentables.

Pour finir, nous trouvons que le gouvernement a eu une bonne approche en décidant d’utiliser de l’argent public comme levier pour attirer des investisseurs privés au bénéfice de la nation en terme de création de richesse et d’emplois. C’est donc cette approche qui est soutenue par la Banque mondiale dans le cadre du projet Pôle de croissance de Bagré.

Jacques Théodore Balima
Lefaso.net